INTERVIEW EXCLUSIVE - Antony Blinken, le secrétaire d'État de Joe Biden, effectue sa première visite à Paris. Ce francophone et francophile a répondu aux questions d'Anne-Claire Coudray sur les dossiers chauds du moment, la rupture avec les années Trump et sa relation si particulière avec notre pays.
Les relations entre la France et les États-Unis, le dossier chinois, le Sahel, son amour de l'Hexagone... Le chef de la démocratie américaine, Antony Blinken, en visite en France depuis vendredi, a répondu aux questions d'Anne-Claire Coudray au 20H de TF1 et sur LCI. Un entretien à découvrir dans sa version intégrale dans la vidéo en tête de cet article.
Anne-Claire Coudray : Quand Joe Biden vous a nommé à la tête de la diplomatie américaine, nous, Français, avons voulu y voir un signe, car vous parlez parfaitement notre langue, vous avez vécu en France, à Paris, à peu près toute votre scolarité...
Effectivement. Depuis janvier, j’ai l’occasion d’exercer mon français, surtout en collaboration avec mon ami Jean-Yves Le Drian et d’autres collègues français. Je suis venu en France à l’âge de 9 ans, jusqu’à mes 18 ans. J’ai passé mon bac à Paris et j’ai gardé le contact depuis. Je suis même revenu quand j’avais 30 ans, avant de commencer une carrière au gouvernement. J’ai passé deux ans de plus à Paris et j’ai des amitiés nouées à cette époque qui durent jusqu’à aujourd’hui.
On dit souvent que les Français et les Américains sont comme des cousins, et pourtant ces dernières années, on a découvert aussi parfois de manière parfois assez brutale qu’on ne pensait pas pareil. Vous connaissez les psychologies des deux côtés de l’Atlantique, qu’est-ce qui nous différencie ?
Il y a toujours des différences, des nuances, des changements de tactique parfois sur les dossiers, c’est normal. C’est normal entre amis et entre alliés. Ce qui est beaucoup plus important, c’est ce qui nous réunit de façon très profonde. C’est ce que j’ai appris depuis ma jeunesse, il y a quelque chose derrière ces valeurs que Français et Américains, nous essayons de mettre en œuvre. Liberté, égalité, fraternité, ça veut dire quelque chose.
L’obligation de soutenir les droits de l’Homme, ça veut dire quelque chose. Et surtout en ce moment. Nous vivons tous les deux dans des démocraties qui font face à des défis très importants, à la fois internes et externes, et je pense que nous voyons tous les deux le même défi : démontrer par notre action à nos concitoyens que nous pouvons obtenir des résultats qui vont améliorer leur vie et, je l’espère, celle des gens partout dans le monde.
Il n’y a pas un pays agissant seul qui a la capacité à faire face avec efficacité à ces problèmes. Il n’y a pas de mur que nous pouvons construire, assez haut, assez fort, pour les éviter.
Antony Blinken
Les Français vous connaissent aussi car vous apparaissez sur l’une des photos les plus connues de ces dix dernières années, dans la "Situation Room", près de Barack Obama, lors de l’assaut contre Oussama Ben Laden. Est-ce que c’est le moment le plus fort de votre carrière ?
C’est vrai que c’est un moment fort, le plus fort je ne sais pas mais c’est quelque chose, qu’évidemment, je retiens. C’était un moment de justice, parce que c'est celui qui a mené l’attaque contre les États-Unis le 11-Septembre, donc un moment de justice, pour lui, pour nous. Il y avait également une certaine tension, parce que la mission était très compliquée, et enfin un soulagement. Ça reste évidemment un moment important.
Quelques semaines après, il y a eu un show télévisé chez nous, avec un comédien qui s’appelle David Letterman, qui a mis cette photo en gros plan et il y avait l’un de mes collègues du gouvernement, sur le plateau avec lui. Il m’a pointé du doigt et il a dit : "Qui est ce type à l’arrière de la photo, est-ce que c’est quelqu’un qui s’est égaré car il essayait de visiter la Maison Blanche ?". Donc c’est à la fois un moment qui restera avec moi toute ma vie, mais en même temps, en perspective.
Joe Biden a choisi de faire son premier voyage à l’étranger en Europe avec un message très fort, celui de rétablir les relations de confiance, malmenées par quatre années du mandat de Donald Trump. Comment évaluez-vous, dans votre mission, les dégâts de ce mandat ?
Je suis tout à fait concentré sur aujourd’hui et demain, et le travail que nous allons faire ensemble pour faire face aux défis.
Il n’y a pas de mur que nous pouvons construire, assez haut, assez fort, pour éviter les problèmes
Antony Blinken
Mais quand vous êtes arrivé, vous deviez sentir que les relations ont été mises à mal...
