Bombardements sur la centrale de Zaporijjia : Zelensky accuse Moscou de recourir à la "terreur nucléaire", les alliés condamnent

Publié le 4 mars 2022 à 9h32, mis à jour le 19 août 2022 à 17h02

Source : JT 20h WE

Le président ukrainien a condamné les frappes russes qui ont visé dans la nuit des infrastructures de la centrale nucléaire de Zaporijjia.
Il a accusé Vladimir Poutine de chercher à "répéter" la catastrophe de Tchernobyl et appelé les Européens à une "action immédiate".
La communauté internationale annonce préparer de nouvelles sanctions contre Moscou.

"S'il y a une explosion, c'est la fin de tout" : le président ukrainien Volodymyr Zelensky a livré dans la nuit de jeudi à vendredi un message alarmant. Il accuse Moscou d'avoir recours à la "terreur nucléaire" et de vouloir "répéter" la catastrophe de Tchernobyl, la plus grave de l'Histoire en 1986, après des tirs russes ayant touché quelques heures plus tôt dans la nuit des infrastructures de la plus grande centrale atomique d'Europe, Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine.

"Nous alertons tout le monde sur le fait qu'aucun autre pays hormis la Russie n'a jamais tiré sur des centrales nucléaires. C'est la première fois dans notre histoire, la première fois dans l'histoire de l'humanité. Cet État terroriste a maintenant recours à la terreur nucléaire", a-t-il affirmé. "L'Ukraine compte quinze réacteurs nucléaires. S'il y a une explosion, c'est la fin de tout. La fin de l'Europe. C'est l'évacuation de l'Europe", a-t-il poursuivi. 

Avant d'enjoindre les Européens à agir face à la gravité de l'attaque russe : "Seule une action européenne immédiate peut stopper les troupes russes. Il faut empêcher que l'Europe ne meure d'un désastre nucléaire". Selon le président ukrainien, ce sont des chars russes qui ont ouvert le feu sur la centrale. "Ces chars sont équipés de viseurs thermiques donc ils savent ce qu'ils font, ils s'étaient préparés", a-t-il affirmé.

Dans une deuxième vidéo publiée vendredi matin, Volodymyr Zelensky a à nouveau réclamé un durcissement des sanctions occidentales contre Moscou. "Un renforcement immédiat de sanctions contre l'État terroriste nucléaire est nécessaire", a-t-il déclaré, en appelant également les Russes à "descendre dans la rue" pour arrêter les attaques russes contre les sites nucléaires en Ukraine. 

Sur Twitter, le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kuleba avait affirmé au cours de la nuit qu'en cas d'explosion de la centrale, la catastrophe pourrait être "dix fois plus grosse" que celle de Tchernobyl, appelant alors les Russes à un "cessez-le-feu immédiat" et à permettre aux pompiers de se rendre sur le site, ce à quoi ils ont ensuite été autorisés. Ils ont ainsi pu mettre fin à l'incendie provoqué par les frappes.

Le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique propose de se rendre à Tchernobyl

Les niveaux de radioactivité restent inchangés sur le site de la centrale, qui compte six réacteurs nucléaires et fournit une grande partie de l'énergie du pays, a indiqué de son côté l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), selon qui aucun équipement "essentiel" n'a été endommagé. Elle "appelle à cesser l'usage de la force et avertit d'un grave danger si les réacteurs sont touchés", a tweeté l'organisation.

Lors d'une conférence de presse depuis Vienne, son directeur Rafael Mariano Grossi a confirmé qu'il n'y avait pas eu de fuite radioactive, mais il a fustigé le fait que "l'intégrité physique de ce site n'ait pas été respectée" la nuit dernière. "Aucun des systèmes de sécurité des six réacteurs sur site n'a été impacté, il n'y a aucune fuite de matériau radioactif, (...) mais l'exploitant et le régulateur ukrainiens nous disent que la situation est encore très tendue et très difficile", a-t-il rapporté.

Il a alors proposé de se rendre à l'ancienne centrale de Tchernobyl. "J'ai indiqué à la Russie et à l'Ukraine que je suis disponible et prêt à me rendre à Tchernobyl dès que possible", a-t-il lancé, avant de préciser que "l'idée est de parvenir à un accord sur un cadre" pour garantir la sécurité des sites nucléaires en négociant directement sur les lieux.

La communauté internationale envisage de nouvelles sanctions

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a quant à lui convoqué une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, qui doit se tenir vendredi en fin de matinée depuis New York. "Les actions irresponsables du président Poutine peuvent maintenant menacer directement la sécurité de toute l'Europe", a-t-il déploré dans un communiqué, après s'être entretenu avec Volodymyr Zelensky. "Il s'agit d'une menace pour la sécurité et la stabilité de l'Europe et les responsables doivent rendre des comptes", a ajouté la cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss aux télévisions britanniques depuis Bruxelles.

