Interview

Tuerie au Texas : pourquoi les États-Unis ne parviennent-ils pas à modifier leur législation sur les armes ?

Propos recueillis par Idèr Nabili
Publié le 25 mai 2022 à 12h46

Source : TF1 Info

Dans une école du Texas, 21 personnes, dont 19 enfants, ont été tués par un adolescent de 18 ans, mardi.
Cette énième tuerie qui frappe les États-Unis relance le débat sur la régulation des armes à feu.
Malgré la répétition des massacres, pourquoi rien ne change ? Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis, nous éclaire.

Aux États-Unis, le cauchemar se répète. Mardi, dans une école du Texas, un adolescent de 18 ans a ouvert le feu, assassinant 21 personnes, dont 19 enfants de moins de dix ans et deux enseignants, avant d'être tué par la police. Un nouveau massacre, dans un pays qui ne compte plus les tueries de masse, qui s'additionnent années après années.

Immédiatement, les autorités ont réagi. Le président américain Joe Biden a appelé l'Amérique à "transformer cette douleur en action", dénonçant "ceux qui empêchent, repoussent ou bloquent des lois de bon sens sur les armes à feu". Mais les États-Unis peuvent-ils vraiment avancer ? Pourquoi ne parviennent-ils pas à légiférer sur la question ? Le pays est-il condamné à subir des massacres à répétition ? Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l'université Panthéon-Assas, répond à TF1info.

En 2012, la tuerie de Sandy Hook avait ôté la vie à 26 personnes, dont 20 enfants, dans le Connecticut. Dix ans plus tard, les États-Unis déplorent une nouvelle fusillade mortifère dans une école. Pourquoi rien n'a changé ?

Il existe un frein principal à toute modification : le second amendement de la Constitution, qui permet aux Américains de porter des armes. Or, avec les différents lobbys qui les financent, en particulier la National Rifle Association (NRA, la principale organisation de défense du port d'armes, NDLR), les Républicains sont en pointe pour empêcher la moindre législation. Ils considèrent, comme le dit le 10e amendement, que c'est aux États de légiférer, et que le gouvernement fédéral n'a pas à s'occuper de cette question.

Les États-Unis condamnés à vivre des tueries à répétition ? Oui, je le crois
Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis

L'émotion suscitée par la tuerie peut-elle ouvrir la voie à une modification des textes ?

Non. L'émotion est immense aux États-Unis, ce sont leurs enfants qui ont perdu la vie. Mais c'était déjà le cas à Sandy Hook en 2012, et cela n'avait rien changé. Il y avait alors eu beaucoup de déclarations d'intention, beaucoup de prières... Nous aurons exactement le même phénomène. Les Républicains ont une réponse : ce ne sont pas les armes qui tuent, ce sont ceux qui les utilisent.

Le président démocrate Joe Biden a pourtant appelé à "transformer la douleur en action". Son combat est-il vain ?

Pour Joe Biden, la question des armes, c'est le combat de sa vie. En 1994, il avait fait adopter une grande loi pour limiter les armes d'assaut, avec une validité de dix ans. Mais depuis, il va d'échec en échec. Après la tuerie de Sandy Hook, Barack Obama l'avait chargé de légiférer sur la question des armes. Malgré sa connaissance du Congrès, il avait été obligé de jeter l'éponge au bout de quatre mois, et Obama avait parlé de "journée de la honte". Depuis, rien n'a été fait. Pendant sa campagne, Joe Biden a même proposé aux Américains de racheter leurs armes, mais ce n'est pas une réponse viable. Je ne vois pas la moindre solution à ce problème.

Cela signifie que les États-Unis sont condamnés à vivre ces tueries à répétition ?

Oui, je le crois. Pour modifier un amendement dans la Constitution, il faut avoir une majorité quasiment introuvable : deux tiers de chaque Chambre et trois quarts des États qui ratifient la modification. Dans la bipolarisation actuelle de la société américaine, il est vain de penser qu'il y aura un changement.


Propos recueillis par Idèr Nabili

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