Sara, évadée de l'enfer de Daech : "Des barbares qui pouvaient décapiter quelqu'un à tout moment"

Publié le 1 septembre 2015 à 19h30
Sara, évadée de l'enfer de Daech : "Des barbares qui pouvaient décapiter quelqu'un à tout moment"

PORTRAIT - Sara, une jeune yézidie, a été esclave du groupe terroriste l'an dernier. Elle raconte son calvaire dans un livre publié mercredi chez Flammarion. Metronews l'a rencontrée.

"Je n’en croyais pas mes yeux ! Cette joie était indescriptible. J’imaginais les pires atrocités, cela m’obsédait." Quand elle évoque les retrouvailles en juin dernier avec sa petite sœur, Sara esquisse brièvement un sourire. Ce sera le seul durant notre entretien, durant lequel elle déroule le fil de son histoire : celle d’une jeune femme de 27 ans, prisonnière de Daech durant plusieurs semaines. Une captivité synonyme de souffrance et d’humiliation, de viols pour les plus jeunes, qu’elle raconte ce mercredi en librairie*.

Pour Sara, la vie bascule en août 2014 dans son village du Sinjar. C’est là, au Kurdistan, (nord de l’Irak), que les yézidis - une minorité religieuse comptant pour environ 1,5% de la population du pays – vivent en harmonie avec les Kurdes, musulmans. Jusqu’au jour où les hommes de Daech déferlent, tuant les hommes et emmenant les femmes. "Il était impossible de parler avec eux, ce sont des barbares qui, à tout moment, pouvaient décapiter quelqu’un. Ils pouvaient nous tuer à chaque instant !", se souvient-elle d'une petite voix, l'air désabusé. 

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Les viols au quotidien

Très vite, celle qui regardait Arab Idol à la télévision et portait jeans et t-shirts, découvre qu’elle a rejoint le butin de guerre de Daech. L’organisation terroriste ballote les captives entre l’Irak et la Syrie, où elles sont vendues comme esclaves sexuelles. Une jeune fille rencontrée dans une geôle lui raconte qu’à Mossoul, elles étaient 120 détenues. Les viols étaient leur quotidien. La plus jeune avait 9 ans.

Plusieurs fois par semaine, le chef local vient faire "son marché." En clair, choisir une jeune fille pour la nuit. Pour éviter ce supplice, Sara et les autres trouvent une parade : "Nous nous ébouriffons les mèches pour ressembler à des sorcières. (…) Je me perce le visage avec l’aiguille d’une épingle pour avoir la peau abimée." Un jour, une femme médecin doit leur rendre visite pour tester leur virginité. "Cela n’a plus d’importance, raconte Sara dans le livre. Ils prennent même les femmes mariées pour se satisfaire."

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"Aucun pays ne nous aide"

Après plusieurs semaines, Sara parvient à s’enfuir. A l’issue d’une évasion épique, orchestrée en pleine nuit grâce à un téléphone portable qu'elle dissimulait et l'aide d'un passeur, elle se réfugie dans un village du Kurdistan. Depuis, elle tente de retrouver les siens. Ses quatre frères et son père ont été exécutés, mais deux de ses sœurs sont toujours esclave des hommes de Daech. Des "barbares", assure-t-elle, qui s’abritent derrière l'islam pour légitimer leurs actes. "Chaque fois qu’une atrocité était commise, c’était au nom de la religion", nous assure timidement Yasmine, le regard fuyant.

Depuis l’Allemagne, où elles se sont réfugiées, les deux sœurs ont le sentiment que leur peuple a été laissé à l’abandon. Car si les vidéos de décapitations et les destruction de monuments historiques s'invitent régulièrement dans l'actualité, le drame des Yézidis, lui, n'intéresse guère de monde. "Je me demande pourquoi ces pays ne nous aident pas, se désole Sara. La seule solution serait une intervention au sol. En moins d’un mois, si la volonté est là, il n’y aurait plus de Daech." D’ici là, Sara patiente. "Je passe mes journées de la même manière qu’au Kurdistan : angoissée, à pleurer. Mon seul espoir, ce sont mes prières."

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*Ils nous traitaient comme des bêtes, par Sara et Célia Mercier. Ed. Flammarion.


Thomas GUIEN

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