VIDÉO - Ballons espions : quels pays les utilisent et pourquoi ?

par Matthieu DELACHARLERY Reportage vidéo TF1 Benoît Christal et Pascal Marcelin
Publié le 15 février 2023 à 12h59, mis à jour le 15 février 2023 à 14h04

Source : JT 20h Semaine

Quatre aéronefs ont été abattus ces derniers jours au-dessus des États-Unis et du Canada.
Décrit par Washington comme un ballon "espion", l'un d'eux, au moins, appartenait à la Chine.
À quoi servent ces objets volants, sont-ils plus efficaces que les satellites et qui les utilisent ?

Quatre aéronefs - dont l'un décrit par Washington comme un ballon "espion" chinois, fonctionnalité que Pékin dément - ont été abattus au-dessus des États-Unis et du Canada en moins de dix jours, sur ordre du président Joe Biden. Après cette démonstration de force, la Maison Blanche a toutefois reconnu ce mardi que les trois objets abattus en fin de semaine dernière étaient peut-être des "ballons avec des fonctions commerciales ou scientifiques inoffensives". Bien que ces engins volants soient le plus souvent utilisés par les météorologues, ils peuvent aisément être détournés de leur fonction initiale et ainsi servir d'outils de surveillance. Quels avantages apportent-ils alors en termes d'espionnage ? Sont-ils plus efficaces que les satellites en orbite ? Et quelles sont les pays qui les utilisent ? On fait le point. 

Quels avantages en termes d’espionnage ?

Naviguant à haute altitude, entre 20 et 40 km au-dessus du plancher des vaches, de tels ballons peuvent également se maintenir en position géostationnaire et ainsi surveiller une cible pendant plusieurs jours d’affilée, voire des mois. À la différence d'un satellite en orbite, beaucoup plus onéreux, qui passe furtivement à la vitesse de 28.000 kilomètres par heure et ne revient à sa cible qu'après un tour complet de la Terre. 

Autre avantage, et pas des moindres, ils peuvent aisément échapper aux systèmes de radars. "Si son enveloppe ne réfléchit pas les ondes électromagnétiques, vous ne détectez pas le ballon en tant que tel. Par contre, ce qu’il y a en dessous, ce sont les équipements éventuellement métalliques qui donnent une signature radar", explique, au micro de TF1, le général de l’armée de l’Air et ancien pilote de chasse Patrick Dutartre, dans la vidéo du 20H de TF1 en tête de cet article.

TF1

Néanmoins, s'ils sont suffisamment petits, les dispositifs d'espionnage et la charge utile de ces aéronefs peuvent échapper aux systèmes de surveillance terrestres, selon des experts. Dimanche 12 février, la secrétaire adjointe à la Défense des États-Unis, Melissa Dalton, a déclaré qu'après la détection du ballon chinois, la défense aérienne américaine a ajusté ses systèmes radar afin de pouvoir détecter des objets plus petits et se déplaçant plus lentement, ce qui a probablement permis la détection des autres ballons neutralisés dans les heures précédentes. Enfin, abattre ces engins volants est bien plus difficile qu’il n’y paraît, comme l'explique à l'AFP William Kim, spécialiste des ballons de surveillance au centre de réflexion Marathon Initiative de Washington. 

Sachant que ce type de ballon fonctionne à l'hélium, "vous ne pouvez pas juste lui tirer dessus et le faire prendre feu" comme pour un dirigeable, souligne cet expert. "Si vous le trouez, il va juste se dégonfler très lentement", précise-t-il. Dimanche dernier, un avion américain F-16 de l’US Air Force a dû s’y reprendre à deux reprises, le premier missile (de type AIM-9X Sidewinder, pour un coût estimé à 400.000 dollars) ayant manqué sa cible. Leurs systèmes de guidage sont conçus à la base pour traquer des cibles véloces. En 1998, l'armée de l'air du Canada avait envoyé un avion de combat F-18 pour tenter d'abattre un ballon météo considéré comme "voyou". "Ils l'ont criblé d'un millier de munitions de 20 millimètres. Et cela a quand même pris six jours avant qu'il redescende", relate William Kim. 

Que peuvent-ils observer exactement ?

Parmi les quatre objets volants neutralisés par l’US Air Force, l’un d’eux, au moins, a survolé les États-Unis, plus exactement l’État du Montana. Justement, là où se trouvent plusieurs rampes de lancement de missiles nucléaires américains. Des sites déjà visibles par satellite, sauf que les communications qui y rentrent et en sortent restent un mystère. Grâce à ces équipements, "ils peuvent récupérer des clés de chiffrage de télécommunications, ce qui participe en fait à la sécurisation de dispositifs militaires et stratégiques", souligne Emmanuel Véron, enseignant-chercheur associé à l'Inalco et à l’École navale, spécialiste de la Chine contemporaine.

Un haut responsable du département d'État américain a d'ailleurs déclaré que l'appareil en question avait "de nombreuses antennes, un ensemble probablement capable de collecter et géo-localiser des communications", et qu'il était "équipé de panneaux solaires assez larges pour fournir l'énergie nécessaire au fonctionnement de multiples capteurs collectant du renseignement". Pékin, de son côté, assure qu'il s'agissait d'un aéronef civil utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques. Une version qui ne convainc pas le Pentagone, selon qui une quarantaine de pays ont déjà été survolés par ces aéronefs. La France assure pour sa part n’avoir jamais repéré l’un de ces ballons survolant son territoire. Le Japon, quant à lui, a dit enquêter sur d'anciens objets volants non identifiés ayant survolé son espace aérien ces dernières années.

Qui d'autre que la Chine utilise ce type de technologie ?

Les Américains et les Russes ne s’en cachent pas, leurs deux armées disposent d’une flotte de ballons stratosphériques. Déterminée à contrattaquer, la Chine a indiqué lundi que des ballons américains avaient survolé son territoire sans autorisation. "Depuis mai l'an dernier", les États-Unis "ont lancé depuis le sol américain plusieurs ballons à haute altitude, qui ont effectué des vols continus autour du monde, survolant illégalement l'espace aérien de la Chine et d'autres pays à au moins dix reprises", a déclaré Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. "Les États-Unis doivent mener une enquête approfondie à ce sujet et fournir à la Chine une explication", a-t-il souligné lors d'un point presse. En France, officiellement, l’usage de ce type d’aéronef à des fins militaires n’en est qu’au stade expérimental, en tout cas pour l'instant.


Matthieu DELACHARLERY Reportage vidéo TF1 Benoît Christal et Pascal Marcelin

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