DIPLOMATIE - Lors de la conférence de presse donnée à Paris, le président turc Recep Tayip Erdogan a sèchement répondu un journaliste qui l’interrogeait sur des livraisons d’armes de la Turquie à la Syrie.
Répondre à une question par une question. En tutoyant le journaliste. On dirait que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a pas vraiment apprécié cette question d’un journaliste, lors de la conférence de presse donnée en compagnie d'Emmanuel Macron à l’Elysée ce vendredi.
Laurent Richard, un journaliste travaillant pour Envoyé Spécial l’a interrogé sur des livraisons d’armes de la Turquie à la Syrie etnotamment sur l'interception en janvier 2014, révélée en mai 2015, de camions appartenant aux services secrets turcs (MIT) et transportant supposément des armes destinées à l'EI. Lorsque cette affaire avait éclaté en Turquie, Ankara l'avait qualifiée de machination fomentée par Fethullah Gülen, un prédicateur installé aux Etats-Unis, ancien allié d'Erdogan devenu sa bête noire, et dont les partisans sont la cible de purges titanesques depuis l'été 2016.
Question que n'a visiblement pas apprécié le président, qui a fait en sorte de tourner autour du pot, avant de renvoyer la balle à son questionneur. "Je n’ai pas compris, qui est-ce qui a envoyé des armes en Syrie ? Qui a envoyé des armes en Syrie ?", a d’abord demandé le président.
Tu parles exactement comme un membre du FETÖ
Recipe Erdogan
Le journaliste précise son propos : "Il y a les camions de vos services de renseignement, les services du MIT (Organisation nationale du renseignement, ndlr) qui ont été interceptés en décembre 2013 et janvier 2014 sur un poste frontière, et à l’intérieur desquels on retrouvait des mortiers", a-t-il détaillé. "Ces images ont été filmées, mais ont été immédiatement censurées."
Sans répondre sur le fond, le président Erdogan a tout de suite contre-attaqué. Agacé. "Tu parles comme quelqu’un du FETÖ !(mouvement güléniste que le gouvernement turc considère comme une organisation terroriste, ndlr) Avec les mêmes arguments !" "Je parle comme un journaliste, français", a répondu l’interpellé.
"Tu ne parles pas comme un journaliste, tu parles exactement comme un membre du FETÖ. Pourquoi ? Parce que ceux qui ont fait cette opération, c’étaient les procureurs, qui étaient liés au FETÖ. Aujourd’hui, ils sont en prison", a d'abord asséné le président. Avant de développer : "Ecoutez. Les organisations de renseignement ont des droits et ils ont des devoirs de transporter des armes d’un côté et de l’autre suivant les lois." Avant de retourner l’argument : "Tu me poses cette question, mais les Etats-Unis ont envoyé 4000 camions d’armes en Syrie. Pourquoi est-ce que tu ne poses pas cette question ? 4000 camions d’armes. Tu es journaliste, tu devrais le savoir, tu devrais poser des questions là-dessus, pourquoi est-ce que tu ne poses pas de questions ? Et ne parlez pas avec les arguments des autres. Cela, ce sont des arguments et un discours de FETÖ, et il faut apprendre à ne pas employer ces arguments et ce discours."
Une réaction qui n'est évidemment pas passée inaperçue sur Twitter. Condamnée par beaucoup, y compris l'intéressé, relevée avec humour par d'autres...
Si la conférence de presse avait lieu à Ankara, @laurentrichard0 serait déjà sous les verrous. Belle démonstration en direct du président turc sur la liberté de la presse. @RSF_EECA — Guillaume Perrier (@Aufildubosphore) 5 janvier 2018
"Aujourd'hui j'ai simplement essayé de poser des questions que les journalites turcs ne peuvent plus poser à Recep Tayyip Erdogan", a commenté le journaliste.
Today I just tried to ask questions turkish journalists can no longer ask to @RT_Erdogan . #pressfreedom https://t.co/vuIANTH9bc — Laurent Richard (@laurentrichard0) 5 janvier 2018
M. @RT_Erdogan le journalisme n’est pas du terrorisme, la critique n’est pas non plus du terrorisme. Un journaliste n’a rien à faire en prison. #SaveTurkishJournalists pic.twitter.com/mqTQWNTCgh — RSF (@RSF_inter) 5 janvier 2018
Nous attendions du Président Erdoğan une réponse claire à une question posée par un journaliste qui manquait sans doute de tact sur un sujet sensible pour la Turquie. — Serkan Eskikaya (@SerkanEskikaya) 5 janvier 2018
On me dit dans l'oreillette que #Erdogan apprend qu'un journaliste de #cashinvestigation va lui poser une question pic.twitter.com/WcuuVmnkSq — Adia (@adia66) 5 janvier 2018
Le journaliste auteur de la question a ensuite largement partagé son intervention sur Twitter, qui a été largement relayée, et commentée.
Today I just tried to ask questions turkish journalists can no longer ask to @RT_Erdogan . #pressfreedom https://t.co/vuIANTH9bc — Laurent Richard (@laurentrichard0) 5 janvier 2018
Au cours de cette visite à Paris, la plus importante du président turc dans un pays de l'UE depuis le putsch manqué de 2016, la question de la liberté de la presse a été abordée par Emmanuel Macron, qui a appelé son homologue turc à "respecter l'Etat de droit". Le tout alors que deux ressortissants français ont été, ces derniers mois, emprisonnés - puis libérés - dans les prisons turques.
La Turquie a lancé de vastes purges depuis le putsch manqué, arrêtant plus de 55.000 personnes et en limogeant ou suspendant plus de 144.000. La Turquie occupe la 155e place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par l'ONG Reporters sans frontières (RSF).
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