Iran : que sait-on de la police des mœurs, mise en cause après la mort de Mahsa Amini ?

TG
Publié le 20 septembre 2022 à 14h21

Source : TF1 Info

De nouvelles manifestations ont eu lieu lundi en Iran, notamment à Téhéran et à Mashhad.
La mort d'une jeune femme, détenue par la police des mœurs, a mis le feu aux poudres.
Cette unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict pour les femmes cristallise les reproches au sein de la société.

L'Iran sous tension. Des manifestations ont essaimé lundi en Iran, notamment à Téhéran, où une foule de plusieurs dizaines de personnes a crié "mort à la République islamique". À l'origine de cette colère : le décès de Mahsa Amini, une jeune femme tombée dans le coma après son arrestation pour "port de vêtements inappropriés" le 13 septembre dernier. Mais aussi la rancœur grandissante au sein de la population vis-à-vis de la police des mœurs. 

Depuis la révolution iranienne de 1979, c'est elle qui veille à la stricte application de la loi dans les rues. Les femmes doivent en effet se couvrir les cheveux en public à partir de l'âge de sept ans. Et ce, quel que soit leur confession ou leur nationalité. Celle qui ne le font pas sont considérées comme criminelles. Les restrictions ne s'arrêtent pas là : il est également interdit de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés et des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives, entre autres. 

"Le voile ou la bastonnade"

Au fil des décennies, ces règles ont été appliquées avec plus ou moins de souplesse en Iran. En 1979, le nouveau pouvoir a d'abord dû faire machine arrière dans sa volonté de rendre le port du voile obligatoire, et l'imposition s'est faite graduellement. Le milieu de la décennie 1980 voit le développement d'une politique coercitive pour généraliser le "bon hijab". C'est l'époque du "voile ou (de) la bastonnade". Des escouades de femmes en noir de la police des mœurs arpentent les rues pour corriger les contrevenantes.

La définition du "bon hijab" n'est guère précise. Selon une acception courante, les femmes doivent se voiler dans l'espace public et porter un vêtement ample plus ou moins long. Dès la décennie 1990, les femmes ont commencé à jouer avec les règles pour s'en affranchir. Après l'élection, en 2013, du président Hassan Rohani, modéré, la police des mœurs a largement disparu des rues. Le tchador était souvent troqué pour des pantalons et un semblant de foulard, coloré, qu'il n'était pas rare de voir totalement rabattu sur les épaules.

Lutter contre "l'immoralité"

Mais à partir de 2016, nouveau changement de ton : quelque 7000 indicateurs en civil, hommes et femmes, sont embauchés pour sillonner les rues de la capitale. Objectif ? Lutter contre "l'immoralité", en rapportant à la police "le mauvais port du voile, les nuisances sonores, le harcèlement des femmes et le non-respect du port du voile dans les voitures".

"La police des mœurs surveille l’ensemble de la population féminine, soit 40 millions de femmes et de filles. Ses agents parcourent la ville en voiture pour examiner la tenue des femmes : ils évaluent scrupuleusement le nombre de mèches de cheveux qu’elles laissent apparaître, la longueur de leur pantalon et de leur manteau, et la quantité de maquillage qu’elles ont appliquée", soulignait en 2019 Amnesty International. Selon l'ONG, "le fait d’être vue en public sans foulard peut entraîner diverses sanctions : arrestation, peine d’emprisonnement, flagellation ou amende, au seul motif que l’intéressée a exercé son droit de choisir comment s’habiller."

L'arrivée du conservateur Ebrahim Raïssi au pouvoir, en 2021, n'a pas amélioré la condition des femmes en Iran. Et les interventions de la police des mœurs se sont multipliées : en juillet dernier, une vidéo filmée avec un téléphone a été partagée sur les réseaux sociaux. On y voit une femme qui bloque le chemin à un véhicule de la police des mœurs, implorant les agents de libérer sa fille, qui, selon elle, est "malade". Autre exemple : dans la ville sainte de Machhad (nord-est), les autorités ont interdit aux femmes ne portant pas le voile d'avoir accès au métro et trois cafés ayant accueilli des clientes non voilées dans la ville de Qom (nord) ont été fermés. Deux mois plus tard, c'était au tour de Mahsa Amini de tomber entre les mains de l'unité spéciale. Le drame de trop ?


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