Le Brésil va élire son président ce dimanche, après une campagne très particulière.Rarement les fausses informations n'avaient autant inondé les réseaux sociaux.Zoom sur ce pays où les deux camps ont adopté le mensonge comme arme politique.
C'est un combat sans règle qui se déroule sous les yeux des Brésiliens. Et avec la campagne électorale qui touche à sa fin, la dernière ligne droite est d'une rare intensité. Alors que les électeurs devront élire le prochain président du Brésil ce dimanche 30 octobre, les deux candidats sont au coude-à-coude. Le dernier sondage publié jeudi par l'institut Datafolha crédite Jair Bolsonaro de 47% des voix, six points derrière son opposant de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva. Une course serrée, dans laquelle tous les coups semblent désormais permis entre les deux opposants.
Une stratégie similaire
L'un comme l'autre s'acharne par exemple à charmer les dernières voix que compte l'Église… tout en décrédibilisant la foi de l'adversaire. Si les visites d'églises ou les photos avec des prêtres n'ont rien d'original, un flot de fausses informations concernant chacun des candidats a accompagné cette opération séduction. Une véritable "guerre de religion", pour reprendre l'expression utilisée par la presse brésilienne, dans laquelle Bolsonaro sait qu'il part avec une longueur d'avance. Il a déjà compté sur cet électorat pour son élection en 2018, notamment grâce à l'influence du pasteur Silas Malafaia. Auprès de ses dix millions d'abonnés en ligne, ce leader évangélique aux thèses radicales a par exemple décrit le représentant du Parti travailliste (PT), candidat de gauche, comme un "alcoolique", ou un "menteur".
Ce n'est pas la seule attaque du camp Bolsonaro contre Lula. L'idée selon laquelle l'ancien chef d'État voudrait fermer les Églises a aussi la dent dure. Et est attisée par un vulgaire montage : une publication devenue virale reprend deux tweets prétendument publiés par Lula le 4 octobre. Dans le premier, le candidat écrit qu'il veut "fermer les églises en 2023", et dans le deuxième que "les prêtres et les pasteurs qui refusent de marier les couples LGBT seront arrêtés et verront leurs églises fermées pour crime d'homophobie". Un contenu posté à l'origine sur WhatsApp, d'après un article du site brésilien Estadao, et qui reproduit le compte officiel de l'ancien président. Sauf que ces messages ne sont disponibles ni via une recherche avancée sur Twitter, ni dans les archives des publications de son compte officiel, qu'on peut retrouver sur les outils d'archives en ligne. Ce contenu a donc été créé de toute pièce pour tromper les électeurs.
Une rumeur que l'ex-ouvrier s'efforce de démentir. Sans toutefois se contenter de contre-attaquer. Car la stratégie de la désinformation a aussi atteint le parti travailliste. Au cœur de ce virage, le député fédéral, André Janones. Coordinateur de la campagne numérique de Lula, il assume totalement utiliser les mêmes armes que son adversaire. Auprès de ses plus de 10 millions d'abonnés, il diffuse des contenus qui déforment les propos de l'actuel président, voire le diffament, l'accusant tour à tour d'être un "pédophile" ou un "franc-maçon". Des attaques basées sur la surinterprétation de certaines sorties du candidat conservateur, comme l'explique l'agence Lupa.
Si bien que les militants du candidat de gauche n'hésitent pas à ternir l'image de leur adversaire auprès de l'électorat religieux. Une rumeur venue de ce camp insinue par exemple que les militants du camp d'extrême droite auraient violemment agressé un prêtre pour avoir critiqué Jair Bolsonaro. Cette fausse information s'appuie, elle aussi, sur un montage photo. Des internautes ont falsifié le site du média G1 en récupérant l'image d'un prêtre au visage ensanglanté accolé à ce titre : "Un prêtre est agressé par des Bolsonaristes." Non seulement le média en question a indiqué ne jamais avoir publié cet article. Mais en plus, il s'agit d'un homme religieux américain agressé en 2020 lors d'un braquage.
WhatsApp au cœur de l'information... et de la désinformation
Avec une stratégie du mensonge assumée dans les deux camps, la politique brésilienne a pris un tout nouveau tournant. Désormais, quel que soit le candidat, manipuler les informations sur les réseaux sociaux et tromper les électeurs fait partie intégrante de la campagne. Un phénomène nouveau, qui s'explique notamment par le contexte dans lequel arrive cette élection et l'influence de WhatsApp dans la société. Comme le souligne Augusta Lunardi, journaliste à Rio, auprès des Vérificateurs, cette messagerie fait partie intégrante du quotidien des Brésiliens à cause du coût des forfaits mobiles. "Les forfaits internet et mobiles sont chers au Brésil. Pour compenser, tous les opérateurs proposent WhatsApp en utilisation illimitée", témoigne-t-elle. Avec plus de 118 millions d'utilisateurs, le Brésil est d'ailleurs le deuxième marché mondial pour l'application, juste après l'Inde. Si bien que la messagerie au logo vert est devenue un média à part entière. Selon un rapport sénatorial sur le sujet, 79% des Brésiliens utilisent ce réseau social comme source d'information. La télévision (50%) arrive à peine devant YouTube (49%) dans les usages.
Résultat : WhatsApp est la plateforme principale d'information… Et de désinformation. Alors, pour faire face à cette "corrosion de la démocratie", comme l'a décrite Alexandre de Moraes, président du Tribunal supérieur électoral, les institutions du pays tentent de faire barrage. À commencer par cette très sérieuse institution qui a lancé, dès 2020, la plateforme "Fato ou Boato" ("Fait ou Rumeur", en portugais). Un site de vérification de l'information qui partage des articles de presse sur le sujet et des textes explicatifs. Un bon début qui prend des airs de goutte d'eau dans cet écosystème de la désinformation. Sur YouTube, l'institution compte 380.000 abonnés. Soit quinze fois moins que les 5,91 millions d'adeptes de Jair Bolsonaro.
Sollicité par TF1 et LCI, Meta, propriétaire de WhatsApp, met en avant les efforts déployés par le réseau social pour lutter contre la désinformation. Le groupe assure travailler avec les autorités brésiliennes pour "protéger la démocratie et l'intégrité du processus électoral". Les messages viraux auraient ainsi été réduits de 70% depuis 2020. En outre, plus de 8 millions de comptes seraient bannis chaque mois, qu'ils soient brésiliens ou autres. La plateforme insiste par ailleurs sur les partenariats noués avec des agences de fact-checking et sur l'existence en son sein d'une équipe dédiée aux aspects légaux, susceptibles de collaborer avec la justice à la demande de cette dernière.
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