Je retiens deux choses. Je retiens surtout qu’il y a un essor de la confiance entre les États-Unis et nos alliés les plus proches, avec la France surtout. Ça, c’est très important pour une raison pratique. Quand nous regardons les défis qui sont en face de nous, que ce soit le défi de cette pandémie, le climat, l’émergence de nouvelles technologies qui ont des impacts majeurs sur la vie de nos concitoyens, nous constatons qu’il n’y a pas un pays agissant seul qui a la capacité à faire face avec efficacité à ces problèmes. Il n’y a pas de mur que nous pouvons construire, assez haut, assez fort, pour les éviter.
Il y a, en ce moment, un besoin de faire un travail en commun, de trouver des moyens de coopérer, de coordonner, de travailler ensemble. C’est surtout pour ça que le président Biden a voulu mettre l’accent, lors des six premiers mois, sur nos partenariats, nos alliances avec nos amis les plus proches, et notamment notre allié de plus longue durée, la France.
Est-ce que ces quatre années de Trump, où il y a eu aussi beaucoup d’humiliations, où les Européens ont été obligés de trouver un autre équilibre, impliquent le fait qu’on ne puisse pas revenir à une relation comme elle l’était auparavant ?
De toute manière, on ne peut pas revenir en arrière, parce que le monde a changé et change de façon extrêmement rapide. Ce qu’il faut surtout, c'est faire un travail en commun face aux défis d’aujourd’hui et de demain, ne pas revenir en arrière. Ça implique aussi de peut-être faire les choses de manière différente. Pour nous, écouter, c’est aussi important que parler.
Nous avons fait un travail important, ces six premiers mois, non seulement avec l’engagement de nos partenaires et nos alliés mais surtout en les écoutant, que ce soit entre nous, au niveau bilatéral ou au G7, à l’OTAN, à l’UE. Ça nous permet d’établir un programme en commun avec beaucoup plus d’efficacité.
Vous désignez la Chine comme un adversaire, voire un ennemi commercial. C'est un ton avec lequel les Européens prennent un peu de distance, notamment Emmanuel Macron. Est-ce que vous nous trouvez un peu trop naïfs par rapport aux Chinois ?
Ce que je vois depuis quelques semaines, c’est une convergence dans l’approche envers la Chine, et je pense que nous voyons la chose de la même manière. C’est, pour tous nos pays, une relation très compliquée, que nous ne pouvons pas simplifier en un seul mot ou une seule phrase. Je pense que nous avons le même point de vue avec la France : il y a des éléments qui tiennent de l’adversaire, des éléments compétitifs et des éléments de coopération.
Ce qui est important, c’est ce que nous aurons beaucoup plus d’impact si nous approchons la Chine ensemble, plutôt que seuls. Que ça soit au G7, à l’OTAN, à l'UE, nous avons vu une convergence. Notre but n’est pas de retenir la Chine, d’établir un programme contre la Chine, c’est de soutenir un système libre et ouvert basé sur des règles, des normes que la France et les États-Unis ont établi après la Seconde Guerre mondiale et qui nous ont bien servi.
Si on n'a pas un système où les pays agissent en suivant des règles, des accords, l’alternative c’est le combat, la loi de la jungle, la loi du plus fort. On sait par notre Histoire que ça mène quelque part où on ne veut plus aller. L’idée est de soutenir ce système, non pas contre la Chine mais pour une vision positive de l’avenir.
La coopération entre les États-Unis et la France est inédite dans le domaine militaire, nous travaillons ensemble, notamment au Sahel. On sait que la France réfléchit à un autre type d’engagement sur place. Est-ce que les États-Unis participeront à la future coalition ?
Tout simplement, oui. Nous avons un partenariat très important, nous avons beaucoup d’appréciation pour le leadership de la France. C’est logique qu’il y ait une reconfiguration de la stratégie. Renforcer la capacité militaire et de gouvernance de nos alliés sur le terrain, et créer un avenir pour la population est la bonne logique, tout en maintenant ce qu’il faut pour contrer le terrorisme, et nous allons le faire ensemble.
Joe Biden va recevoir Angela Merkel le 15 juillet à la Maison-Blanche. Vous disiez il y a quelques jours que les États-Unis n'ont pas de "meilleur ami" dans le monde que l'Allemagne. N'est-ce pas étonnant vu notre histoire commune ?
Non, justement. Notre histoire commune, c’est la France qui est notre plus ancienne alliée. Nous avons, à notre départ comme pays, la France qui était là, c’est quelque chose que nous n’oublierons jamais. Le meilleur symbole de notre démocratie, c’est la statue de la liberté, venue de la France.
Est-ce qu’il y aura une rencontre entre Joe Biden et Emmanuel Macron ?
Absolument. Il y a déjà eu une rencontre en Cornouailles, non seulement très positive mais aussi productive. Je suis sûr et convaincu que nous aurons l’occasion et la chance de recevoir le président Macron aux États-Unis.
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