Les images de prisonniers de guerre, qui fleurissent sur les réseaux sociaux, sont-elles contraires aux accords de Genève ?Raphaël Maurel, maître de conférence en droit public et membres des Surligneurs, explique que des précautions s'imposent.
Depuis plusieurs jours, de nombreuses vidéos circulent sur les réseaux sociaux : on y voit des hommes présentés comme des prisonniers de guerre d’origine russe, certains levant les bras en l’air ; ils répondent aux questions d’hommes qu’on ne peut pas identifier formellement : on leur pose des questions notamment sur leur âge, leur ville d’origine, leur régiment, et on leur demande d’exprimer des regrets, d’insulter Vladimir Poutine et de célébrer la force de l’Ukraine.
Ces vidéos et leur diffusion sont-elles contraires à la Convention de Genève ? Nous avons interrogé le Comité international de la Croix Rouge (CICR) dont la vocation est d’assurer la protection des victimes de conflit armés et de relever les manquements au respect du droit international : le CICR se dit au courant de ces images qui à ses yeux sont susceptibles de tomber sous le coup de la Convention de Genève.
Qui est filmé et qui filme ?
Mais comment s’assurer que ces images constituent bien une violation du droit international ? Nous avons montré deux de ces vidéos à Raphaël Maurel, maître de conférence en droit public et membres des Surligneurs, et nombreuses précautions s’imposent.
Quel est le statut de ces personnes ? La "qualité" des personnes figurant dans les vidéos, de chaque côté de la caméra, reste sujet à caution. Si les soldats interrogés sur la vidéo sont bien des soldats de l'armée russe, il faut d'abord déterminer s'il s'agit de "prisonniers de guerre", au sens du droit international. Aux yeux de Raphaël Maurel, "on ne peut en effet pas totalement exclure que ce soit un faux soldat (mise en scène), ou encore un déserteur non-belligérant, le cas échéant protégé par d'autres règles. On voit sur ces images plusieurs personnes désarmées, les mains en l'air, ce qui suggère qu'il s'agit de prisonniers, mais ils n'ont pas toujours de signes distinctifs qui permettent de confirmer leur statut exact".
Il faut aussi s'interroger sur les personnes qui filment. S’agit-il de soldats ukrainiens ou de civils ukrainiens ? Si ce sont des soldats, réguliers ou non (type miliciens) le statut des prisonniers est clair : ce sont des prisonniers de guerre. Si ce sont des civils, la qualification est plus complexe car le prisonnier de guerre est défini comme le soldat/combattant "tombé au pouvoir de l'ennemi" (article 4 de la 3e Convention de Genève).
La Convention de Genève protège "les prisonniers de guerre"
Que prévoit la Convention de Genève ? S’il s'agit de prisonniers de guerre, ceux-ci sont protégés par le droit international humanitaire, et notamment par la 3e convention de Genève de 1949, ratifiée par les 196 États dont l'Ukraine et la Russie. L’article 13 prévoit que "les prisonniers de guerre doivent (…) être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique" et l'article 14 que "les prisonniers de guerre ont droit en toutes circonstances au respect de leur personne et de leur honneur".
La publication de ces vidéos les exposant constituerait donc en soi une violation de l'article 13, en plus du déshonneur évoqué par l'article 14.
Selon Raphaël Maurel, "on peut leur demander un certain nombre d'informations - comme leur nom, leur prénom, leur date de naissance ou encore leur numéro de matricule - mais pas les obliger à se déshonorer en insultant leurs supérieurs ou leur Nation".
Quel recours ? Ce sont aux tribunaux internes de poursuivre les auteurs présumés des violations du droit international humanitaire. Il faut que les soldats en question aient la possibilité de formuler des requêtes et porter plainte, ce qui est prévu par la convention de Genève (art. 78 de la 3e convention), et c’est normalement le cas dès lors que ces "soldats" doivent être remis aux autorités.
S'il s'agit bien de ressortissants russes, qu'ils soient prisonniers de guerre ou non, la Russie est aussi susceptible de demander à l'Ukraine l'ouverture d'une enquête. Les violations non punies des conventions de Genève engagent en effet la responsabilité internationale de l'État responsable de ces violations.
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