Séisme en Turquie et en Syrie : plus de 40.000 morts

"Elle devait être solide" : après le séisme en Turquie, des promoteurs immobiliers sous le feu des critiques

par M.L (avec AFP) | Reportage TF1 Léa Merlier, Bixente Hacala et Frédéric Mignard
Publié le 13 février 2023 à 7h00, mis à jour le 13 février 2023 à 16h26
JT Perso

Source : JT 20h WE

Suite au tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie, le bilan dépasse déjà plus de 33.000 morts.
Des milliers de bâtiments se sont effondrés en quelques minutes, dont des constructions très récentes.
Une douzaine de promoteurs turcs ont été arrêtés, soupçonnés de ne pas avoir respecté les normes antisismiques pourtant obligatoires dans cette région si instable.

De l'immeuble le plus luxueux de la ville, il ne reste que des montagnes de gravats et le squelette des armatures du rez-de-chaussée. À Antakya, dans le sud de la Turquie, il a fallu seulement 80 secondes pour cette tour de douze étages et ses 250 appartements basculent, incapable de résister à la violence du séisme qui a frappé le pays, lundi à l'aube. Sur le millier d'habitants qui y vivaient, seules quelques dizaines de noms figurent sur une courte liste de survivants, accrochée à l'entrée de la résidence, nommée par un triste hasard "Rönesans" (Renaissance). "Mon ami était à l'intérieur, je cherche son nom. Je ne le vois pas", constate un jeune homme, les yeux rivés sur les feuilles, dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.

Les résidents ont été ensevelis dans l'effondrement du bâtiment. Parmi eux, le footballeur ghanéen Christian Atsu, toujours pas retrouvé selon ses proches, ou encore les parents d'un jeune homme, Mustafa, qui se trouvent encore sous les décombres. Pourtant, le couple avait fait de ce logement l'investissement de leur vie. "Ce n'est plus qu'un cimetière maintenant. Je suis en colère, mais je ne sais pas contre qui", souffle leur fils, le regard éteint. Derrière lui, une pelleteuse s'active au milieu des déblais. "Ils avaient choisi cette résidence parce qu'elle devait être solide et résister aux tremblements de terre", explique son cousin Hasan. "C'est ce qui leur avait été dit, mais malheureusement, ce n'était pas vrai."

La résidence, qui promettait des services haut de gamme, avec piscine et parking privé, a été achevée il y a dix ans seulement, en 2013. Dans le quartier où elle a été implantée se trouvent également des centaines d'immeubles semblables, de dix étages et plus, mais ils sont presque tous encore debout après le séisme. "Rönesans" est l'un des seuls à s'être effondré.

"Le sol n'aurait pas dû s'affaisser comme cela"

"La Turquie suit des codes sismiques en théorie avec un niveau élevé", expliquait vendredi sur LCI Boris Weliachew, architecte et ingénieur spécialiste des risques majeurs. Ankara a adopté une série de normes et de régulations régulièrement révisées, mais les nouveaux bâtiments peuvent présenter "une mise en œuvre de mauvaise qualité", signalait l'expert. Selon des ingénieurs et des architectes, les bâtisseurs parviennent à contourner les règles en confiant les contrôles à des sociétés privées, avec qui ils négocient un contrat à l'amiable, qui puisse leur laisser une grande latitude.

Soupçonné de ne pas avoir respecté les lois de construction antisismiques de la région, le promoteur immobilier du site, Mehmet Yasar Coskun, a été arrêté à l'aéroport d'Istanbul, alors qu'il tentait de fuir le pays. Une scène immortalisée dans une vidéo sur laquelle le maître d'ouvrage se voit passer les menottes. Sa photo est relayée partout dans le pays, où la colère monte contre les mafias du bâtiment, un ressentiment dont la presse et les réseaux sociaux se font écho. 

Capture TF1

Au point que les autorités multiplient les arrestations et les mandats d'arrêt : en sept jours, trois personnes ont été écrouées, sept interpellées, dont deux autres promoteurs qui tentaient de s'échapper en Géorgie, et 114 sont toujours recherchées, a annoncé le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag. Au total, 134 enquêtes ont été lancées depuis la catastrophe, bien que les mauvaises pratiques soient dénoncées de longue date déjà en Turquie.

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À Antakya, les ingénieurs dépêchés pour déblayer les décombres acceptent de parler, mais pas à visage découvert. "Nous avons creusé sur un mètre, et après les pierres, il n'y avait que du sable", glisse l'un d'eux. Selon eux, un immeuble aussi grand n'aurait jamais dû être construit sur cette parcelle. "Le sol n'aurait pas dû s'affaisser comme cela, ça nous montre qu'il y a un problème. La terre est trop friable ici", explique un expert. Dans sa déposition, le promoteur de la résidence Renaissance a pourtant rejeté les accusations portées contre lui et ses associés. Le maire de l'époque, Seyfettin Yeral, a confirmé au site d'information T24 avoir délivré un permis de construire mais "le contrôle a été fait par une société privée", selon lui. 

Des experts sont attendus pour analyser les matériaux de construction de la résidence, quand les recherches seront terminées. Pour l'heure, les familles rassemblées autour de l'immense bloc de béton attendent et continuent encore d'espérer. Sept jours après la catastrophe, quelque 800 résidents sont toujours portés disparus. 


M.L (avec AFP) | Reportage TF1 Léa Merlier, Bixente Hacala et Frédéric Mignard

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