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Une énergie "100% renouvelable" dès 2030 en Allemagne ? Un élu EELV s'emballe

Publié le 21 septembre 2020 à 19h02, mis à jour le 22 septembre 2020 à 10h02
JT Perso

Source : TF1 Info

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE - Invité de l'émission "Brunet Direct" ce lundi sur LCI, l'élu écologiste Jacques Boutault a vanté la transition énergétique entamée par l'Allemagne. Une prise de position étayée par des chiffres erronés.

Invité à débattre sur le plateau de l'émission "Brunet Direct" ce lundi matin sur LCI, le maire adjoint EELV Paris Centre Jacques Boutault a estimé que la France devrait s'inspirer des politiques énergétiques menées outre-Rhin. En Allemagne, a-t-il assuré "d'ici 2030, 100% de l'électricité sera renouvelable. Il n'y aura plus de nucléaire et les centrales à charbon vont aussi fermer." Une ambition qu'il souhaiterait voir partagée par les dirigeants français.

Cette prise de position a fait bondir un autre invité de l'émission, le médecin et entrepreneur Laurent Alexandre. Partisan affiché du nucléaire, il a dénoncé les propos "fous et faux" de l'élu écologiste, lui reprochant de ne pas connaître le dossier.

 Lorsque l'on se penche sur la programmation énergétique de l'Allemagne, il apparaît en effet que nos voisins n'affichent pas de telles ambitions en matière de développement du renouvelable, malgré un volontarisme notable.

Pas de 100% renouvelable en 2030

Maître de conférences à la Sorbonne, Christian Simon a lui aussi bondi devant son téléviseur. Membre du bureau de l’Institut pour la Transition Environnementale de Sorbonne Université (SU-ITE), il a indiqué sur Twitter que "d'ici 2038, l'objectif officiel de l'Allemagne est de 66% de renouvelables". Pour y voir plus clair, LCI a sollicité l'Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE), qui confirme que l'objectif affiché outre-Rhin n'est pas de 100% d'énergies renouvelables (ENR) à l'horizon 2030.

Lorsqu'ils ont dévoilé leur plan d'action, les Allemands tablaient sur 50% d'ENR dans leur production d'électricité globale pour 2030, une part qui devait croître au fil des ans, pour atteindre 65% minimum en 2040, et au moins 80% en 2050. Ce que résume le tableau ci-dessous, permettant en passant d'évaluer les ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.  

Office franco-allemand pour la transition énergétique

L'OFATE précise néanmoins que  la coalition gouvernementale a revu ses objectifs à la hausse et souhaite désormais atteindre la barre des 65% d'énergies renouvelables dans sa production d’électricité en 2030. Si cette révision traduit le volontarisme allemand en la matière, il demeure inexact d'affirmer que nos voisins se dirigent vers une production à 100% issue du renouvelable pour 2030.

La fin du charbon au plus tard en 2038

Dans son exposé, Jacques Boutault s'est aussi emballé en ce qui concerne la réduction de la place du charbon. Si l'objectif est bien de fermer ces centrales très polluantes, l'OFATE rappelle que "les lois de sortie de charbon, adoptées en juillet 2020, organisent la fin de toute production électrique issue du charbon d’ici 2038 au plus tard, 2035 si possible". Des mesures d’accompagnement sont prévues, afin notamment de compenser ces fermetures par le développement croissant des ENR. La page du nucléaire, en revanche, sera tournée bien plus tôt : elle est prévue outre-Rhin pour la fin 2022.

Via une loi sur le climat de 2019, l'Allemagne vise l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, tel qu'énoncé lors du sommet sur le climat de New-York du 23 septembre 2019. Et compte pour cela miser sur le renouvelable. Une stratégie controversée puisque mêlée à une sortie du nucléaire, elle conduit à en passer par un recours à des énergies polluantes, d'origine fossile. En attendant que les ENR poursuivent leur développement, le recours aux centrales à gaz et à charbon a en effet été privilégié. 

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Particulièrement remonté lors de son intervention, Laurent Alexandre a pointé du doigt les limites des ENR, expliquant que si les Allemands misaient à 100% sur le renouvelable, ils se retrouveraient démunis la nuit en cas de vent nul (faute de pouvoir recourir à l'éolien et au photovoltaïque). Un argumentaire que les travaux de l'OFATE permettent de nuancer. En effet, "il convient aussi de mentionner l’apport de la biomasse (7,4% de la production d’électricité en 2019), qui est une production pilotable", souligne l'Office. 

Enfin, il convient de préciser que les interconnexions développées à travers l'Europe pourraient permettre à l'avenir de prévenir de manière efficace les problèmes liés à l'intermittence des énergies renouvelables. Si le vent vient à manquer pour permettre aux éoliennes allemandes de tourner, rien n'empêchera d'importer de l'énergie (renouvelable ou non) depuis les autres pays. Ces interconnexions se multiplient actuellement au sein de l'UE et doivent permettre d'aboutir à l'avenir à un véritable marché commun de l'énergie à l'échelle continentale. 

En résumé, il est faux d'affirmer que l'Allemagne va recourir à 100% aux énergies renouvelables pour sa production d'électricité en 2030. Les autorités prévoient en effet d'atteindre le seuil des 65%, avec en ligne de mire celui des 80% à l'horizon 2050. Les centrales à charbon, quant à elles, fermeront au plus tard en 2038, après avoir été utilisées pour compenser l'abandon du nucléaire. 

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Thomas DESZPOT

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