Birmanie : la répression sanglante de la junte sous l'œil de "Sept à Huit"

TF1
Publié le 22 mars 2021 à 11h17, mis à jour le 22 mars 2021 à 20h59
"Sept à Huit" : Birmanie, une répression à huis clos
"Sept à Huit" : Birmanie, une répression à huis clos

EXCLUSIF - La Birmanie vit au rythme d'affrontements toujours plus violents entre les manifestants pro-démocratie et la junte militaire. Un jeune manifestant a accepté de filmer la répression de l'intérieur pour "Sept à Huit".

Depuis le coup d’État de la junte militaire pour renverser la dirigeante Aung San Suu Kyi le 1er février dernier en Birmanie, les manifestations s’intensifient et les forces de l’ordre ont de plus en plus recours à la force. Alors que les Birmans tentent de fuir désespérément vers la Thaïlande, près de 2.000 personnes ont été arrêtées et au moins 250 civils ont été tués. Pour les équipes de Sept à Huit, Aka, photographe de 20 ans, qui a décidé de rentrer de Thaïlande pour lutter contre la répression, a accepté de filmer les affrontements de l’intérieur.

Quand les lance-pierres défient les armes à feu

"Avec mes potes, on partage une piaule en ce moment pour participer à la résistance à Rangoun. On n’est pas de Rangoun, mais on est rentrés au pays exprès", explique-t-il, alors que lui et ses amis sont obligés d’emprunter des petits passages pour ne pas se faire arrêter par la police, qui est en embuscade. "La police et les soldats ciblent les gens qui sortent avec un appareil photo, ils les arrêtent, les frappent ou leur tirent dessus. Donc il faut faire attention et filmer uniquement avec nos téléphones et des GoPro", raconte le jeune homme.

Pour bloquer la progression des forces de l’ordre lors des protestations, Aka et ses amis manifestants installent des barrages de fortune, à l’aide de cages à poules, de tables ou encore de vieux frigos. Se voulant pacifistes, ces jeunes manifestants font face à la violence des forces de l’ordre, qui lancent des cartouches de gaz lacrymogène, des grenades de désencerclement, mais surtout tirent à balles réelles dans les rues. En face, les manifestants répliquent avec des moyens dérisoires, avec des armes comme des frondes ou des lance-pierres.

Il faut être patient, non-violent, continuer le mouvement de blocage et on va gagner.
Aka, manifestant birman de 20 ans.

"Je ne sais pas comment cela va tourner, mais on va lutter, on ne va pas laisser tomber. Il faut être patient, non-violent, continuer le mouvement de blocage et on va gagner", martèle Aka. La nuit, le jeune homme et ses amis restent calfeutrés dans des arrière-boutiques cachées, fuyant la répression qui s’intensifie une fois le soleil couché, les soldats envahissant les rues après le couvre-feu et organisant des rafles d’habitants, extirpés de leurs domiciles. Alors que Rangoun grouille habituellement de monde, les marchés sont désormais vides, les distributeurs sont à sec et les transports sont arrêtés.

Pour montrer à la population que personne n’est intouchable, la junte s’attaque également aux stars, à l’instar de Po Po, chanteuse et actrice birmane extrêmement influente du haut de ses cinq millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. La semaine dernière, la jeune femme a échappé de peu à une arrestation, la police forçant la porte de son domicile alors qu’elle n’y était pas. Si sa sœur était présente, les forces de l’ordre ont dû quitter les lieux, les voisins de la chanteuse arrivant en masse pour protester contre son arrestation. Désormais, la star change d’adresse chaque nuit pour éviter d’être arrêtée.

La prochaine balle peut être pour ma tête, c’est trop cruel pour un jeune de 22 ans.
Bunaso, étudiant et manifestant birman de 22 ans.

Au même titre que les jeunes manifestants, les reporters sont des cibles privilégiées de la junte militaire, une vingtaine ayant été emprisonnés depuis le début de la répression. Ces derniers travaillent désormais clandestinement, les médias indépendants étant interdits. "À partir du 26 février, lorsque l’armée a commencé à tirer à balles réelles, ma mère m’a supplié de ne plus aller sur le terrain. Mais je suis trop déterminée, c’est ma façon de résister. Je dis à ma famille que je ne couvre pas les manifestations, je leur mens pour les rassurer", explique Nien, reporter à Mandalay.

Pour Bunaso, jeune étudiant de 22 ans en relations internationales devenu manifestant, "c’est effrayant de quitter la maison le matin". "Quand on est gamin, on veut être médecin, soldat, policier. Aujourd’hui, tous ces gens en uniforme qu’on a dehors, ils nous tuent. J’ai envie de dire au président français : 'Emmanuel, merci d’avoir posté sur Facebook un message en langue birmane.' Cela nous a surpris, nous a encouragé. Mais la prochaine balle peut être pour ma tête, c’est trop cruel pour un jeune de 22 ans, et d’autres encore plus jeunes que moi", se désole le jeune homme, alors que les manifestants pro-démocratie ont une nouvelle fois défilé dans la nuit de samedi à dimanche.


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