REPORTAGE - "On n'a plus rien à manger" : l'Afghanistan, un an après le retour au pouvoir des Talibans

M.L | Reportage TF1 Liseron Boudoul et Romain Reverdy
Publié le 15 août 2022 à 10h55, mis à jour le 15 août 2022 à 11h01

Source : JT 20h WE

Le 14 août 2021, la capitale de l'Afghanistan, Kaboul, se préparait dans l'angoisse au retour des Talibans.
Le lendemain, ils reprenaient la ville au terme d'une progression fulgurante.
Un an plus tard, les craintes de la population se sont confirmées, et la plupart des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Un an après la prise de Kaboul, les Talibans y sont toujours, omniprésents dans les rues et au milieu des habitants, qui vivent sous leur surveillance continue. Cheveux longs, barbe fournie, ils patrouillent, arme à la main, entre les bâtiments cubiques, gris et beiges, nichés au milieu de paysages arides. Leur priorité reste la sécurité et leur ennemi plus que jamais Daech, le groupe djihadiste qui multiplie les attentats meurtriers dans le pays. Le dernier en date a frappé un quartier escarpé de Kaboul, quelques jours plus tôt.

"On observe toutes les voitures, et si on remarque quelqu'un qui a l'air suspect, on l'arrête et on vérifie tout", explique un Taliban, dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article. Avec la crosse d'un fusil contre l'épaule, il est posté à un carrefour très passant du centre-ville, bordé d'étalages. "On fait aussi attention aux engins explosifs qui peuvent être cachés tout autour", poursuit-il. Rien n'échappe à leur vigilance, assurent les combattants. Mais la survie des Afghans au quotidien, elle, n'est pas leur première préoccupation. 

"On n'a plus rien à manger à la maison, plus rien du tout"

Pourtant, le pays s'enfonce dans la crise humanitaire, malgré le retour de l'aide internationale, suspendue après la reconquête éclair des Talibans, qui se fait encore au compte-goutte. Les distributions de nourriture sont prises d'assaut par des dizaines d'habitants. Dans l'un des quartiers de Kaboul, des agents du programme alimentaire mondial serpentent avec des brouettes débordant de sacs au milieu de la foule rassemblée dans la rue. Des aides destinées directement aux familles, pour que les Talibans ne puissent pas les détourner. 

Dans une cour intérieure, de nombreuses femmes assises dans l'herbe ou sur des sièges attendent leur sac de farine et de lentilles pendant de longues heures. La plupart sont voilées intégralement, comme l'exigent les Talibans. Une grille de quelques centimètres seulement leur permet de voir, découpée dans le tissu bleu qui recouvre leur visage. 

"Il y a de plus en plus de familles qui sont obligées de vendre leur fille pour survivre, ici et dans les provinces"
Rouya, habitante de Kaboul

"On n'a plus rien à manger à la maison, plus rien du tout, même plus de pain", lance l'une d'elles. Plus de la moitié de la population afghane ne mange plus à sa faim. "J'ai supplié cette association pour obtenir de la nourriture", raconte Rouya, dont le visage est également couvert et qui porte dans ses bras son nourrisson, enroulé dans des linges blancs. Depuis l'arrivée des Talibans, son époux a perdu son emploi. "C'est très difficile, il y a de plus en plus de familles qui sont obligées de vendre leur fille pour survivre, ici et dans les provinces", poursuit la jeune mère.

Dans les rues, des enfants contraints de travailler

Les enfants sont les premières victimes de cette crise humanitaire : ils sont de plus en plus nombreux à travailler dans la rue. Des fillettes collectent des bouteilles en plastique pour les vendre, tout comme deux jeunes garçons qui, sur le trottoir d'en face, portent des sacs presque aussi grands qu'eux. Des gestes qu'ils répètent depuis un an déjà. "Avec un sac plein, je gagne 80 Afghanis", explique l'un d'eux. Soit l'équivalent de 75 centimes d'euros. "Je les donne à ma maman, c'est pour acheter du pain." "Moi, je préfèrerais aller à l'école", confie son ami avec un sourire amer. 

Des millions d'Afghans vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Le pays, placé jusqu'alors sous perfusion de l'aide internationale, a perdu 80% de ses revenus. Sur les marchés, toutes les denrées s'exposent pourtant, des pyramides de fruits et légumes sont disposées sur les étals, mais personne ne les achète. Les sanctions internationales décrétées après l'arrivée des Talibans au pouvoir ont stoppé l'activité économique et les nouveaux maîtres des lieux semblent incapables de la relancer. 

Les droits des femmes, eux, ne cessent de reculer. L'équipe de TF1 remarque à la nuit tombée une centaine d'habitantes assises sur un trottoir, en face d'une boulangerie. Mais impossible de leur parler. "Arrêtez, allez voir les hommes de l'autre côté", lance un Taliban. Selon une nouvelle règle des combattants, les femmes ne peuvent plus s'exprimer dans la rue. 

Baradine, le boulanger, explique qu'elles attendent qu'un bienfaiteur leur achète du pain. "Ce sont les habitants qui sont généreux envers ces familles. Les Talibans, eux, ne leur donnent rien", regrette-t-il. "L'an dernier, un sac de farine coûtait 1300 Afghanis, maintenant ce sont 3000 Afghanis. Les gens ne peuvent plus se le payer." Plus tard dans la soirée, un client charitable arrive finalement et distribue des pains aux habitants attroupés, dont de nombreux enfants. Tous tentent de survivre dans un pays à l'arrêt, dirigé par un régime théocratique toujours pas reconnu par la communauté internationale. 


M.L | Reportage TF1 Liseron Boudoul et Romain Reverdy

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