Après la démolition du barrage de Kakhovka mardi, l'eau du réservoir de la centrale nucléaire de Zaporijia baisse à toute vitesse, ce qui suscite les inquiétudes des habitants.Ils craignent que le refroidissement du site ne soit menacé, de quoi déclencher une catastrophe nucléaire.Les autorités affirment leur venir en aide, mais sur place, le scénario du pire est loin d'être anticipé.
Les bancs de sable font désormais surface sur la rive de Zaporijia, où l'eau a reflué d'une dizaine de mètres vers le lit du fleuve. Trois jours après la démolition du barrage hydroélectrique de Kakhovka, à 200 kilomètres en amont, le niveau de l'eau du Dniepr a baissé de près de trois mètres, un recul qu'observent les habitants de la ville, entre stupéfaction et inquiétude. "On a très peur car notre destin est entre les mains de Russes incompétents", lâche l'une d'entre eux, Olena, dans le reportage de LCI en tête d'article.
Depuis que la région est tombée aux mains des forces russes, qui ont revendiqué à l'automne dernier l'annexion de l'oblast de Zaporijia et le contrôle de sa centrale nucléaire, ce sont des employés russes qui sont aux manettes du site. "Je ne sais pas qui ils sont, moi ! Je ne sais pas s’ils sont capables de gérer la situation, s’ils ont assez d’expérience et de connaissances pour ne pas faire tout exploser", cingle Olena.
Si les craintes des habitants sont particulièrement fortes, c'est que la centrale nucléaire, située à une cinquantaine de kilomètres de Zaporijia, utilise normalement l’eau du barrage de Kakhovka pour alimenter son système de refroidissement. Le retrait de l'eau menace donc directement la sécurité du site.
"Là-haut, ils s’en fichent de nous"
Mais les autorités administratives affirment être parées à toute éventualité. "On a un plan d’évacuation, qui existe depuis longtemps : pas depuis hier, pas depuis l’année dernière, mais depuis la construction de la centrale nucléaire", assure Volodymyr Martchuck, chef de département au sein de l’oblast de Zaporijia. "Et les abris antiatomiques construits pendant la période soviétique conviennent encore pour protéger les gens d’une catastrophe nucléaire", s'avance-t-il.
Seulement, si ces abris antiatomiques sont toujours accessibles, ils ont pris de l'âge. Nadia Tkachenko, une ancienne médecin militaire, est désormais responsable d'un refuge où elle a préparé des campements de fortune, qu'elle aménage toute seule depuis huit mois déjà. Médicaments, provisions, vêtements, lits d’appoint… Jusqu’à 280 personnes peuvent s'y protéger, en cas d’alerte anti-aérienne, mais plus en cas de catastrophe nucléaire.
"Cela aurait dû être fait quand les combats ont commencé en 2014 dans la région de Donetsk. Donc les autorités arrivent bien trop tard", dénonce-t-elle d'une colère froide, l'air désabusé. "On en avait déjà vraiment besoin hier... et on ne l’aura même pas demain. Parce que là-haut, ils s’en fichent de nous. Ils ont juste accroché un panneau 'abri', mais ils ne sont jamais descendus ici. Pas une seule fois." L'exaspération vire vite à l'inquiétude lorsque les alarmes anti-aériennes résonnent, des sirènes au rythme desquelles les habitants ont appris à vivre au quotidien.
"Pas de risque imminent"
Mais pour l'heure, le risque d'un accident semble écarté à la centrale de Zaporijia. Après des mises en garde alarmistes sur la sécurité du site, les autorités ukrainiennes ont finalement estimé de leur côté que la situation restait sous contrôle pour le moment. Le ministre ukrainien de l'Énergie Guerman Galouchtchenko a déclaré qu'elle ne présentait "pas de risque imminent à ce stade", mais exigeait d'être "surveillée".
L'opération de pompage du réservoir d'eau du barrage de Kakhovka pour refroidir le combustible "devait pouvoir se poursuivre même si le niveau descendait au-dessous du seuil de 12,7 mètres", a assuré quant à elle l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans un communiqué, fixant désormais la limite à "11 mètres, voire plus bas". Quand le barrage ne pourra plus être utilisé, la centrale pourra avoir recours à "un grand bassin de rétention situé à proximité ainsi qu'à des réserves plus petites et à des puits sur place qui peuvent fournir de l'eau de refroidissement pour plusieurs mois", a précisé l'instance de l'ONU.
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TF1 Info