Risque "d'anéantissement nucléaire" selon l'ONU : quelles sont ces failles qui inquiètent ?

Felicia Sideris avec AFP
Publié le 2 août 2022 à 12h44

Source : TF1 Info

Le patron de l'ONU Antonio Guterres s'est inquiété lundi d'un risque nucléaire pesant sur le monde.
À l'origine de cette crainte, des crises qui s'enveniment et des négociations au point mort.
La 10e conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires a ouvert ce lundi et se tient jusqu'au 26 août.

Il flottait comme un parfum de guerre froide au siège des Nations unies, à New York. Pour l'ouverture de la 10e conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui aura lieu jusqu'au 26 août, le patron de l'ONU a lancé une mise en garde particulièrement alarmante. Selon Antonio Guterres, l'humanité n'est qu'à "un malentendu" ou "une erreur de jugement" de l'"anéantissement nucléaire". Sur quoi s'appuie cette crainte ?

Des crises à "tonalités nucléaires"

Au cœur de cet avertissement, les "crises" actuelles qui "s'enveniment, avec des tonalités nucléaires", comme les a décrites le secrétaire général de l'ONU. En tête de liste, évidemment, l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Dans une déclaration commune, Paris, Londres et Washington ont appelé Moscou à respecter ses engagements internationaux et à "cesser sa rhétorique nucléaire et son comportement irresponsable et dangereux". Pour rappel, à peine quatre jours après le début de son offensive, le Kremlin avait annoncé avoir placé sa "force de dissuasion en alerte". Le président Vladimir Poutine a également suggéré à plusieurs reprises qu'une guerre nucléaire pourrait éclater si l'Otan intervenait dans le conflit. Par ailleurs, les forces russes ont utilisé le site de Tchernobyl comme terrain de rassemblement au printemps et ont maintenant transformé une centrale nucléaire, la plus grande d'Europe, en une forteresse. 

Mais le président russe répète que son pays suit "la lettre et l'esprit" du traité. Dans un message publié par le Kremlin, Vladimir Poutine assure lui aussi qu'"il ne peut y avoir de vainqueurs dans une guerre nucléaire".

Si de nombreux discours ont évoqué le comportement de la Russie, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a aussi dénoncé la Corée du Nord, "qui continue d'étendre son programme nucléaire illégal". Au-delà des essais nucléaires à répétition, Pyongyang s'est dit "prêt à déployer cet armement". Pas plus tard que le 28 juillet dernier, Kim Jong Un a en effet lancé cette menace en cas d'affrontement militaire futur avec les États-Unis et la Corée du Sud. "La force de dissuasion nucléaire de notre pays est également prête à mobiliser sa puissance absolue de manière fiable, précise et rapide, conformément à sa mission", a prévenu le dirigeant nord-coréen.

Une déclaration qui n'a pas semblé émouvoir les Américains. Dans la presse, le porte-parole du département d'État américain, Ned Price, a répondu que l'engagement des États-Unis "à défendre la République de Corée et le Japon (...) reste inébranlable".

Reste, enfin, le cas de l'Iran, qui persévère sur "la voie de l'escalade nucléaire", pour reprendre les mots d'Antonio Guterres. Après que l'accord international a été sapé par le retrait américain en 2018 sous la présidence de Donald Trump, des négociations pour le raviver ont été relancées en avril 2021. Elles sont, depuis, au point mort. Et ponctuées de vives tensions. De nouvelles sanctions américaines ont été imposées à l’encontre des fournisseurs du programme de missiles balistiques iranien. De son côté, l'Iran a débranché des caméras de surveillance installées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La situation a particulièrement déraillé le 14 juillet. En visite en Israël, ennemi juré de l'Iran, Joe Biden a promis que son pays pouvait user de "tous les éléments de leur puissance nationale" afin d'empêcher Téhéran de se doter de l'arme atomique. En réaction, l'Iran a déclaré le 15 juillet être encore "plus déterminé" à préserver ses intérêts dans tout accord.

Pour autant, ce lundi, la diplomatie iranienne s'est dit "optimiste" quant à une reprise de ces discussions suite à un projet de compromis présenté par l'Union européenne fin juillet. 

Des négociations difficiles

C'est dans ce contexte particulièrement tendu que les États-Unis et la Russie doivent négocier le remplacement de New START. Derrière cet acronyme, un précieux traité plafonnant le nombre d'armes nucléaires entre Washington et Moscou. Objet de discussions entre les deux superpuissances nucléaires depuis 1990, il arrive à expiration en 2026. Or, "la négociation nécessite un partenaire volontaire et de bonne foi", comme l'a souligné lundi Joe Biden… Tout en estimant que "l'agression brutale et non provoquée de la Russie en Ukraine a brisé la paix en Europe et constitue une attaque contre les principes fondamentaux de l'ordre international." 

Or, un échec des négociations autour de ce texte signifierait la fin de la limitation des armements. Et un mauvais signal pour le reste du monde. Comme l'a souligné le chef de l'ONU, la santé du TNP "a toujours reposé sur des limites d'armements significatives et réciproques entre les États-Unis et la Fédération de Russie". "Même au plus fort de la Guerre froide" les deux pays "ont pu travailler ensemble pour défendre notre responsabilité partagée d'assurer la stabilité stratégique", a-t-il rappelé à destination des deux puissances.

Quand New York se prépare à une attaque nucléaireSource : TF1 Info

Avec "près de 13.000 armes nucléaires stockées dans les arsenaux à travers le monde" et au moment où "les risques de prolifération grandissent et les garde-fous pour prévenir cette escalade faiblissent", la réunion des 191 signataires du TNP est donc l'opportunité de renforcer le traité et "de le mettre en adéquation avec le monde d'aujourd'hui", a martelé Antonio Guterres. Un souhait ambitieux. D'autant plus que, déjà en 2015, les parties n'étaient pas parvenues à un accord sur les questions de fond. "Depuis, les divisions de la communauté internationale ont grandi" et "le chemin vers un monde sans armes nucléaires est devenu encore plus difficile", comme l'a regretté à la tribune le Premier ministre japonais, Fumio Kishida. Avant de lancer un dernier avertissement. "Malgré tout, abandonner n'est pas une option." 


Felicia Sideris avec AFP

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