"Ne pas en faire une ville pour les touristes" : Athènes se bat pour préserver ses derniers cinémas

Publié le 10 avril 2023 à 18h58, mis à jour le 11 avril 2023 à 11h02

Source : Sujet TF1 Info

Les deux cinémas historiques d'Athènes sont menacés de fermeture.
Ils pourraient être détruits et remplacés par des hôtels.
Du réalisateur Costa-Gavras au plus grand quotidien de Grèce, les voix s'élèvent contre une ville "uniquement pour les touristes".

"Nos cinémas, notre ville." Le slogan montre la force avec laquelle les Athéniens veulent se réapproprier leur ville. Depuis le début du mois d'avril, les habitants se mobilisent pour préserver deux cinémas historiques du centre-ville, l'Astor et l'Ideal. Menacés de destruction par des investisseurs privés, ils sont devenus le symbole de la lutte contre la transformation de la capitale grecque, en "cité vitrine"

Des cinémas remplacés par des hôtels de luxe

Ces deux établissements font partie intégrante de l'histoire de l'une des plus anciennes capitales d'Europe. Et appartiennent tous deux à la caisse nationale de sécurité sociale (EFKA). Mais depuis plusieurs semaines, leur survie est en péril. Les bâtiments où ils sont hébergés pourraient être vendus à des investisseurs privés. Selon les informations de la presse grecque, l'Ideal, ouvert il y a plus d'un siècle, finirait dans les mains d'un groupe hôtelier pour être transformé en un hôtel cinq étoiles. L'Astor, né dans les années 40, devrait quant à lui être vendu à un investisseur privé. Une nouvelle qui a provoqué l'ire des Athéniens et du monde du 7ᵉ art. À commencer par l'une des figures du cinéma grec, Costa-Gravas. 

Le cinéaste qui vit à Paris a rappelé que l'existence de ces salles étaient indispensables pour lutter contre la "barbarie". Yorgos Lanthimos, le réalisateur plusieurs fois nommés aux Oscars, a quant à lui souligné la "valeur sociale et culturelle" des deux salles "au centre d'une telle ville". "Nous sommes unis parce que ces cinémas sont des monuments culturels", a quant à lui déclaré le directeur de l'Académie hellénique du cinéma, Lefteris Charitos, rappelant que "l'Ideal est presque aussi vieux que le cinéma lui-même".

C'est comme tuer l'Acropole du cinéma à Athènes
Lefteris Charitos, directeur de l'Académie hellénique du cinéma

Des grands noms du cinéma qui viennent s'ajouter aux milliers de voix opposées au projet. En plus d'une manifestation dans ces lieux culturels, une pétition pour appeler à l'arrêt du projet a recueilli plus de 12.000 signatures. Car au-delà du seul aspect culturel, ces salles obscures apparaissent aux yeux des Athéniens comme le symbole d'une gentrification forcée. Depuis plusieurs années, les initiatives privées se tournent vers les vacanciers au détriment de la population. "Les librairies ou les boucheries ferment à Exarchia [un quartier du centre-ville ndlr.] et les magasins de chaussettes ouvrent", s'étonnait par exemple un habitant dans les pages de Kathimerini. Dans un article à ce sujet, le principal quotidien grec s'interrogeait : "Combien d'hôtels la ville peut-elle se permettre ?". 

Car outre la transformation de ces établissements, une série d'immeubles néoclassiques doit bientôt s'ajouter à cette "flotte" de nouveaux hôtels, en plus des nombreux Airbnb qui se multiplient au fil des années. Dans la ville, plus de 4.300 propriétés répertoriées pour des séjours de courte durée sont détenues par seulement 91 propriétaires

Pour les Athéniens, c'est désormais "l'âme" même de leur ville qu'il faut sauvergarder. "Il est très clair pour nous que cette discussion va au-delà des deux cinémas historiques. Il s'agit de l'ADN, de l'identité et de la personnalité d'Athènes", a ainsi reconnu mardi dernier le maire de la ville, Costas Bakoyannis, lors d'une conférence de presse. D'autant plus que quand le tourisme moderne est toujours plus lié à une quête d'authenticité. "Nous voulons de la croissance économique, des investissements, des visiteurs, mais nous ne voulons pas nous transformer en un Disneyland grec", prévenait le maire de la ville.


Felicia SIDERIS

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