Après la victoire de son parti aux élections législatives anticipées samedi, Robert Fico a été désigné Premier ministre ce lundi.Ex-chef du gouvernement jusqu'en 2018, il a récemment appelé les autorités de son pays à "avoir de bonnes relations avec la Fédération de Russie".Un profil qui inquiète, alors que la Slovaquie, membre de l'Otan et de l'UE, se situe aux portes de l'Ukraine.
Robert Fico avait quitté le pouvoir en 2018, le voilà de retour. La présidente slovaque Zuzana Caputova a confié lundi à cette figure populiste la formation d'un nouveau gouvernement, conséquence de la victoire de son parti, Smer-SD, aux élections législatives anticipées de samedi.
Un retour qui peut inquiéter, tant en Slovaquie qu'au sein de la communauté internationale. Car depuis la fin du dernier mandat de l'homme politique de 59 ans, une chose a changé : l'Ukraine, située à l'est de la Slovaquie, a été envahie par la puissante Russie. Une nation à l'égard de laquelle Robert Fico ne cache pas ses accointances.
Né le 15 septembre 1964, cet avocat de profession, adepte de voitures rapides, de football et de musculation, entame sa carrière politique au sein du parti communiste, juste avant que la révolution de velours de 1989 ne balaie le régime de l'ancienne Tchécoslovaquie et n'ouvre la voie au capitalisme et à la démocratie. À l'époque, il se forge une réputation européenne en tant que représentant de son pays auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg de 1994 à 2000.
En 1999, il quitte le Parti de la gauche démocratique (SDL), héritier politique du parti communiste, pour fonder le sien, le Smer-Social-Démocrate (Smer-SD). En 2006, la formation politique remporte une victoire écrasante au Parlement, et Robert Fico devient Premier ministre, deux ans après l'adhésion à l'Union européenne de la Slovaquie, pays de 5,4 millions d'habitants alors déjà membre de l'Otan.
Battu en 2010, de retour au pouvoir en 2012
Le politicien monte ensuite une coalition avec le Parti national slovaque (SNS), d'extrême droite, qui partage sa rhétorique anti-réfugiés et ses penchants populistes, puis tire parti de la crise financière mondiale de 2008 et 2009 pour renforcer sa popularité en refusant d'imposer des mesures d'austérité.
Il est renvoyé dans l'opposition en 2010, mais revient deux ans plus tard, remportant les élections après la chute d'une coalition de centre-droit sur fond d'allégations de corruption. En revanche, il subit un coup en 2014 lorsque Andrej Kiska, philanthrope et novice en politique, le devance à la présidence slovaque.
Un départ soudain après des accusations de corruption
Lors de la crise migratoire en Europe en 2015, Robert Fico adopte une position ferme à l'égard des migrants, refusant de "donner naissance à une communauté musulmane distincte en Slovaquie" et critiquant le programme européen de quotas visant à redistribuer les réfugiés.
En 2016, le Smer-SD remporte les élections, mais le dernier mandat de Robert Fico à la tête du gouvernement s'achève seulement deux ans plus tard. En cause, le meurtre du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée, qui déclenche une vague de protestations antigouvernementales dans toute la Slovaquie. Car avant d'être assassiné, dans son dernier article publié à titre posthume, Kuciak avait dénoncé les liens entre la mafia italienne et le gouvernement Fico. Ce dernier parti, une coalition anticorruption, prend le pouvoir lors d'élections en 2020, mais l'ex-Premier ministre conserve son siège au parlement. Et patiente.
Il est de notre intérêt vital d'avoir de bonnes relations avec tous les pays du monde, y compris la Fédération de Russie.
Robert Fico
Depuis, l'élu semble s'être éloigné des idées occidentales. En atteste son revirement concernant l'Union européenne. Lui qui avait salué l'adoption de l'euro par la Slovaquie comme une "décision historique", s'en prend désormais ouvertement à l'UE, à l'Otan et à l'Ukraine ravagée par la guerre, afin de séduire les électeurs d'extrême gauche et d'extrême droite.
Dans le même temps, le quinquagénaire semble s'être rapproché, au moins idéologiquement, du pouvoir russe. Ce qu'il ne cache pas dans une récente vidéo : "La guerre en Ukraine a commencé en 2014 lorsque des fascistes ukrainiens ont tué des victimes civiles de nationalité russe", déclare-t-il. Et d'ajouter : "Il est de notre intérêt vital d'avoir de bonnes relations avec tous les pays du monde, y compris la Fédération de Russie".
Le parlementaire slovaque a aussi déclaré récemment qu'il n'autoriserait pas l'arrestation du président russe, Vladimir Poutine, poursuivi par un mandat international, s'il venait un jour en Slovaquie.
Des déclarations qui font dire au sociologue slovaque Michal Vasecka, dans un livre récemment publié et intitulé Fico : Obsédé du pouvoir, que l'ex-Premier ministre "apprécie sans aucun doute l'autoritarisme de M. Poutine". "Sa relation avec la Russie est historiquement déterminée par la devise socialiste 'Avec l'Union soviétique pour l'éternité'".
De quoi laisser craindre, après la victoire du Smer-SD, que la Slovaquie opère un revirement de sa politique étrangère. Ce qui constituerait assurément un coup dur pour Kiev et ses alliés occidentaux, alors que Bratislava a fourni à Kiev une aide substantielle depuis le début de l'invasion russe, en février 2022.