VIDÉO - Turquie : un député fracasse son téléphone pour s'opposer à une loi sur la "désinformation"

TG avec AFP
Publié le 14 octobre 2022 à 10h41

Source : TF1 Info

La Turquie a adopté jeudi une loi qui punit jusqu'à trois ans de prison toute personne accusée de répandre des "informations fausses ou trompeuses".
Le texte a été critiqué par l'opposition, un député n'hésitant pas à fracasser son téléphone en pleine séance.

"Vous n'avez qu'une seule liberté, c'est ce téléphone dans votre poche." L'adoption jeudi d'une loi décriée sur la désinformation en Turquie a donné lieu à une scène inédite au Parlement : celle d'un député, fracassant son téléphone avec un marteau.

Officiellement baptisé "loi sur la presse", la loi est vertement critiquée par l'opposition, qui dénonce pour sa part une "loi de censure". L'article 29, en particulier, prévoit des peines de prison d'un à trois ans de prison pour "propagation d'informations fausses ou trompeuses, contraires à la sécurité intérieure et extérieure du pays et susceptibles de porter atteinte à la santé publique, de troubler l'ordre public, de répandre la peur ou la panique au sein de la population".

"Vous ne pourrez plus vous en servir"

Un texte inconcevable pour Burak Erbay. Aux dernières heures des débats et dans un mouvement d'humeur, ce député du parti CHP (social-démocrate) d'opposition, s'adressant à la jeunesse turque qui "votera pour la première fois en juin" - et qui subit de plein fouet la grave crise économique -, a brandi son smartphone et l'a écrasé d'un coup de marteau.

"Vous n'avez qu'une seule liberté, c'est ce téléphone dans votre poche. Là, vous avez Instagram, YouTube, Facebook. Vous échangez. Aujourd'hui, 12 octobre, si la loi est adoptée par ce Parlement, vous pourrez les casser comme ça, mes jeunes frères. Parce que vous ne pourrez plus vous en servir". Puis se tournant vers le gouvernement : "Laissez-moi vous prévenir : en juin 2023, ces chers jeunes gens vous vont donner la leçon que vous méritez".

En attendant les élections, les médias vont devoir vivre sous le joug de cette nouvelle loi. Outre les journaux, radios, télévisions, la loi vise les réseaux sociaux et les sites internet auxquels il sera demandé de dénoncer et de livrer les informations personnelles de leurs usagers accusés de propagation de fausses nouvelles. La loi stipule encore que la présidence se chargera de préparer un "Bulletin de la désinformation chaque lundi (...) afin d'informer le public sur la désinformation et les fausses nouvelles". Le projet de loi a suscité de nombreuses inquiétudes dans les milieux journalistiques et les organisations de défense des droits humains qui s'étaient mobilisés au début du mois, masqués de noir devant le Parlement.

L'opposition a vainement tenté de faire obstacle à ce texte déposé en mai par les députés AKP - le Parti de la justice et du développement du président Recep Tayyip Erdogan, qui briguera un nouveau mandat en juin 2023. Mais avec une majorité de 334 sièges sur 581 pour l'AKP et ses alliés au Parlement, le texte avait peu de chances d'être arrêté.

Une dizaine d'associations et de syndicats de journalistes, dont Reporters sans Frontières (RSF) avaient dénoncé le texte comme une tentative de censure de la part du gouvernement. "La Turquie entre dans des temps difficiles : chacun sera touché par cette loi", a tweeté jeudi soir l'avocat et co-directeur d'une association de défense de la presse (MLSA), Veysel Ok, lui-même plusieurs fois poursuivi dans le passé, énumérant "l'opposition, les ONG, les associations d'avocats, de journalistes et les citoyens ordinaires".


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