FLASHBACK - Un an après les évènements du Capitole, retransmis en direct par toutes les télévisions du monde, on en sait plus sur le déroulé des évènements, sur place et à la Maison Blanche. Récit.
Le 6 janvier 2021, le monde assistait médusé à l'assaut d'une foule de partisans du désormais ancien président Donald Trump contre le siège de sa propre démocratie. Le jour même où devait être certifiée la victoire de Joe Biden à l'élection présidentielle lors d'une session au Capitole, une foule de manifestants s'est invitée violemment pour tenter de l'empêcher. Convaincus que Donald Trump était le vainqueur véritable, après deux mois de "fake news" lancées par le principal intéressé, ils sont entrés par centaines dans le bâtiment, forçant les élus et le personnel parlementaire à fuir ou à se trouver une cachette.
Un après, on connaît mieux désormais la chronologie de cette invasion, et ses contrechamps à l'intérieur et à l'extérieur du Capitole. On en sait aussi un peu plus sur ce qui se passait en même temps dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à moins de trois kilomètres de là. Donald Trump regardait lui aussi la télévision en continu, et mit plus de trois heures à intervenir alors qu'il savait tout de la situation dramatique à l'intérieur.
Dans la matinée, la pression monte
Depuis la veille, des partisans de Donald Trump affluaient à la capitale, venus de tout le pays. Le matin du 6 janvier, ils étaient déjà nombreux dans les rues. Un agent du FBI, qui commandait son café dans une boulangerie, en même temps que plusieurs d'entre eux, s'est souvenu plus tard s'être demandé fugitivement pourquoi un jeune homme avait mis un gilet tactique militaire pour participer à une simple manifestation politique. Nous sommes à Washington, les manifestations sont fréquentes, et celle-ci est attendue, mais pas spécialement redoutée. Un certain nombre de responsables avaient émis des signaux d'alerte depuis plusieurs semaines, vite perdus dans la chaine de responsabilités, et sans suite opérationnelle.
Les manifestants se massent peu à peu autour du Washington Monument, où à partir de 10h30 du matin, des orateurs se succèdent pour les haranguer depuis la tribune. Parmi eux Rudy Giuliani, avocat du président qui a orchestré une bonne partie des tentatives juridiques de Trump pour contester le résultat de l'élection - toutes perdues sauf une, locale et dérisoire. Les discours montent en intensité, et on entend le député républicain de l'Alabama, Mo Brooks, appeler la foule à "se battre pour l'Amérique".
12h : Trump met de l'huile sur le feu
À midi, il monte sur la scène. Donald Trump reprend son argumentaire sur les voix qui lui auraient été volées, qu'il matraque sans interruption depuis le scrutin du 3 novembre, et qu'il avait même anticipé des mois plus tôt. Mais ce jour-là, la focale du discours s'est resserrée sur la certification du vote, dernier acte du processus démocratique, qui va avoir lieu quelques heures après, dans l'enceinte du Congrès.
Devant ses partisans, Trump appelle son vice-président à ne pas être "faible" et à ne pas reconnaître la victoire de Joe Biden, un pouvoir dont Mike Pence, qui doit présider la session de certification, ne dispose pourtant pas. Il galvanise aussi la foule contre les "mauvais républicains", c'est-à-dire ceux qui ont fait savoir qu'ils ne feraient rien pour empêcher Joe Biden de devenir le prochain président des États-Unis. Surtout, il appelle explicitement ses soutiens à "se battre comme des diables", dans un discours qui flirte dangereusement avec un appel à la violence. Trump n'aura utilisé le mot "pacifiquement" qu'une seule fois, au cours de cette diatribe de 70 minutes.
13h : début de la certification au Capitole
Rituel immuable, c'est à 13h que s'ouvre la session au Capitole, pour la certification des votes des grands électeurs. Presque simultanément, le vice-président Mike Pence diffuse une lettre dans laquelle il annonce ne pas bloquer le vote du collège électoral, mettant fin à ce qui était le dernier espoir du camp Trump - bien qu'infondé en droit. Au même moment, une première vague de manifestants installe des barricades à l'ouest du complexe parlementaire, et commence à harceler les officiers de police présents. Mike Pence débute l'appel des États dans l'ordre alphabétique, qui bloque dès le A : le groupe de l'Arizona soulève une objection, une procédure inoffensive, mais qui promet déjà deux bonnes heures de retard dans le programme.
13h30 : la foule marche sur le Capitole
Le discours de Donald Trump vient de s'achever, donnant le signal du départ pour les milliers de manifestants qu'il vient de chauffer à blanc. Ils partent en cortège pour le Capitole, à deux kilomètres de là, dont ils envahissent rapidement les marches, forçant les - trop peu nombreux - officiers de police présents à reculer.
14h12 : des manifestants commencent à pénétrer dans le bâtiment
Après le retrait des policiers, dépassés par le nombre, plusieurs centaines de manifestants poursuivent leur avancée jusqu'aux portes du Capitole, et finissent par pénétrer dans le bâtiments par les vitres qu'ils ont brisées. À cet instant, ils se trouvent juste un étage au-dessous de l'hémicycle où se poursuit toujours la session.
La minute d'après, le vice-président est évacué par les services secrets et mis à l'abri, des parlementaires et leurs assistants s'enferment dans des bureaux, d'autres se cachent où ils peuvent.
