Pourquoi la France rechigne à envoyer des chars Leclerc à l'Ukraine

Publié le 20 janvier 2023 à 13h11

Source : JT 20h WE

La France planche sur l'éventuel envoi de chars Leclerc pour soutenir l'allié ukrainien.
Problème : au-delà du message envoyé à Moscou, le parc est limité, de nombreux engins étant également en cours de rénovation.

"Contre des milliers de chars de la Russie (...), le courage de notre armée et la motivation du peuple ukrainien ne suffisent pas". Comme c'est le cas depuis plusieurs mois maintenant, Volodymyr Zelensky a réclamé cette semaine la livraison de tanks auprès des Occidentaux. Réunis sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne, ces derniers devraient – sauf surprise – se prononcer sur cet épineux sujet, véritable serpent de mer depuis le début du conflit.

Selon Kiev, mais aussi de nombreux experts, des chars lourds modernes et de conception occidentale permettraient de peser dans les batailles qui s'annoncent à l'est de l'Ukraine, où la Russie reprend l'offensive après avoir subi de lourds revers depuis septembre. Problème : les Occidentaux craignent que Kiev ne provoque une escalade en usant de ces armes pour frapper en profondeur le territoire russe et les bases aériennes et navales de Crimée, une péninsule annexée en 2014 par Moscou.

"Maîtriser l'escalade"

Cette crainte a d’ailleurs été évoquée publiquement par Sébastien Lecornu. Mercredi, le ministre des Armées a expliqué au Sénat la position de la France en la matière. "Nous instruisons la demande de chars Leclerc sur la base des critères que nous retenons pour chaque cession. Premièrement, qu’elle réponde à une logique défensive, pour maîtriser l’escalade. Deuxièmement, qu’elle ne détériore pas notre modèle de sécurité et de défense […]. Troisièmement, le maintien en condition opérationnelle de ce qui a déjà été livré à l’Ukraine".

En outre, le ministre a observé que la maintenance des Leclerc "est une question très sensible". Et pour cause : ce char de 56 tonnes est devenu au fil des ans précieux. En service depuis 1993, le Leclerc n'est plus produit depuis 2008. Au total, 406 exemplaires ont été mis en service pour la France (et 388 pour les Émirats arabes unis). Sauf que tous ne sont pas en état de marche : il n'en reste "que" 222. Et certains sont en cours de rénovation : la semaine dernière, l'industriel Nexter a fait savoir que le ministère des Armées a passé commande de 50 chars Leclerc rénovés supplémentaires.

La modernisation du Leclerc comprend le traitement d'obsolescences de son moteur, le renforcement de sa protection par un surblindage de son plancher contre les engins explosifs et de ses flancs ou encore l'ajout "d'un tourelleau téléopéré de 7,62 mm", c'est-à-dire d'une mitrailleuse commandée depuis l'intérieur du char. Il sera également équipé d'un nouveau système d'information de combat Scorpion et d'un système radio à haut débit permettant son intégration dans un système de "combat collaboratif", où tous les soldats et équipements sont mis en réseau pour démultiplier leur force.

Si ces avancées technologiques permettent à l'armée française de s'appuyer sur le Leclerc pour les prochaines années, le calendrier semble de facto incompatible avec les besoins de Kiev. Surtout que, pour être efficace sur un terrain de guerre, les Leclerc ne peuvent être livrés au compte-goutte : pour composer une compagnie, il faut trois pelotons de quatre chars et un char de commandement. Un bataillon ? Cela représente 40 blindés.


Thomas GUIEN

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