Biden et Harris à la Maison Blanche

Comment Donald Trump cherche à court-circuiter le résultat des élections

Publié le 20 novembre 2020 à 17h46
Comment Donald Trump cherche à court-circuiter le résultat des élections

Source : TASOS KATOPODIS /GETTY IMAGES VIA AFP

COUP DE PRESSION - Le président américain téléphone lui-même à des membres des comités électoraux locaux, et invite des parlementaires régionaux à la Maison Blanche. Il semble ainsi chercher à court-circuiter le résultat des élections dans certains États, en poussant les autorités locales à nommer elles-mêmes les Grands électeurs.

La plupart des journaux américains ont été abasourdis hier, en apprenant que Donald Trump avait invité à la Maison Blanche des élus du Parlement du Michigan. Contre toutes les traditions, une fois de plus, il joue de tout son poids présidentiel dans le processus électoral. Et dessine l'ébauche d'un changement de tactique.

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Les équipes du président américain concentrent leurs attaques sur les États où le scrutin est le plus serré : principalement la Géorgie, le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie. Alors que la quasi-totalité de leurs recours en justice ont échoué à invalider les résultats, faute d’éléments probants, le camp présidentiel semble changer de tactique.

Donald Trump a en effet invité à la Maison Blanche deux élus locaux du Michigan, les leaders du Sénat et de la Chambre, tous deux républicains, une initiative sans précédent alors que l'État se prépare à proclamer les résultats. Sans que l'on connaisse encore la teneur de leurs échanges, il est vraisemblable que Trump envisage en fait de court-circuiter le résultat du scrutin, pour laisser entre les mains des parlementaires de l’État le choix des Grands électeurs qui désigneront le président le 14 décembre prochain. Or, si Joe Biden a gagné l'élection par plus de 150.000 voix d'écart, le Capitole du Michigan est lui aux mains du camp républicain...

Le président-élu démocrate a d'ailleurs donné hier un discours plus vigoureux qu'à l'accoutumée, estimant que Donald Trump laisserait le souvenir "d'un des présidents les plus irresponsables dans l'Histoire américaine".

Pour qu'un tel scénario de court-circuitage de l'élection populaire aboutisse, il faudrait conduire à l’impasse la commission électorale de l'État : un deadlock, c’est-à-dire un blocage de fait. Si celle-ci n’était pas en mesure de certifier le résultat, le Capitole du Michigan pourrait reprendre la main - selon les juristes de l'équipe présidentielle.

La bataille du Michigan

C’est manifestement cette impasse que le président cherche à obtenir, lorsqu’il appelle personnellement au téléphone des responsables locaux. Ainsi à Detroit, deux membres républicains d'un comité électoral ont voté pour la certification des résultats, avant de demander à modifier leur vote. Entretemps, ils avaient évoqué des pressions de la part des membres démocrates du comité, et reçu l'appel plein de sollicitude d'un certain... Donald Trump. 

Monica Palmer, une responsable républicaine du Michigan appelée par Trump, estime qu'il n'a pas cherché à influencer son vote. "Sa préoccupation, c'était ma sécurité, et c'était très touchant. C'est quelqu'un de très occupé, et s'inquiéter ainsi de ma sécurité était très appréciable.", raconte-t-elle au Washington Post. Les votes de Mme Palmer et de son collègue républicain n'ont toutefois pas été modifiés, la loi électorale ne permettant pas ce type de revirement.

Reste que cette nouvelle tactique présidentielle, si elle semble jouer dangereusement avec le feu, laisse de marbre les juristes : à part dans l'équipe de Trump, la plupart estiment qu'elle n'a aucune chance d'aboutir. Plusieurs garde-fous légaux sont prévus pour l'empêcher, et la chaîne de décision est plus complexe que celle envisagée par l'équipe républicaine.

C'est en fait toute la stratégie légale du camp présidentiel qui est chamboulée. La pluie de recours pour l'invalidation des résultats... n'en a quasiment donné aucun. Plusieurs figures de l'équipe de juristes de Donald Trump semblent avoir disparu des radars, tandis que revient sur le devant de la scène l'avocat personnel du président, l'inusable Rudy Giuliani.

Celui-ci donnait ainsi hier une conférence de presse fiévreuse, dénonçant une fraude globale et concertée, mêlant conspiration et références obscures au Vénézuéla. C'est la dernière obsession de Donald Trump, sur laquelle il ne cesse de tweeter : les machines à voter "Dominion" seraient truquées, et auraient modifié des résultats au profit de Joe Biden. Une technique qui aurait permis jadis au président vénézuélien Hugo Chavez d'être constamment réélu. Ceci martelé sans indice probant, alors que les machines sont produites aux États-Unis, et qu'elles sont aussi utilisées dans des États où il a gagné, comme la Floride ou l'Utah.

Le retour de Giuliani au premier plan n'est d'ailleurs pas forcément un très bon symptôme pour le camp Trump. D'après des sources à la Maison Blanche, c'est en fait un des derniers conseillers qui assurent au président qu'il peut encore gagner, ce pourquoi celui-ci aurait écarté tous les autres. 


Frédéric SENNEVILLE

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