Tuerie dans un club gay d'Orlando : la comparaison avec le Bataclan fait-elle sens ?

Publié le 13 juin 2016 à 17h30
Tuerie dans un club gay d'Orlando : la comparaison avec le Bataclan fait-elle sens ?

TERRORISME – Après le massacre d'Orlando aux Etats-Unis, médias et réseaux sociaux n'ont pas manqué de rapidement faire le parallèle avec le carnage perpétré en France le 13 novembre au Bataclan. Mais certains remettent en cause cette comparaison, soit en soulignant les différences dans la méthode, soit en mettant en avant celles concernant la nature du crime. Explications.

Même cible, un lieu clos bondé, festif et musical, même mode opératoire, une fusillade de masse qui se termine par une prise d'otages et un assaut, mêmes témoignages glaçants des rescapés, même revendication de Daech, même onde de choc à travers le monde… Le massacre perpétré samedi soir dans une boîte gay d'Orlando présente des similitudes indéniables avec la tuerie en plein concert du Bataclan le 13 novembre dernier, à Paris.

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Des ressemblances que n'ont pas manqué de souligner médias, experts et internautes en traçant rapidement un parallèle entre les deux tragédies, à l'image du tabloïd britannique The Sun faisant sa Une sur "Le Bataclan de l'Amérique" (America's Bataclan"). Une comparaison appuyée lundi matin au micro d' Europe 1 par la politologue spécialiste des Etats-Unis Anne Deysine, qui a estimé que les attaques se ressemblaient "de façon terrifiante". "Je pense que c'est un individu qui a agi seul. Il a vu le Bataclan, on est à l'ère de la mondialisation. Il a certainement vu la télévision et s'est dit je vais faire la même chose", a-t-elle développé.

Du côté des victimes du Bataclan, on a aussi été saisi d'une abominable réminiscence à la vue de ce qui s'est passé aux Etats-Unis. "Malheureusement il y a une forme de récurrence. L’endroit et les personnes visées, il y a un lien à faire avec ce qu’on a vécu", a ainsi déclaré sur le plateau de LCI un survivant du 13 novembre, Bruno Poncet.


Mais aussi dérisoire puisse-t-il paraître aux yeux de certains, un débat s'est engagé sur cette comparaison, des internautes appelant sur Twitter à ce qu'on cesse de la faire, ou dénonçant un travers journalistique.


Du côté des experts, le débat porte d'abord sur des différences de méthode. Alors que le Time venait de publier un article sur les "échos" entre les deux tragédies, un analyste en sécurité américain, Michaël Horowitz, a ainsi marqué son désaccord en publiant une série de tweets soulignant notamment que le tireur d'Orlando a, semble-t-il, agi seul, contrairement à "la cellule organisée" qui a mené des attaques simultanées le 13 novembre, qu'il a perpétré son massacre dans un pays où le port d'armes est légal, ou encore qu'il semble davantage inspiré par Daech que piloté par l'organisation terroriste.


"Cela n'a rien à voir avec le Bataclan", a également estimé sur i-Télé le spécialiste des mouvances djihadistes, Wassim Nasr. Le 13 novembre, a-il expliqué, "il y a eu trois attaques simultanées. Le Bataclan en soi symbolise plus que la fête, c'est aussi une symbolique pour la communauté juive, pour Israël, c'est pour ça que ça a été choisi. Alors que là, c'était une cible choisie par l'assaillant lui-même. Je ne pense pas que que Bagdadi (le chef de l'Etat islamique, ndlr) se soit réveillé en Irak en se disant : 'Tiens, on va attaquer le club Pulse aux Etats-Unis'".


C'est une autre petite musique, surtout, que l'on peut entendre en consultant les remarques faites sur cette comparaison sur les réseaux sociaux. L'article du Time évoqué plus haut notait bien le fait que "les meurtres d'Orlando sont différents sur un point essentiel, en ce que le suspect semble avoir ciblé une communauté spécifique des personnes LGBT plutôt qu'une assistance aléatoire de mélomanes". Mais c'est cette différence dans la nature de la cible qui est mise en avant pour récuser le parallèle Bataclan/Orlando.

"A Orlando le public touché était ciblé, pas au Bataclan", estime ainsi une internaute française , affirmant rageusement que les deux tragédies n'ont "rien à voir". "C'était davantage un autre Mathew Shepherd", un jeune victime en 1998 d'un assassinat homophobe, "qu'un autre Bataclan", juge également un Américain, Allen Simpson.  
 


Dans ces tweets, Allen Simpson se réfère aux propos d'un jeune chroniqueur britannique représentant de la communauté LGBT, Owen Jones, qui, après avoir quitté en plein direct le plateau de Sky News car les présentateurs refusaient, selon lui, de reconnaître que la fusillade d'Orlando était essentiellement un acte homophobe, a publié sur le site du Guardian une tribune largement applaudie ou décriée. Il y souligne qu'Orlando "était à la fois une attaque terroriste et une attaque homophobe sur les personnes LGBT", et "qu'une atrocité peut être plus d'une chose à la fois". Une dualité que ne permet pas de recouvrir le terme "Bataclan américain".


Gilles DANIEL

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