DJIHADISME - Donald Trump a exhorté dimanche les Européens à reprendre leurs centaines de ressortissants détenus en Syrie après avoir rejoint les rangs de l'Etat islamique, afin de les traduire en justice. Une question sur laquelle planche depuis des mois les autorités françaises... Sans forcément avoir trouvé la solution.
Combien sont-ils à croupir dans les geôles kurdes ? Tout au plus quelques dizaines. Seulement voilà, les ressortissants français retenus en Syrie posent un défi considérable aux autorités françaises. Surtout depuis le coup de pression de Donald Trump : celui-ci a exhorté dimanche les Européens à prendre leurs responsabilités.
"Les Etats-Unis demandent à la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et aux autres alliés européens de reprendre plus de 800 combattants de l'EI que nous avons capturés en Syrie afin de les traduire en justice", a martelé dans la nuit de samedi à dimanche le président américain. Pour ce dernier, le temps presse car l’armée américaine s’apprête à rentrer au pays. "Il n'y a pas d'alternative car nous serions forcés de les libérer. Les Etats-Unis ne veulent pas que ces combattants de l'EI se répandent en Europe", a ainsi prévenu le milliardaire. Depuis Paris, les propos de Donald Trump ont aussitôt fait réagir. "Ce sont les Kurdes qui les détiennent (les jihadistes français, ndlr) et nous avons toute confiance dans leur capacité à les maintenir" en détention, a répliqué sur BFMTV le secrétaire d'Etat français à l'Intérieur Laurent Nuñez. "Quoi qu'il en soit, si ces individus reviennent sur le territoire national, ils seront tous judiciarisés et incarcérés", a-t-il ajouté. Reste à savoir qui, et comment.
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"Le risque majeur, c'est la dispersion"
Aucun chiffre exact n'a en effet circulé publiquement sur le nombre de Français de Syrie concernés. Mais des sources concordantes évoquent le cas de 130 personnes, - une cinquantaine d'hommes et femmes et des dizaines d'enfants - actuellement dans les mains de la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS). Un "peu plus d'une centaine de personnes sont dans des camps" a déclaré début février Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française ne donnant guère plus de précision.
Il faut dire que le sujet embarrasse Paris. Notamment car la doctrine a évolué au fil des mois : jusqu'à récemment, la France était opposée au retour des djihadistes français en zone irako-syrienne. Mais l’approche du retrait américain fait craindre la fuite d'un millier de combattants, notamment vers l'Europe, et pousse le gouvernement à envisager le retour de ceux qui sont détenus au Rojava contrôlé par des Kurdes syriens. "Le risque majeur, c'est la dispersion", a d’ailleurs souligné Jean-Yves Le Drian. Toutefois, les autorités gardent le flou sur les modalités de ces retours alors que Paris n'entretient aucune relation diplomatique avec Damas et que le Kurdistan syrien (nord-est) n'est pas reconnu par la communauté internationale. De fait, "on ne peut pas être dans le cas d'une extradition", a expliqué Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la Fédération internationales des ligues des droits de l'homme (FIDH).
Des mineurs pris en charge par le juge des enfants
Si retour il y a, reste à savoir quel sort les autorités vont réserver à ces ressortissants. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a répété que "ceux qui reviendront (...) seront mis en prison". A leur descente d'avion, ces personnes seront donc interpellées, puis soit placées en garde à vue avant d'être mises en examen, soit présentées directement à un juge d'instruction pour être mises en examen si elles faisaient l'objet d'un mandat d'arrêt, puis écrouées.
Autre question : celui du sort réservé aux plus jeunes et à leurs mères. Si les majeurs seront essentiellement jugés par une cour d'assises, les enfants de "revenants", nés sur place ou partis de France avec leur famille, constituent en effet une énigme. Ils seraient "à 75%" âgés de moins de 7 ans, selon la ministre de la Justice Nicole Belloubet. A leur arrivée, ces mineurs seront pris en charge par le juge des enfants et feront l'objet d'examens médicaux. Ils seront ensuite placés dans une famille d’accueil, voire dans un deuxième temps, confiés à des proches restés en France.
En février 2018, la Chancellerie comptait 66 mineurs revenus en France, dont 46 avaient été pris en charge par le tribunal de Bobigny, juridiction à laquelle est rattachée Roissy, aéroport par lequel se font la majorité des retours. Dans le cas où certains adolescents auraient combattu, seuls ceux ayant plus de 13 ans pourront éventuellement être placés dans un centre éducatif fermé, voire emprisonnés s'ils ont plus de 16 ans. Comme les hommes, les mères, elles, seront mises en examen à leur arrivée en France. Mais entre celles qui ont prêté activement leur concours au groupe Etat islamique et celles qui ont essentiellement suivi leur compagnon, les profils sont contrastés et leur situation judiciaire sera appréciée au cas par cas. Elles pourront être placées en détention provisoire ou dans certains cas remises en liberté sous contrôle judiciaire.