DIPLOMATIE - Ce dimanche, le président algérien a accusé Gérald Darmanin d'avoir menti sur le nombre d'Algériens illégalement présents sur le territoire français. Il estime qu'il n'y a que 94 cas, alors que le ministre de l'Intérieur évoque, lui, 7 000 clandestins. On fait le point sur ces chiffres.
Rarement l'écart entre deux sources aura été aussi grand. D'un côté, le président algérien assure qu'il n'existe que 94 ressortissants expulsables de France. De l'autre, le ministère de l'Intérieur français estime qu'il y en a plus de 7000. Accusé ce dimanche 10 octobre de "gros mensonge" par Abdelmadjid Tebboune - qui a appelé Gérald Darminin "Moussa", du deuxième prénom donné en hommage à son grand-père - le principal concerné maintient son chiffre.
"Il n'y a jamais eu 7000" Algériens à expulser, a notamment lancé le chef de l'État de ce pays voisin dans un entretien avec plusieurs médias locaux, "c'est complètement faux". "La liste qui nous est parvenue en 2020 et les trois listes en 2021 comptaient 94 cas parmi lesquels 21 ont été acceptés et 16 autres rejetés", a-t-il assuré. Alors qu'en est-il réellement ?
94 Algériens "fichés"
Il s'agit en effet des 94 Algériens en situation irrégulière inscrits au FSPRT, comme nous le précise l'Intérieur. Derrière cet acronyme, le "fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste", créé en 2015 après les attentats de Charlie Hebdo et de l'HyperCacher. Peu connu du grand public, il représente une base de données qui "recense et centralise des informations relatives aux personnes qui, engagées dans un processus de radicalisation, sont susceptibles de vouloir se rendre à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes ou de vouloir prendre part à des activités à caractère terroriste", comme le précisait en novembre 2020 la place Beauvau.
Un chiffre cohérent. Interrogé sur BFM TV le 29 septembre, Gérald Darmanin informait que 500 étrangers étaient soupçonnés de radicalisation en France.
Le président algérien fait donc référence aux seuls profils ultra-prioritaires, considérés comme radicalisés. À ceux-ci s'ajoute une deuxième liste, celle des Algériens en situation irrégulière ayant commis de graves troubles à l'ordre public, tels que des meurtres ou tentatives de meurtres, des viols, des agressions sexuelles ou du trafic de stupéfiant. Dans ce deuxième répertoire - baptisé "Plazza" - on trouve 260 noms d'Algériens que la France souhaite "expulser au plus vite".
En tout, il y a donc 350 Algériens que les autorités considèrent comme dangereuses et "souhaitent expulser en priorité, soit parce qu'ils sont radicalisés, soit parce qu'ils ont commis de graves troubles", comme le résume une source au ministère de l'Intérieur.
Plus de 7000 OQTF
Mais alors à quoi fait référence Gérald Darmanin quand il évoque plus de 7000 clandestins algériens ? Il s'agit en fait des 7730 obligations de quitter le territoire prononcées contre des Algériens depuis le début de l'année, précise la place Beauvau à LCI. Prises par la préfecture, ces mesures - qu'on retrouve sous l'acronyme OQTF - obligent généralement une personne à quitter la France dans un délai de 30 jours. Elles concernent des individus entrés irrégulièrement en France ou dont le titre de séjour ou le visa n'est plus valide.
Seulement, une partie d'entre elles ne sont pas accompagnées d'un départ effectif. Si l'exécutif argue que l'obstacle vient du silence marocain, aucune donnée n'existe sur le sujet. Mais comme nous vous l'expliquions ici, les raisons sont en réalité multiples. Dans un rapport parlementaire qui remonté à 2015, deux députés estimaient que la cause principale de cet "échec" était le "non-placement en centre de rétention administrative", notamment en cas "d'indisponibilité avérée dans les centres" ou de "nationalité incertaine". Les autres causes principales étaient "la non-prolongation de la rétention administrative par les autorités judiciaires", soit quand la personne concernée par une OQTF fait un appel, ainsi que "le défaut de délivrance des laissez-passer consulaires par les autorités des États tiers". À l'époque, ce dernier obstacle ne représentait que 19,7% des raisons d'un non-éloignement.
Pour résumer, non, "Moussa Darmanin" n'a pas "bâti un gros mensonge", contrairement à ce qu'assure le président Abdelmadjid Tebboune. Il y a bien au moins 7000 clandestins algériens dans l'Hexagone. Un chiffre encore une fois cohérent. En 2019, l'Intérieur avait expulsé 1650 Algériens, d'après les chiffres de Gérald Darmanin devant les députés.
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