Le dictateur nord-coréen aurait demandé à sa population de se débarrasser des chiens domestiques. Si les articles se multiplient pour évoquer cette décision, il faut faire preuve d'une grande prudence avant d'affirmer que cette information est crédible.
Pays mystérieux, replié sur lui-même, la Corée du Nord intrigue. Une forme d'attraction-répulsion alimentée par des récits surprenants, à l'instar de celui partagé en masse par des médias du monde entier. Le dictateur Kim Jong-Un aurait ainsi ordonné aux Nord-Coréens d'abandonner leurs chiens, afin qu'ils soient mangés.
"Pour le dirigeant nord-coréen", indique Le HuffPost, "avoir un chien est le symbole d’une 'tendance corrompue de l’idéologie bourgeoise', une forme de 'décadence' occidentale aux yeux du pouvoir". Les chiens qui seraient ainsi récupérés pourraient ensuite être consommés, de quoi permettre de répondre à la pénurie alimentaire qui toucherait le pays. Pour autant, si cette décision est partagée comme un fait établi, il serait sans doute plus judicieux d'en parler au conditionnel, tant les informations traitant de la Corée du Nord s'avèrent difficiles à vérifier.
Une source peu fiable
Les médias français qui relaient ses éléments n'ont pas envoyé de reporter à Pyongyang pour décrire la situation. Ils s'appuient sur des articles parus dans la presse anglo-saxonne et américaine, que ce soit le Daily Mail ou le New York Post. Pour autant, si ces titres ont été parmi les premiers à se faire l'écho de cette décision prêtée à Kim Jong Un, ils se sont eux-mêmes appuyés sur un quotidien sud-coréen : Chosun Ilbo.
Méconnu en France, ce journal généralement présenté comme ultraconservateur est coutumier des "scoops" concernant le voisin nord-coréen. Problèmes : ces révélations sont régulièrement démenties, malgré des reprises régulières dans la presse internationale. La Deutsche Welle, qui consacrait l'an passé un long article aux fakes news entourant le régime de Pyongyang, a cité les nombreuses "affaires" révélées par Chosun Ilbo et qui se sont finalement révélées fausses ou très largement déformées.
Le quotidien sud-coréen est accusé d'avoir systématiquement recours à "la fameuse source anonyme", derrière laquelle il est facile de se dissimuler pour propager des rumeurs. Une source qui a encore frappé dans le récit des chiens saisis, puisque celui-ci n'est étayé par aucun témoignage direct et/ou officiel.
Par le passé, Chosun Ilbo a notamment affirmé qu'un émissaire du régime avait été exécuté à son retour d'un sommet diplomatique avec les Etats-Unis conclu par une absence d'accord. L'homme censé être mort avait fini par réapparaître publiquement quelques semaines plus tard… Une autre rumeur, en 2013, indiquait que Kim Jong Un avait fait exécuter une chanteuse populaire avec laquelle il avait eu une aventure quelques années auparavant. Une histoire semble-t-il également montée de toute pièce puisque l'artiste s'était produite par la suite dans un rassemblement public.
La Deutsche Welle se souvient enfin du récit indiquant que "Kim Jong Un aurait forcé ses camarades masculins à porter la même coupe de cheveux que lui". Il ne s'agissait alors que d'une "autre histoire fausse qui a attiré l'attention des médias du monde entier ; une histoire qui aurait pu être facilement réfutée par quiconque a déjà marché dans les rues de Pyongyang."
S'informer sur la Corée du Nord, un vrai défi
Pour les médias du monde entier, le fait qu'un article concernant le régime de Pyongyang soit signé par le quotidien Chosun Ilbo devrait constituer un signal d'alarme. Régulièrement démenti ses dernières années, il ne peut aujourd'hui pas être considéré comme une source fiable et crédible.
Dès lors, à qui faire confiance ? Cette question se révèle délicate, tant la Corée du Nord peut sembler impénétrable vue de l'étranger. S'il est difficile de prendre pour argent comptant la propagande du régime et les menaces qu'il peut parfois proférer. Les médias nationaux ne sont guère plus fiable, contrôlés à 100% par le pouvoir et constituant un relais de sa communication officielle.
Pour en savoir plus sur la vie dans le pays, il faut se fier au récit des nord-coréens ayant fui, ou aux informations récoltées par les services de renseignement du sud. Le recours à des outils peu conventionnels peut aussi s'avérer utile : l'étude d'image satellites nocturnes a par exemple permis de constater qu'une grande partie du pays était plongée dans le noir. Une illustration criante des fréquentes pénuries d'énergie qui touchent la Corée du Nord.
"Presque aucun pays n'a été capable de s'isoler comme l'a fait la Corée du Nord", observe la Deutsche Welle. "Mais ironiquement, la fascination des médias pour la dictature de Kim, combinée à la forteresse presque impénétrable qui garde les informations sur l'État voyou, conduit à de sérieuses lacunes dans la précision des reportages sur la Corée du Nord."
À l'heure actuelle, affirmer que Kim Jong Un a ordonné une saisie des chiens domestiques dans toute la Corée du Nord est prématuré. La source de ces affirmations, connue pour propager de nombreuses fausses informations sur le régime de Pyongyang, impose de s'en tenir au conditionnel. Ces dernières années, force est de constater que de nombreux médias ont relayés des rumeurs en provenance de Corée du Sud et qui se sont quelques semaines ou mois plus tard révélées infondées.
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