Le président ukrainien a également parlé au téléphone avec le président américain Joe Biden, a indiqué un responsable à Washington. Joe Biden a ensuite "exhorté la Russie à cesser ses activités militaires dans la zone" de la centrale, selon la Maison Blanche. La secrétaire à l’Énergie américaine, Jennifer Granholm, a indiqué sur Twitter qu'elle activait son "équipe de réponse aux incidents nucléaires", une équipe de scientifiques et experts mobilisés pour analyser et surveiller de près la situation, en collaboration avec le ministre de la Défense. "Les réacteurs de la centrale sont protégés par des structures de confinement robustes et les réacteurs sont arrêtés en toute sécurité", a-t-elle toutefois assuré.

"La montée de l'escalade prend la forme d'une remise en cause de l'intégrité de la centrale nucléaire de Zaporijjia", a dénoncé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui a appelé à "poursuivre l'isolement" de la Russie. "Nous allons prendre de nouvelles mesures contre le pouvoir de Poutine", a renchéri la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock sans plus de précisions. 

Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a condamné pour sa part "l'attaque scélérate de la Russie contre la centrale nucléaire de Zaporijjia, une attaque contre la sécurité de tous", tandis qu'en Norvège, "c'est de l'ordre de la folie d'attaquer de cette sorte", a réagi le Premier ministre Jonas Gahr Støre qui a fait part de sa "condamnation forte". "C'est un comportement totalement irresponsable de la part de la Russie auquel nous assistons ici", a abondé la cheffe de la diplomatie norvégienne Anniken Huitfeldt.

"Cette guerre est totalement injustifiée (...) nous devons rester unis et prêts à agir", a affirmé quant à lui Josep Borrell, Haut Représentant de l’Union européenne, à son arrivée pour la réunion à l'Otan à laquelle il a été invité. L'Union européenne va discuter vendredi de la possibilité d'imposer de nouvelles sanctions contre Moscou qui concerneraient ses achats de gaz et de pétrole et permettent de financer l'effort de guerre de la Russie, a annoncé le chef de la diplomatie européenne. "Vous avez pu constater que tout reste sur la table, car certaines mesures auxquelles personne ne s'attendait ont été prises", a-t-il déclaré en réponse à une question sur les importations européennes de gaz et pétrole russes. 

L'Otan condamne mais ne veut pas entrer en guerre contre la Russie

"L'attaque contre une centrale nucléaire démontre le caractère irresponsable de cette guerre et la nécessité d'y mettre fin", a déclaré de son côté le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, lors d'une brève intervention aux côtés du secrétaire d'État américain Antony Blinken, avant une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères de l'Alliance. Mais "l'Otan ne veut pas être engagée dans le conflit", a-t-il toutefois appuyé. 

"Nous ne cherchons pas le conflit. Nous sommes une alliance défensive et nous défendrons notre territoire", a confirmé le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. Une fin de non-recevoir a ainsi été opposée aux demandes ukrainiennes d'instaurer une zone d'exclusion aérienne. "La question a été évoquée et les Alliés sont convenus que nous ne devrions pas avoir d’avions de l’Otan opérant dans l’espace aérien ukrainien ou des troupes de l’Otan au sol, car nous pourrions nous retrouver avec une guerre totale en Europe", a expliqué Jens Stoltenberg.

L'ONG de défense de l'environnement s'est dit de son côté "profondément inquiète", accusant le président russe Vladimir Poutine de prendre "désormais le risque d'une catastrophe nucléaire", après avoir "lancé une guerre illégale contre le peuple d'Ukraine". Elle demande un cessez-le-feu sur le site de la centrale, estimant que "cela doit être la dernière fois que l'on voit l'armée russe venir à proximité des centrales nucléaires d'Ukraine".

Cette nouvelle attaque survient alors que la Russie brandit depuis plusieurs jours la menace nucléaire, et accuse les Occidentaux de nourrir l'escalade. Dans des déclarations à la télévision russe jeudi, le président Vladimir Poutine n'a donné aucun espoir d'apaisement. "L'opération militaire spéciale se déroule strictement selon le calendrier, selon le plan", a-t-il déclaré, rendant hommage aux soldats russes et à leur "précieux combat contre des néonazis" et des "mercenaires étrangers" qui utilisent selon lui les civils comme "boucliers humains" en Ukraine.

Zaporijjia, située sur le fleuve Dniepr, est la plus grande centrale nucléaire d'Europe avec une capacité totale de près de 6.000 mégawatts, assez pour fournir en électricité environ quatre millions de foyers. Elle a été inaugurée en 1985, quand l'Ukraine faisait partie de l'Union soviétique. Le 24 février, des combats avaient déjà eu lieu près de l'ancienne centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, et qui est désormais entre les mains des troupes russes.


La rédaction de TF1info (avec AFP)

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