Guerre en Ukraine : course contre la montre pour préserver la mémoire architecturale du pays

F.S.
Publié le 30 mai 2022 à 8h57

Source : Le 9h/12h

Les bombardements russes prennent des vies, mais endommageant aussi de nombreux immeubles historiques.
Les services culturels cherchent à conserver leur mémoire à l'aide de scans en 3D.
Des ingénieurs français participent à ces opérations de sauvetage de l'histoire ukrainienne.

L'ingénieur français Emmanuel Durand, spécialiste de l'acquisition de données en 3D, franchit un enchevêtrement de poutres, marche sur d'innombrables gravats pour aller planter son scanner-laser, un trépied surnommé d'une tête pivotante, à un coin stratégique de la caserne de pompiers. Construit en 1887, l'édifice en briques rouges avec sa tour de surveillance est emblématique de la révolution industrielle de Kharkiv à la fin du 19e siècle, et a été très endommagé par les frappes russes.   

Avec son appareil, Emmanuel Durand "enregistre" le bâtiment sous toutes ses coutures. "Le scanner prend 500.000 points à la seconde", explique l'ingénieur, "sur cette station, on va avoir 10 millions de points. Ensuite, on va changer de station et faire tout le tour du bâtiment, extérieur comme intérieur". Le soir, il rassemblera toutes les données sur un ordinateur, "comme des pièces de puzzle", pour reconstruire virtuellement le bâtiment. Le résultat fini est une reproduction parfaite à 5 millimètres, qu'on peut ensuite tourner dans tous les sens, ou couper en tranches. 

Après des bombardements soutenus de la deuxième ville d'Ukraine par l'armée russe, la démarche de l'ingénieur français peut paraître dérisoire. Mais cela"permet de fixer dans l'histoire la situation physique du bâtiment", explique-t-il, "et ça peut servir pour voir ce qui a bougé pour la sécurité. Pour aider à voir ce qu'on peut restaurer ou non, mais aussi pour des aspects muséographiques" ou historiques, poursuit-il. Bénévole, Emmanuel Durand est accompagné d'architectes, d'ingénieurs, de spécialistes de bâtiments historiques et d'un directeur de musée, avec qui il se déplace dans les zones accessibles de Kiev, Lviv, Tcherniguiv, et Kharkiv.

350 édifices historiques ukrainiens endommagés ou détruits

Rien qu'à Kharkiv, quelque 500 bâtiments sont répertoriés comme ayant un intérêt historique, la plupart dans le centre-ville. Une centaine d'entre eux ont été touchés, alors que plus de 350 édifices historiques ont été endommagés ou détruits dans le pays depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Culture. Si la contre-offensive ukrainienne a permis de desserrer l'étau russe autour de Kharkiv, des obus tombent encore régulièrement jusqu'au centre de la ville. 

"La culture, c'est la base de tout", explique Tetyana Pylyptchouk, directrice du musée littéraire de Kharkiv, pour justifier ces opérations d'enregistrement du patrimoine architectural. "Si la culture s'était répandue comme il le fallait, probablement que les gens ne seraient pas en train de mourir et qu'il n'y aurait pas eu de guerre", estime-t-elle.  


F.S.

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