Vidéo virale de policiers battant un homme au sol : la scène se passe en Indonésie, pas en France

par Claire CAMBIER
Publié le 26 juillet 2019 à 15h25
Vidéo virale de policiers battant un homme au sol : la scène se passe en Indonésie, pas en France
Source : capture d'écran Youtube

À LA LOUPE - Depuis quelques jours, une vidéo montrant une dizaine de policiers frapper violemment un manifestant fait le tour des réseaux sociaux. Si la vidéo est véridique, la scène ne se passe pas en France mais en Indonésie et date de mai 2019. De nombreuses voix se sont élevées dans ce pays pour dénoncer ces violences policières.

La vidéo postée mardi 23 juillet sur le compte Facebook de Big Buzz est rapidement devenue virale en France. Trois jours plus tard, elle enregistrait plus de 98.000 vues et 4.500 partages. Dans les commentaires, certains internautes font référence aux Gilets jaunes et estime qu'il s'agit d'une bavure policière commise lors d'une manifestation. D'autres doutent que la scène se soit passée en France et posent la question de la source mais soulignent : "où que cela se passe , c est absolument écœurant". Alors qu'en est-il ?

Une recherche inversée d'images nous permet de retrouver l'origine de cette vidéo. Elle apparaît pour la première fois sur le compte Twitter de Putra Melayu, un citoyen indonésien, le 23 mai dernier. "L'uniforme que vous portez, les armes que vous portez, la matraque que vous utilisez, tous sont achetés avec de l'argent public, recouvrés de taxes, où est votre conscience ?", questionne-t-il.

La vidéo a connu un important retentissement dans le pays et l'affaire a été traitée par de nombreux médias locaux. Nous pouvons donc retracer assez aisément les événements. La période correspond à l'annonce de la réélection du président sortant, Joko Widodo, vainqueur du du scrutin du 17 avril, avec 55,5 % des voix. Un résultat mal accueilli par les partisans du candidat battu, Prabowo Subianto - un proche de l’ancien dictateur Suharto. De violents affrontements ont eu lieu dans la capitale du pays, Jakarta. Neuf personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées, selon l'AFP et les autorités.

Face à la polémique suscitée par la diffusion de la vidéo de l'agression d'un manifestant par des policiers, la police nationale, dos au mur, a dû réagir. Elle a authentifié la vidéo et a reconnu que l'usage de la force y était "excessif". Comme l'avaient démontré les médias locaux, la scène se déroule sur un parking situé dans la cour de la mosquée Al Huda, au sein du quartier de Kampung Bali, dans le centre de Jakarta. 

La victime est un homme de 30 ans, Andri Bibir, contrairement aux informations données dans un premier temps par le lanceur d'alerte Putra Melayu. Ce dernier avait diffusé via son compte Twitter une photo d'un adolescent de 15 ans, victime mortelle des émeutes. Le jeune homme, prénommé Harun, est bel et bien décédé durant ces révoltes mais il est mort par balle. La police dément être à l'origine du tir et assure ne pas avoir utilisé de balles réelles, mais des balles en caoutchouc, des canons à eau et des gaz lacrymogènes. Une enquête est en cours.

Selon les affirmations des autorités, la vidéo montre donc l'arrestation d'Andri Bibir, qualifié d'émeutier - la police lui reproche d'avoir armé les manifestants de pierres. Après avoir tenté de fuir les forces de l'ordre, il a été rattrapé sur le parking et frappé au sol. Nous sommes alors le jeudi 23 mai, il est 6h du matin, heure locale. Le jeune homme a lui-même assuré être l'homme à terre et tenu à rassurer ses proches : "Je ne suis pas mort".

Dedi Prasetyo, responsable régional de la police, a indiqué que les personnes ayant véhiculé de fausses informations, pourraient être poursuivis. Elles risquent jusqu'à 6 ans de prison. Et les auteurs des bavures policières ? Une enquête est là aussi en cours et les autorités assurent que des sanctions seront prises. Mais le mois dernier, Amnesty International regrettait dans une lettre ouverte que les conclusions de cette enquête ne soient pas encore connues et qu'aucune mesure disciplinaire n'ait été prise.

"Amnesty International a trouvé qu'au moins quatre autres hommes ont été battus par la police durant cet incident (...) et que l'un d'entre eux a été si gravement blessé qu'il a dû être transféré à l'hôpital pour y subir des soins intensifs, indique l'organisation de défense des droits de l'homme. Les preuves que nous avons obtenues indiquent que la police s'est livrée à des tortures et d'autres mauvais traitements contre des individus détenus dans d'autres quartiers de Jakarta", poursuit-elle. 

Amnesty international affirme également disposer "d'éléments crédibles" selon lesquels des forces de la police paramilitaire sont impliquées dans la mort de dix manifestants (neuf à Jakarta et un à Pontianak, sur l'île de Borneo). Elle réclame la mise en place d'une  enquête indépendante. Les organisations de défense des droits de l'Homme dénoncent régulièrement la situation en Indonésie.

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Claire CAMBIER

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