Face à la menace russe, les Finlandais entre inquiétude et "espoir que tout finira bien"

M.L | Reportage TF1 Ignacio Bornacin et Vincent Abellaneda
Publié le 16 mai 2022 à 10h38

Source : JT 20h WE

L'Alliance atlantique a reçu dimanche une candidature lourde de sens.
La Finlande, très attachée à sa neutralité depuis des décennies, a officialisé sa demande d'adhésion.
Face au voisin russe, les habitants ne se sentent plus en sécurité mais espèrent éviter un scénario similaire à l'Ukraine.

Parés de la tête aux pieds de leur uniforme, une arme en bandoulière, un casque enfoncé sur le front et un masque pincé sur le nez, les plus de 800.000 réservistes de l'armée finlandaise ont repris l'entraînement comme jamais auparavant. En forêt, ils s'entraînent au combat pour se préparer en cas d'invasion russe, prêts à protéger ce pays qui compte à peine 5,5 millions d'habitants, et qui s'était jusqu'alors tenu à l'écart des alliances militaires pendant des décennies. 

"C'est important pour moi d'être préparé à une prochaine bataille, s'il y en a une", confie l'un des soldats dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article. Avant l'invasion russe en Ukraine, 700 entraînements par semaine étaient organisés à travers le pays, contre 700 par jour dorénavant. La Finlande, qui partage une frontière de 1300 kilomètres avec la Russie, a rapidement pris peur, elle qui est pourtant restée neutre militairement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle a désormais choisi un camp : celui de l'Otan. Le pays a annoncé officiellement dimanche qu'il allait demander à rejoindre l'Alliance transatlantique, un pas que s'apprête aussi à sauter la Suède.  

"C'est un jour historique, une nouvelle ère s'ouvre", a salué le président finlandais Sauli Niinistö. Le secrétaire général de l'Alliance atlantique Jens Stoltenberg a assuré de son côté que celle-ci est prête à renforcer les "garanties de sécurité" pour les deux pays nordiques. Moscou, quant à elle, voit d'un très mauvais œil ces possibles adhésions : Vladimir Poutine a mis en garde son homologue finlandais contre "une erreur", jugeant qu'il "n'y a aucune menace à la sécurité de la Finlande", selon le Kremlin.

"C'est une situation qui fait peur, mais on veut croire que tout ira bien"

Pourtant, près de la frontière, les habitants craignent un réel danger. Depuis le village de Virolahti, au Sud du pays, la Russie n'est qu'à 50 mètres, juste au bout d'un champ. Depuis le conflit en Ukraine, l'inquiétude est montée d'un cran dans cette commune boisée, en lisière de forêt. "Nous sommes une petite nation, on a besoin de cette sécurité", affirme une habitante. D'autres cherchent encore à se montrer optimistes, ne voulant pas croire que le scénario du front ukrainien puisse se reproduire sur le sol finlandais. "Bien sûr, c'est une situation qui fait peur, mais on veut croire que tout ira bien. Ici, on a toujours eu une bonne relation avec les Russes", souligne Sari Lehtonen, gérante d'un bar. 

Mais la Finlande a déjà connu la guerre contre le régime qui précédait celui de la Russie, l'URSS. Ancien grand duché russe, elle avait été envahie par l'Union soviétique en 1939, ce qui déclencha la "guerre d'hiver", qui courut jusqu'en 1940 et amputa le pays d'une partie de son territoire.

Vestige de cette opposition au bloc soviétique, la ligne Salpa s'étend sur 1000 km de tranchées et de fortifications tout au long de la frontière, à seulement 20 km du voisin russe. Impossible pour les visiteurs d'aujourd'hui de ne pas y voir des similitudes avec l'offensive russe contre Kiev. "On doit apprendre de l'histoire, mais je garde l'espoir que tout finira bien", lance l'un d'eux depuis le site d'Hostikka, dans le sud du pays.

Loin de la frontière, dans les rues d'Helsinki, la capitale, le choix du pays d'abandonner sa neutralité n'est pas surprenant pour la majorité des habitants. "On fait déjà partie de l'Union européenne, on est un pays occidental, c'est naturel pour nous de rejoindre l'Otan", juge un résident. Près de trois quarts des Finlandais soutiennent cette candidature d'adhésion à l'Otan, mais l'inquiétude persiste pour une partie de la population, qui voit là seulement une provocation envers la Russie. "C'est une mauvaise idée. La Russie a été claire : si la Finlande rejoint l'Otan, il y aura une réponse", s'alarme une habitante. 

Avant l'annonce de la Finlande ce dimanche, Moscou l'avait déjà menacée de représailles "militaro-techniques", sans préciser lesquelles, et, dans la nuit de vendredi à samedi, elle a arrêté de fournir de d'électricité à sa voisine. À noter également : la volonté de l'Ukraine d'entrer dans l'Otan avait été brandie au départ par le Kremlin pour justifier son offensive dans le pays. Mais la Finlande assure ne pas croire à une opération militaire : "les Finlandais peuvent dormir tranquilles", a affirmé le ministre de la Défense Antti Kaikkonen. Mais tout de même, le pays prévoit d'augmenter son budget consacré à la défense de 40%.


M.L | Reportage TF1 Ignacio Bornacin et Vincent Abellaneda

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