Quelque 23 millions de personnes pourraient être touchées par les séismes qui ont secoué la Turquie et la Syrie lundi et déjà fait plus de 5000 morts.La communauté internationale et les ONG se sont rapidement mobilisées pour proposer leur aide.Mais sur le terrain, l'intervention des différents acteurs révèle plusieurs défis de taille.
23 millions. C'est le nombre de personnes qui pourraient être touchées par le séisme, suivi de puissantes répliques, qui a secoué le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie, a indiqué mardi l'OMS, promettant son soutien sur le long terme après l'envoi d'aide d'urgence. Outre les milliers de blessés et de sans abri, ces tremblements de terre ont tué plus de 5000 morts dans les deux pays, selon un bilan encore provisoire. Dès lundi, la communauté internationale s'est mobilisée pour la Turquie, acheminant sans délai l'aide d'urgence. Des pays comme la France, l'Allemagne ou les États-Unis ont également promis de secourir les victimes syriennes sans pour autant déclencher immédiatement les secours.
Mais le contexte dans lequel intervient cette catastrophe naturelle démultiplie le défi posé aux organisations humanitaires et aux pays occidentaux, du fait de conditions météorologiques particulièrement rudes, de la course contre-la-montre qui est enclenchée, mais aussi pour venir en aide à la population syrienne, en particulier dans la zone rebelle d'Idleb, dans le nord-ouest du pays.
Un bureau dédiée à la coordination à l'ONU
En cas de catastrophes naturelles comme celle qui touche la Turquie et la Syrie depuis lundi, pour faire face à l'urgence et aux efforts de reconstruction, l'action des Nations Unies est coordonnée par le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), rappelle l'organisation internationale sur son site. À la demande du gouvernement frappé par la catastrophe, l'OCHA peut offrir au pays une équipe d’évaluation de la catastrophe et de coordination (UNDAC) dans les 12 à 48 heures qui suivent le début du sinistre, afin de fournir services techniques, principalement dans l’évaluation des dommages et des besoins, la coordination sur place et la gestion de l’information. Une équipe dédiée permet alors d'établir un lien étroit entre les divers acteurs et les différents efforts fournis au niveau local, régional et international.
Les Nations Unies peuvent également établir un Centre de Coordination des Operations sur place (OSOCC) afin d’aider les autorités locales du pays affecté par la catastrophe à coordonner les secours internationaux.
Le froid et la neige rendent la tâche encore plus difficile
Outre le défi logistique lié à l'ampleur de la catastrophe pour coordonner l'intervention des secours sur place, viennent s'ajouter des conditions météorologiques particulièrement rudes. Les séismes surviennent en effet dans un contexte où des milliers d’enfants et familles sont déjà très vulnérables, notamment en raison de l'hiver rigoureux dans la région frappée.
Dans les deux pays, les secours continuent de s'activer dans le froid glacial, sous une pluie battante voire même sous la neige, parfois à mains nues, pour sauver chaque vie qui peut l’être. En plus de compliquer la tâche des secours, le mauvais temps complique davantage encore le sort des rescapés, grelottant sous des tentes ou autour de braseros improvisés.
Une course contre-la-montre enclenchée
"Nous mobilisons des matériels d'urgence et nous avons activé le réseau d'équipes médicales d'urgence de l'OMS pour fournir des soins de santé essentiels aux blessés et aux personnes les plus vulnérables", a de son côté expliqué le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant qu'une cartographie des dommages est en cours, afin de comprendre où l'OMS doit concentrer son attention. "C'est maintenant une course contre-la-montre. Chaque minute, chaque heure qui passe, les chances de retrouver des survivants vivants diminuent", a-t-il affirmé, se disant "particulièrement préoccupé par les zones où nous n'avons pas encore d'informations".
"Les répliques sismiques, la rigueur des conditions hivernales, les dégâts causés aux routes, à l'alimentation électrique, aux communications et aux autres infrastructures continuent d'entraver l'accès et les autres opérations de recherche et de sauvetage", a rappelé le chef de l'OMS. "Nous travaillerons en étroite collaboration avec tous les partenaires pour soutenir les autorités de Turquie et de Syrie, dans les heures et les jours critiques à venir, ainsi que dans les mois et les années à venir, alors que les deux pays se rétablissent et se reconstruisent", a-t-il ensuite dit. Il a annoncé l'envoi de "trois vols charters dans les deux pays" avec des matériels médicaux, y compris des trousses chirurgicales, depuis la plateforme logistique humanitaire de Dubaï.
Un impact psychologique inédit
En Syrie, la catastrophe intervient en outre dans un contexte de grande précarité économique pour de nombreuses familles ayant vécu 12 ans de guerre. "Le nombre de morts et de blessés ne cesse d’augmenter. De nombreuses familles sont bouleversées, déplacées dans la rue. C’est la panique mais aussi chez les enfants. Le gouvernement syrien a fermé les écoles et les universités pour aujourd’hui afin de s’en servir comme abris", réagit Angela Kearney, représentante de l’UNICEF en Syrie. "L’impact psychologique sur les personnes que nous avons rencontrées est inédit car il s’agit de la catastrophe naturelle la plus grave jamais observée, non seulement en termes d’impact émotionnel mais aussi en termes de flux de déplacement", explique-t-elle.
L'aide à ce pays est d'autant plus cruciale que "la situation de la population était déjà dramatique", renchérit le professeur Raphaël Pitti, un responsable de l'ONG française Mehad.
Le défi d'Idleb
Le défi posé aux organisations humanitaires est particulièrement de taille pour venir en aide à la population de la zone rebelle d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie. L'un des problèmes majeurs est l'accès à ce dernier grand bastion tenu par les rebelles et les djihadistes, qui compte 4,8 millions de personnes, estime Raphaël Pitti. Il redoute que sa population "qui compte 2,8 millions de réfugiés", soit laissée pour compte, d'autant que les autorités turques ont elles-mêmes fort à faire avec leurs propres zones dévastées. La quasi-totalité de l'aide humanitaire y est acheminée depuis la Turquie par Bab al-Hawa, l'unique point de passage, obtenue par résolution des Nations Unies.
Marc Schakal responsable du programme Syrie de Médecins sans Frontières redoute lui aussi que les ONG locales et internationales ne soient dépassées dans un pays ravagé par douze années de guerre civile, mettant aux prises rebelles, dont certains instrumentés par des puissances étrangères, djihadistes, forces kurdes, et l'armée du gouvernement de Bachar al-Assad, soutenu par l'Iran, la Russie, et mis au ban des nations. "La Syrie reste une zone d'ombre d'un point de vue légal et diplomatique", observe-t-il exhortant à envoyer de l'aide "au plus vite".
"Les accès à partir de la Syrie existent, ils peuvent se coordonner avec le gouvernement et nous serons prêts à le faire", a de son côté fait valoir Bassam Sabbagh, ambassadeur syrien aux Nations unies, rejetant en creux la possibilité d'acheminer de l'aide par des points transfrontaliers.
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