REPORTAGE - La famine gagne du terrain chaque jour en Afghanistan, et oblige les talibans à lancer un appel à l'aide internationale. Mais la politique du régime inquiète les pays occidentaux, qui avaient suspendu une grande partie de leurs programmes de soutien.
La descente aux enfers se poursuit en Afghanistan : après des mois de sécheresse, suivis d'inondations catastrophiques, la malnutrition gangrène la population. Désormais, celle-ci fait aussi face à des chutes de neige abondantes sur une partie du nord et du centre du pays, qui révèlent de manière plus saillante encore son dénuement et sa précarité. Dans les rues de la capitale Kaboul, recouverte d'un manteau blanc sur les images du reportage du 20H de TF1 en tête de cet article, quelques passants tentent d'éviter les flocons qui tombent sans relâche et de se réchauffer autour d'un feu improvisé sur le trottoir, quelques flammes alimentées par des morceaux de carton dans une boîte en métal.
"Nous n'avons pas d'argent, nous n'avons rien, et nous souffrons profondément de la faim, que pouvons-nous faire ?", lance une femme accroupie près de ce feu, un enfant dans les bras. "Si on avait du pain, pourquoi avoir quitté nos maisons chaudes pour sortir ?", interroge un passant. "Je suis juste sorti pour trouver un morceau de pain pour les huit membres de ma famille." De nombreux Afghans n'ont en outre plus les moyens de se chauffer alors que le pays subit de régulières coupures de courant.
Face à l'urgence de la situation humanitaire, les talibans demandaient déjà l'arrêt du gel de leurs avoirs bancaires par les États-Unis, mais depuis vendredi 7 janvier, ils lancent un SOS à l'ensemble de la planète.
Plus de la moitié de la population risque de plonger dans la famine
"En divers endroits en ce moment, les gens n'ont pas de nourriture, de logement, de vêtements chauds ou d'argent", a déclaré Abdul Ghani Baradar, vice-Premier ministre, dans un message vidéo diffusé par les médias publics. "Nous demandons à la communauté internationale, aux ONG et à tous les pays de ne pas oublier nos pauvres gens", a-t-il lancé. Un aveu d'impuissance pour le régime, dans un pays où selon plusieurs ONG, plus de la moitié des 38 millions d'habitants risque d'être touchée par la famine. Les Nations unies ont prévenu que l'Afghanistan était au bord d'une des pires catastrophes humanitaires au monde.
Jusqu'alors, jusqu'à 90% du budget de fonctionnement de l'État reposait sur l'aide internationale depuis des années. Mais avec le retour au pouvoir des talibans, qui ont repris progressivement au fil des mois de nombreuses régions au gouvernement afghan soutenu par les États-Unis et leurs alliés, avant de faire tomber Kaboul le 15 août, les bailleurs ont coupé leurs robinets d'aides. Le régime n'a d'ailleurs été reconnu par aucun gouvernement à l'international.
"Depuis plusieurs mois, les salaires des soldats afghans et des fonctionnaires n'ont pas été versés, explique Fahimeh Robiolle, chargée de cours à l'ESSEC et à l'université de Kaboul et vice-présidente du club France-Afghanistan. Les structures de santé n'ont rien pour pouvoir fonctionner, et l'aide humanitaire n'est plus là."
L'étau se resserre sur les femmes, les talibans refusent tout "parti pris politique" international
Quel État ou institution acceptera toutefois de reprendre les versements, alors que le régime durcit ses restrictions, essentiellement vis-à-vis des femmes ? Dans de nombreuses régions, les bains publics leur sont interdits, elles n'ont plus le droit de faire de longs déplacements sans être accompagnées par un homme. Des affiches placardées dans les rues insistent sur le port du niqab et de la burqa.
Les talibans ont assis leur contrôle jusque dans les vitrines des magasins : sur les images d'une vidéo, des mannequins sont décapités à la scie. "Les commerçants doivent couper les têtes des mannequins, les vêtements doivent couvrir leur corps", enjoint dans une vidéo Aziz Rahman, chef du département pour la promotion de la vertu et de la prévention du vice de Hérat. "Ça ne créera aucun problème pour ces commerçants mais cela empêchera le vice, ce qui est bon pour eux, pour la nation et pour nous."
Face à l'effondrement du pays, les talibans demandent toutefois une aide "sans aucun parti pris politique". Jusqu'à présent, les soutiens étrangers représentaient 43% du PIB du pays, soit plus de sept milliards d'euros chaque année. Les pays tentent ainsi de venir en aide au pays en contournant tout soutien au régime.
En décembre, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution qui facilite pendant un an l'aide humanitaire à l'Afghanistan, une décision présentée comme "un bon pas" par les talibans. Les 57 pays de l'Organisation de la coopération islamique ont eux promis de mettre en place un fonds de donation et de tenter de débloquer une partie des avoirs du pays.
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