DOCUMENT - Depuis qu'ils ont repris le pouvoir en Afghanistan, plusieurs dirigeants talibans ont fait leur entrée publique dans Kaboul. L'émission "Sept à Huit", épaulée par une équipe de journalistes afghans, a pu suivre l'un d'entre eux.
Souriant aux journalistes, serrant des mains dans les rues de Kaboul, en plein cœur du mois d'août, trois jours après leur entrée dans la ville, les chefs de diverses factions talibanes semblent s'être lancés dans une vaste opération de séduction médiatique pour convaincre les Afghans et le monde qu'ils ont changé.
Le commandant Abdul Jana Mujahid, 26 ans, qui a grandi dans la guerre, est l'un d'eux. "La loi islamique va être restaurée en Afghanistan, c'est une bonne nouvelle pour les musulmans. L'alcool, toutes les mauvaises choses, maintenant, c’est terminé", lance-t-il face à la caméra dans le reportage de "Sept à Huit" en tête de cet article. À la tête d'une brigade de 120 hommes, il est aujourd'hui l'une des figures montantes de son mouvement et a accepté d'être suivi par une équipe de journalistes afghans dans cette reconquête de la capitale.
Des promesses alléchantes
Abdul Jana vient d'un petit village perdu dans les montagnes d'une province rurale, comme la plupart des autres combattants qui défilent dans la capitale sur fond de chants religieux. À bord de pick-up et de blindés américains, abandonnés par l'armée et la police, ils ont rapidement pris position devant les ambassades et autres bâtiments officiels. "Les talibans sont là pour les gens de Kaboul, pour apporter la paix dans cette ville. On va faire en sorte que tous les services fonctionnent correctement", annonce le commandant.
Mais ce ne sont pas les seules promesses alléchantes, une amnistie générale a également été décrétée, notamment pour les soldats et les policiers de la république afghane, en les appelant à retourner au travail. Certains habitants semblent avoir entendu cet appel et des policiers en charge de la circulation dans la capitale ont refait leur apparition dans les rues. Mais tout le monde n'est pas convaincu. Les Afghans, en particulier les femmes et les minorités religieuses, gardent le souvenir du très dur régime fondamentaliste qu'ils avaient instauré lorsqu'ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001, puis des dizaines de milliers de morts provoqués par leur insurrection les deux décennies suivantes.
Cléments avec les anciens ennemis
Dans un marché du centre-ville, le combattant a décidé d'aller à la rencontre des habitants. À Kaboul, la moitié de la population a moins de vingt ans et n'a jamais vécu sous le joug des talibans, alors beaucoup sont encore habillés à l'occidentale, ce qui pour le moment ne semble pas le gêner. "Comment vont les affaires", demande Abdul Jana. "Les prix sont en train de grimper", lui répond un jeune vendeur. "À part ça, nous n'avons aucun problème", enchaîne-t-il. Se voulant rassurant, le taliban lui confirme qu'en cas de besoin, il sera là.
Un peu plus loin, Abdul Jana est pressé de questions par deux jeunes inquiets pour leur avenir. "Quel est votre plan pour la police et la justice ?", s'enquièrent-ils. "Nous allons travailler dessus très vite", rétorque le taliban. Malgré ce visage modéré, leurs combattants sont pourtant accusés, dans certains endroits du pays, de brutaliser la population. "Nous sommes à Kaboul depuis quatre jours et n'avons rien vu de tel, c'est faux ; les talibans ne font de mal à personne", rétorque Abdul Jana. Et pour le prouver le combattant sunnite va faire l'impensable : il traverse la rue pour saluer des chiites, une branche de l'islam que les talibans exècrent depuis toujours. Mais cette fois, ils ont promis de se montrer cléments envers tous leurs anciens ennemis. "Il n'y aura pas de problème, personne ne vous créera d'ennuis. Nous vous protégerons", soutient ainsi Abdul Jana.
Pas convaincus
Tous ces engagements s'accompagnent aussi d'un avertissement : tout devra se faire en conformité avec leur propre interprétation de la loi islamique. Et personne n'a oublié les excès auxquels leur interprétation ultra-rigoriste de la charia les avaient menés sous leur précédent régime. Toutes les formes de divertissement (musique, télévision...) étaient interdites, les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public, les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier, et celles qui commettaient des crimes comme l'adultère étaient fouettées et lapidées à mort.
Leur retour au pouvoir a donc eu logiquement comme conséquence de vider les rues qui fourmillaient auparavant de vie. Les femmes se terrent chez elles, même si une poignée ont osé défier les maîtres de Kaboul en manifestant. Un coup d'épée dans l'eau, car aujourd'hui, la plupart de ces résistantes ont quitté le pays. Malgré des mois de campagne pour rassurer leurs compatriotes, les talibans sont donc encore loin de les avoir convaincus. Les journalistes et les personnes ayant travaillé pour des organisations internationales qui n'ont pas pu quitter le pays tremblent de peur à l'idée d'être victimes de représailles. Et ces dernières semaines, des dizaines de chaînes de télévision et de radios ont cessé de diffuser.
En attendant, du côté de la communauté internationale, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a prévenu les talibans qu'ils seraient "jugés sur les actes, pas sur les paroles", une position partagée entre autres par l'Allemagne, les États-Unis et la France.
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