OPÉRATION COMMUNICATION – Depuis leur retour à la tête du pays, les talibans veulent se présenter comme changés. Une stratégie qui laisse de nombreux observateurs dubitatifs.
Devant les caméras, l’objectif est de rassurer. Dans les rues de Kaboul, les talibans investissent les axes de circulation et expliquent leur présence par leur volonté de protéger des habitants. À la télévision afghane, un représentant est interviewé par une femme journaliste et quelques heures plus tard, les talibans tiennent une conférence de presse. À chaque fois, le même discours : les talibans ont changé.
Promettant d’œuvrer à la réconciliation en Afghanistan, ils disent avoir pardonné leurs adversaires et vouloir protéger les droits des femmes en accord avec la loi islamique.
"Avec la volonté de Dieu et en accord avec les principes de la charia, nous autoriserons les femmes à travailler. Elles sont un élément important de notre société et nous les respectons", a expliqué le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, lors de la première conférence de presse des nouveaux maîtres de Kaboul mardi.
"Il y aura des limites"
Comme pour apporter une preuve de cette bonne volonté, dans la grande ville d'Hérat, une école pour filles a pu rouvrir ses portes. Toutes les élèves doivent cependant porter le voile. Pour le politologue Olivier Roy, spécialiste de l’Afghanistan, les talibans sont obligés de faire preuve d’ouverture.
"Je crois qu’effectivement, les talibans, pour des questions de bonne gestion de la société, ont intérêt à ouvrir un espace de manœuvre, un espace de liberté pour les femmes. Mais il y aura des limites", juge-t-il dans le sujet de TF1 en tête de cet article.
La communauté internationale comme la population restent également circonspectes, n’oubliant pas les exactions des talibans en matière de droits humains lorsqu’ils étaient au pouvoir de 1996 à 2001. À cette époque, l’application d’une version ultra-rigoriste de la loi islamique interdisait notamment aux femmes de travailler ou d’étudier.
Dès mardi, les hommes avaient troqué leurs vêtements occidentaux pour le shalwar kameez, l'ample habit traditionnel afghan. Des publicités dans les rues de Kaboul montrant des femmes ont été recouvertes et le quartier de l'aéroport est toujours assailli par des centaines de personnes cherchant à fuir le pays.
"Les talibans envoient des messages rassurants quant aux droits des femmes, mais leurs actions sur le terrain disent le contraire", assure l'ancienne ministre des Femmes, Hosna Jalil, dans la vidéo de LCI ci-dessous. "Je pense qu’ils vont adopter les mêmes pratiques que durant leur premier passage au pouvoir, et cela pourrait même être pire", présage-t-elle, désespérée. Selon les chiffres de l’ONU, plus de femmes et d’enfants ont été tués pendant les 6 premiers mois de 2021 que sur l’ensemble de n’importe quelle année depuis 2009.
Des manifestations de contestation ont d'ailleurs d'ors et déjà commencé. Certaines femmes, en signe de défiance, ont osé manifester dans les rues de Kaboul. 150 kilomètres plus loin, à Jalalalabad, des dizaines de personnes ont tenté de remplacer le drapeau taliban par le drapeau afghan en signe de protestation. Cependant, loin du message d'apaisement qu'ils mettaient en avant devant les médias, les talibans ont ouvert le feu pour disperser les manifestants.