La justice a estimé ce mardi que TotalEnergies respectait les droits humains et environnementaux dans son projet de forage en Ouganda, déboutant ainsi les ONG qui s'y opposent.L’installation d’un oléoduc et de 426 puits de pétrole fait polémique depuis plusieurs années.Il faut dire qu'avec 130.000 barils qui y seront produits chaque jour, l’empreinte environnementale du projet est considérable.
Un mégaprojet qui inquiète les ONG. Au cœur de l’Ouganda, en Afrique de l’Est, TotalEnergies se prépare à exploiter 426 puits de forage de pétrole d’ici à deux ans. Un tiers des puits sont situés dans le parc protégé des Murchison Falls, le plus vaste et le plus visité du pays pour la richesse de sa faune et sa flore. Face aux critiques, le géant français nous a ouvert les portes de ce chantier à dix milliards d’euros. "Là, nous arrivons sur un wellpad. Un wellpad, c’est un regroupement de puits", explique Cheick-Omar Diallo, le porte-parole du groupe chargé de nous escorter.
Tout au long de la visite, l'entreprise va s’évertuer à nous montrer que ce projet ne se fait pas au détriment de l’environnement et de la population locale. "Sur ce parc, nous nous sommes engagés à avoir un impact positif. Pour ça, nous allons investir massivement dans des opérations de reforestation et nous nous sommes même engagés à augmenter à la fois la population des lions et des éléphants, par rapport à la capacité de ce parc, et même à réintroduire une espèce qui est en voie de disparition, qui est le rhinocéros noir", poursuit Cheick-Omar Diallo.
Premier argument : TotalEnergies assure qu’une fois l’exploitation achevée dans une vingtaine d’années, tout redeviendra comme avant. Ces puits seront déployés dans une infime partie du parc, moins de 0,05% de sa surface. Ils promettent que la savane reprendra ses droits. Pour nous le démontrer, ils nous emmènent sur un ancien site de forage dont il ne reste qu’une borne. "Voilà ce qu’il reste. Le site est aujourd’hui restauré. Comme vous pouvez le voir, la végétation a repoussé comme à l’origine et les animaux viennent se nourrir ici. Nous n’avons relevé aucun incident, aucun animal mort", déclare Abraham Ochola, superviseur de terrain environnement et biodiversité en Ouganda.
"Des intimidations, du harcèlement"
À l’extérieur du parc, pour mener à bien son mégaprojet, TotalEnergies a racheté des terres agricoles, détruit des maisons. 100.000 personnes sont concernées. Parmi elles, 5000 sont à reloger. Là encore, le groupe veut nous montrer des maisons flambant neuves avec l’eau et l’électricité payées par le groupe. Alfred et ses enfants sont déjà installés. "Ici, c’est une maison fabriquée en dur. Au moins, il n’y a pas d’eau qui rentre quand il pleut", sourit ce dernier.
Pour les terres agricoles, des compensations financières ont été proposées. Mais certains agriculteurs les jugent insuffisantes. "Voilà le document de Total et là, voilà ma demande. Je ne voulais pas de compensation en argent, je voulais une maison comme celle que j’avais avant", peste Jealousy Mugisha, dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article. La requête lui a été refusée et, aujourd’hui, l'homme se considère spolié. "Ils ne m’ont proposé que douze millions de Shillings, soit 3000 euros. Donc j’ai refusé", ajoute-t-il, prétendant avoir subi des menaces depuis. "Il y a des intimidations, du harcèlement... Tu sais, j’ai peur pour ma vie. Nous n’avons pas eu le choix. Il fallait partir."
Un projet soutenu par les autorités ougandaises
Le gouvernement ougandais soutient ce projet et n’ignore pas que l’exploitation du pétrole va à l’encontre de toutes les recommandations des experts pour limiter le réchauffement climatique, mais assume. Ce gisement doit rapporter dix milliards d’euros par an à l’Ouganda. "Pour nous, ça va changer la donne. Nous allons pouvoir construire plus d’écoles, plus d’hôpitaux et améliorer le quotidien des Ougandais", affirme Ali Ssekatawa, directeur des affaires juridiques et corporatives, autorité pétrolière de l’Ouganda.
Le projet génère des dizaines de milliers d’emplois, occupés à 90% par des Ougandais, comme sur le site de la future usine de traitement du pétrole. "On doit aussi bien les former en termes de sécurité qu’en termes de compétences techniques. Ce ne sont pas des gens qui arrivent, qu’on a récupéré et qu’on envoie comme ça faire les travaux sans qu’ils aient de formation", assure le responsable construction.
34 millions de tonnes de CO2
Quelque 130.000 barils y seront produits chaque jour, soit l’équivalent de 10% de la consommation de pétrole quotidienne en France, pour un bilan carbone de 34 millions de tonnes de CO2, soit douze millions d’allers-retours Paris-New-York. "Si ce n’est pas l’Europe qui fait ce projet aujourd’hui, ce sera d’autres, c’est certain, et qui n’auront certainement pas les mêmes standards", poursuit le responsable construction.
Le chantier est compliqué. L’Ouganda est enclavé sans accès à la mer. Le pétrole doit donc être acheminé par un oléoduc de 1443 kilomètres, chauffé à 50 degrés, jusqu’en Tanzanie. Un pipeline qui va traverser plusieurs zones protégées avec des risques pour l’environnement. "L’impact, c’est bien sûr les risques de fuites pétrolières, aussi la consommation d’eau qui est pompée du lac Albert, et on voit déjà avant même que les puits commencent des éléphants qui sortent du parc parce qu’ils sont déplacés de leur habitat naturel", déplore Juliette Renaud, responsable de campagne Régulation des multinationales et lobby, les amis de la Terre, l'une des ONG déboutées ce mardi par le tribunal de Paris, qui a jugé leurs demandes "irrecevables".
Des associations, qui peuvent faire appel et "se réservent sur les suites à donner à cette décision, en consultation avec les communautés affectées", a réagi Juliette Renaud. En attendant, les travaux continuent en Ouganda. La livraison du pétrole, elle, doit démarrer en 2025, et ce pour une vingtaine d’années.
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