Russie : un élu moscovite opposé à la guerre en Ukraine condamné à sept ans de prison

M.L., avec AFP
Publié le 8 juillet 2022 à 15h11

Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

Un élu municipal de Moscou, Alexeï Gorinov, a été condamné pour avoir dénoncé au début du conflit la "guerre" et l'"agression" de Moscou contre l'Ukraine, et va faire appel.
Il est le premier opposant à l'invasion russe à écoper d'une peine de prison ferme, alors que la répression se renforce en Russie.

"Il vous la faut encore, cette guerre ?" Derrière la porte vitrée de la cellule dans laquelle il a été placé, un homme aux cheveux gris, le visage tendu et le regard perçant, a brandi une feuille que laquelle se détachaient ces mots, peu avant la sentence du verdict de son procès au tribunal de Moscou. Alexeï Gorinov, élu municipal moscovite, a été condamné à sept ans de prison vendredi pour avoir dénoncé l'assaut russe contre l'Ukraine, en pleine vague répressive pour faire taire toute critique sur l'offensive décidée par Vladimir Poutine.

La juge Olessia Mendeleïeva a reconnu l'opposant de 60 ans coupable d'avoir "disséminé des informations clairement mensongères" sur l'armée russe en usant de "ses fonctions officielles" et de l'avoir fait dans le cadre d'un groupe organisé motivé par la "haine politique". Depuis le 24 février, date de l'entrée des forces russes en Ukraine, les autorités ont introduit une série de lois pour punir de lourdes peines ceux qui réprouvent publiquement cette attaque, bannissant au passage l'emploi des mots "guerre" et "invasion"

"Ils m'ont pris sept années de ma vie"

"Le redressement de l'accusé est impossible sans peine de privation de liberté", a estimé la magistrate avant de le condamner à sept ans de détention dans une colonie pénitentiaire. Avant qu'elle ne prononce cette peine, le public du procès a applaudi le prévenu, conduisant à l'expulsion de la salle des personnes venues le soutenir. Alexei Gorinov est le premier opposant, un élu qui plus est, à écoper d'une peine de prison ferme pour ses prises de position contre l'intervention russe en Ukraine, mais d'autres militants attendent actuellement en détention leur procès. 

Juriste de formation, Alexei Gorinov avait été arrêté en avril pour avoir dénoncé le 15 mars la "guerre" et l'"agression" de Moscou contre l'Ukraine, pendant une réunion de son assemblée municipale de quartier, session filmée et retransmise sur YouTube, ce qui pour le tribunal constitue des circonstances aggravantes. "Tous les efforts de la société civile doivent servir à mettre fin à la guerre et à entraîner le retrait des forces russes du territoire ukrainien", avait-il notamment déclaré. 

Jeudi, lors d'une précédente audience, l'élu avait martelé être "contre toutes les guerres". Il a aussi cité les noms de villes ukrainiennes comme Boutcha où les forces russes sont accusées de crimes de guerre, exactions que les autorités russes qualifient de mensonges ou de mises en scène. 

Incarcéré depuis le 26 avril à Moscou, il va faire appel de sa condamnation, selon son avocate, Katerina Tertoukhina, jugeant qu'il avait été puni pour "ses mots, ses opinions, ses convictions". "Alexeï (Gorinov) a dit: 'Ils m'ont volé mon printemps, mon été. Ils m'ont pris sept années de ma vie'. Il va se battre et nous serons à ses côtés", a-t-elle ajouté.

Malgré la censure, la gronde monte

Depuis le lancement de l'offensive en Ukraine le 24 février, des dizaines de personnes ayant critiqué publiquement l'invasion russe en Ukraine ont été poursuivies en Russie. La plupart ont été condamnées à des amendes, mais d'autres risquent de lourdes peines de prison, notamment Vladimir Kara-Mourza, l'une des rares figures de l'opposition restées en Russie. Autre exemple, celui d'Alexandra Skotchilenko, une artiste de Saint-Pétersbourg emprisonnée depuis avril et qui attend son procès pour avoir collé dans un supermarché des étiquettes pacifistes. 

La Russie, qui est déjà engagée depuis de longues années dans une répression des voix critiques du Kremlin, a considérablement durci son arsenal pénal pour faire taire ou punir ceux qui dénoncent le pouvoir russe. Cette semaine, le Parlement a adopté une série de textes prévoyant de lourdes peines de prison au langage très vague pour réprimer les appels à agir contre sa sécurité ou encore la coopération "confidentielle" avec des étrangers. Depuis février, Moscou a aussi bloqué sur son territoire de nombreux médias russes et étrangers, ainsi que certains des plus grands réseaux sociaux, comme Twitter, Facebook et Instagram.


M.L., avec AFP

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