Un très grand nombre de cadavres de civils ont été découverts dans les territoires libérés autour de Kiev.Human Rights Watch recense et recoupe ces possibles "crimes de guerres" perpétrées par l'armée russe.L'ONG justifie sur LCI la nécessité urgente d'ouvrir une enquête internationale sur ces atrocités.
Y a-t-il eu des "crimes de guerre" en Ukraine ? À la faveur du retrait rapide des troupes russes, la libération de la région de Kiev s'accompagne de la découverte de possibles exactions contre les civils. "410 corps de civils morts ont été évacués des territoires libérés" autour de la capitale ukrainienne, a annoncé, dimanche 3 avril, la procureure générale, Iryna Venediktova. Dans plusieurs localités, comme à Boutcha, à 30 km de Kiev, les images de dizaines de cadavres jetés dans des fosses communes ou éparpillés dans les rues, les mains attachées ou tuées d'une balle dans la tête, laissent penser que l'impardonnable a été commis.
Indigné par ces atrocités, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a accusé les dirigeants russes de "tortures" et de "meurtres", fustigeant les troupes russes composées, selon lui, de "meurtriers, tortionnaires, violeurs, pilleurs". Ces images ont aussi révulsé les Occidentaux, l'Otan dénonçant des actes "horribles" et "absolument inacceptables" de l'armée russe. Ce que Moscou a démenti "catégoriquement", évoquant "une nouvelle production du régime de Kiev pour les médias occidentaux".
Des viols et des exécutions sommaires
Une version remise en cause par Human Rights Watch. L'ONG de défense des Droits de l'homme affirme avoir "documenté plusieurs cas de violations des lois de la guerre" à l'encontre de civils dans les zones autrefois occupées de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev. L'association explique avoir recoupé, daté et contextualisé des dizaines de témoignages de viols et d'exécutions sommaires constitutifs de "crimes de guerre". "Parmi ces incidents figurent notamment un viol répété ; des exécutions sommaires, de six hommes dans un cas, et d'un autre homme dans un cas distinct ; ainsi que d'autres cas de violence illégale et de menaces visant des civils entre le 27 février et le 14 mars 2022", détaille-t-elle dans un rapport.
Personne ne passera entre les mailles du filet
Philippe Dam, directeur du plaidoyer auprès de la division Europe à Human Rights Watch
Certains témoignages, recueillis par l'ONG, relatent même des exactions contre des civils à Boutcha. "Le 4 mars, les forces russes (...) ont appréhendé cinq hommes et ont exécuté sommairement l'un d'entre eux", poursuit-elle. "Un témoin a déclaré à Human Rights Watch que des soldats avaient forcé les cinq hommes à s'agenouiller au bord de la route, leur couvrant la tête à l'aide de leurs t-shirts et tirant sur l'un d'entre eux derrière la tête. 'Il (s'est effondré)', a déclaré le témoin."
"Les images qui commencent à émerger de Boutcha et Irpin sont très cohérentes avec les témoignages que nous avons pu recueillir. (...) Ce sont des scènes de crimes. On n'est plus dans une situation de guerre normale entre acteurs militaires. On est dans une situation où des civils ont été pris pour cibles et touchés par des actes militaires de manière indiscriminée", affirme Philippe Dam, directeur du plaidoyer auprès de la division Europe à Human Rights Watch, joint par LCI, lundi 4 avril.
D'où l'ouverture d'une enquête internationale pour "crimes de guerre" réclamée par l'ONG. "La situation en Ukraine se prête à une enquête approfondie parce que nous sommes dans un conflit où il y a énormément d'images et de documents sur ce qu'il s'est passé dans ces zones", justifie-t-il. "Une enquête crédible et indépendante ne pourra avoir lieu que si les preuves sont protégées et si on facilite au plus vite aux enquêteurs l'accès aux zones de crimes. (...) Il faut aller vite et avancer. Il est important d'envoyer le message qu'il n'y aura pas d'impunité pour les crimes commis. Ça doit être un message à long terme pour affirmer la justice et un message à court terme pour affirmer que personne ne passera entre les mailles du filet."