REPORTAGE - Ukraine : immersion dans le train Kherson-Kiev, aux côtés des cheminots résistants

par M.L | Reportage TF1 : François-Xavier Ménage, Guillaume Vuitton et Frédéric Petit
Publié le 12 février 2023 à 21h02, mis à jour le 12 février 2023 à 21h11

Source : TF1 Info

Depuis près d'un an, c'est tout un pays qui est en ordre de bataille en Ukraine
Un combat contre l'occupation russe qui ne se déroule pas que sur le front.
Parmi les "héros" des Ukrainiens figurent aussi les cheminots.
Derrière les chars, ce sont les trains qui entrent dans les villes libérées, avec tous les risques que ces déplacements comportent.

C'est dans une zone bombardée quotidiennement que doit circuler le train. Avant ce voyage au départ de Kherson, dans le sud de l'Ukraine, pour rallier la capitale Kiev, le machiniste inspecte une dernière fois la locomotive et son moteur thermique. Depuis le début de la guerre, son conducteur Oleg Boroshanosky sillonne tout le territoire dans un train conçu à l'origine par les ennemis d'aujourd'hui, les Russes. "Il a été construit en 1987, pendant l'Union soviétique, mais ça fonctionne encore très bien, quand on sait le prendre en main", explique-t-il dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.

Trois mois plus tôt, les forces du Kremlin occupaient encore le secteur, et le paysage garde toujours les stigmates de leur passage. À travers la fenêtre du train, apparaissent sous un manteau de neige une usine éventrée, un char calciné ou encore les vestiges d'un train attaqué par Moscou, avec ses wagons renversés au bord des rails. 

Même si les forces ukrainiennes ont repris la main sur le territoire, les sols sont encore parfois minés. Alors le train avance prudemment, deux remorques amarrées devant sa locomotive : "Elles servent d'éclaireuses pour la sécurité du train. S'il y a n'importe quel danger sur les rails, si une mine explose, cela nous laisse le temps de réagir", souligne le conducteur. Tous les dix kilomètres, un agent au sol vérifie également la sûreté des rails. 

"Les employés de chemin de fer sont des héros"

Une fois arrivé à Kiev, les passagers découvrent une gare centrale quasiment plongée dans le noir. Même si l'électricité est devenue un bien rare dans la capitale, des dizaines de trains circulent tous les jours. Sur le quai au départ de Kherson, pour le trajet retour, plusieurs agents contrôlent l'état des rails pour repérer d'éventuels sabotages, avant un trajet de onze heures.

Parmi les passagers, plusieurs soldats qui vont rejoindre le front s'installent dans leur voiture à couchettes. "Je pense que les employés de chemin de fer sont des héros, comme les militaires, parce que leur mission est tout aussi cruciale", salue l'un d'eux. Depuis le premier jour de la guerre, les 230.000 employés du réseau ferré ukrainien n'ont pas connu de répit. L'entreprise, qui était au bord de la faillite, est devenue un acteur majeur de la résistance, en maintenant coûte que coûte son activité.

Les trains ont ainsi été protégés tant que possible de potentielles attaques. "Les fenêtres sont recouvertes de scotch, comme ça, quand il y a un bombardement suivi d'un effet de souffle, cela permet de retenir des éclats, pour ne pas atteindre les passagers", explique un employé, en soulevant les rideaux qui recouvrent les vitres. 

À l'arrivée à Kherson, les bombardements sont à nouveau incessants, alors un couloir de protection a été aménagé grâce à d'anciens wagons. "On a tous en mémoire le bombardement de la gare de Kramatorsk, qui a fait 61 morts", dans l'oblast de Donetsk le 8 avril 2022, se remémore Aleksander Pertsov, responsable clientèle des chemins de fer ukrainiens. "À Kherson, il y a au moins un bombardement par jour. Ces vieux trains cargo peuvent faire barrage aux éclats d'obus." 

307 cheminots tués depuis le début du conflit

Dans le sous-sol de la gare, un abri anti-bombardements est également en train d'être aménagé. Depuis un an, de nombreux salariés des chemins de fer sont aussi partis sur le front. "On a payé un lourd tribut : 307 cheminots sont morts, 705 salariés ont été blessés. Alors oui, on tient beaucoup à la sécurité de tous, et à ces abris anti-bombardements", appuie Oleksandr Kamychine, président d'Ukrzaliznytsya, le gestionnaire du réseau ukrainien.

Même dans le hall de la gare, où les passagers attendent le départ du seul train pour Kiev, les risques sont toujours là. Le dispositif de sécurité est donc renforcé : les passeports des voyageurs sont épluchés minutieusement pendant plusieurs minutes, les agents prennent en photo leur visage. Selon les autorités, des pro-russes figurent parmi eux et doivent être surveillés. Mais aussi parfois des détenus qui se sont échappées des prisons ces derniers mois, activement recherchés. Face au danger omniprésent, les équipes ne relâchent jamais leur attention. 


M.L | Reportage TF1 : François-Xavier Ménage, Guillaume Vuitton et Frédéric Petit

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