Le moment où les pro- #Trump se sont introduits dans le #Capitole en fracturant les portes d’entrée Moment totalement dingue pic.twitter.com/Kt5YqY1q1j — Antoine Llorca (@antoinellorca) January 6, 2021
Autre scène où on voit des pro- #Trump fracasser les fenêtres du #Capitole pour s’y introduire pic.twitter.com/l6tZ0ipVUf — Antoine Llorca (@antoinellorca) January 6, 2021
Pendant ce temps-là, la horde de manifestants progresse dans les couloirs. Ils sont munis d'un attirail hétéroclite de casques anti-émeutes, boucliers, gilets tactiques, fusées pyrotechniques, tuyaux en métal, crosses de hockey ou battes de base-ball. Après les évènements, un engin explosif sera même retrouvé.
Eugène Goodman, un policier du Capitole isolé, fait bouclier de son corps pour les empêcher d'accéder à un niveau supérieur. Le temps qu'il a tenu aura permis à plusieurs élus de gagner une aile dont la porte sera ensuite protégée par les forces de l'ordre.
Quand un policier se retrouve seul face à face avec des pro- #Trump qui viennent de s’introduire dans le Capitole. Terrible. pic.twitter.com/70ny067P9Z — Antoine Llorca (@antoinellorca) January 6, 2021
Pendant ce temps-là, à la Maison Blanche...
A 14h24, alors qu'il suit la retransmission des évènements à la télévision, Donald Trump écrit un tweet qui, dans le contexte, place littéralement une cible sur son vice-président : "Mike Pence n'a pas eu le courage de faire ce qui aurait dû être fait, pour protéger notre Pays et notre Constitution (...)". Au même moment, celui-ci était placé en sécurité avec sa famille dans un sous-sol du complexe. Les vidéosurveillances, qui seront diffusées dans les jours suivants, montrent l'évacuation de parlementaires en file indienne, à laquelle succède l'arrivée du groupe des manifestants aux mêmes endroits, une rencontre, qui pourrait très mal finir, étant parfois évitée à quelques secondes près. Les policiers, trop peu nombreux, sont souvent au face-à-face pour défendre un temps des points-clés contre la marée humaine, l'un d'entre eux échappant de peu à la suffocation, coincé entre une porte et les manifestants (vidéo ci-dessous).
14h44 : une manifestante est tuée
Ashli Babbitt est galvanisée ce jour-là. Cette vétérante de l'armée américaine, venue du sud de la Californie, est vue dans des vidéos réalisées par d'autres manifestants, est portée par plusieurs personnes pour s'engouffrer par la vitre brisée d'une porte gardée par une poignée de policiers. L'un d'eux tire et touche la jeune femme, qui mourra avec l'effigie de Donald Trump autour du cou. Ashli Babbitt est devenue depuis une martyre patriote pour le camp de Trump, une militante extrémiste pour les Démocrates.
15h13 : Trump tweete encore
À la Maison Blanche, Donald Trump n'a pas quitté les écrans des yeux. On sait maintenant que de nombreux alliés, et même des proches comme son fils aîné, l'ont déjà appelé à "condamner ce merdier". Des parlementaires républicains piégés à l'intérieur du Capitole l'ont informé de la volatilité de la situation. Mais celui qui est encore président des États-Unis refuse d'intervenir, fasciné par "tous ces gens qui viennent se battre pour [lui]", selon un proche présent ce jour-là à ses côtés.
À 15h13, il finit par envoyer un nouveau tweet accompagne d'une vidéo : "J'appelle tous ceux qui sont au Capitole à rester pacifiques. Pas de violence !". En revanche il n'appelle pas les manifestants au retrait. Pendant ce temps-là, les intrus du Capitole prennent leurs aises dans l'hémicycle de la Chambre ou dans les bureaux des parlementaires. Celui de Nancy Pelosi, leader abhorrée de la minorité démocrate, est ravagé et filmé comme une prise de guerre, tandis que certains font mine de la traquer dans le labyrinthe du complexe parlementaire en hurlant "On va te trouver Nancy ! Et te pendre !".
16h17 : Trump siffle la fin de l'invasion
Plus de trois heures après le début des évènements, deux heures après l'intrusion dans le Capitole, Donald Trump apparaît enfin dans une vidéo où il appelle les manifestants à rentrer chez eux. Il les assure cependant de son soutien jusqu'à cet ultime moment : "nous vous aimons, vous nous êtes très chers", tout en assénant un nouveau couplet sur les élections "truquées". Les intrus commencent à refluer hors des bâtiments, non sans quelques accrochages violents avec des policiers autour du Capitole.
Après les violences, le bâtiment sécurisé et le vote finalisé
À 17h30, lorsqu'arrivent les premiers soldats de la Garde Nationale, que Trump avait refusé de déployer jusqu'ici, l'essentiel des violences est terminé. À 20h, la police du Capitole déclare le bâtiment sécurisé, et Mike Pence rouvre la session. À 3h40 du matin, au bout du décompte, il acte officiellement la victoire de Joe Biden à la présidentielle, faisant de lui le 46e président des États-Unis.
Après une des journées les plus noires de la jeune histoire de la plus vieille démocratie du monde, le bilan humain est lourd. Un policier et quatre émeutiers sont morts pendant que des dizaines de policiers du Capitole ont été blessés. Dans les semaines qui ont suivi, plusieurs policiers du Capitole se sont suicidés suite à ces évènements.
Les États-Unis s'apprêtent à commémorer, dans leur théâtre même, le premier anniversaire de ces évènements sans précédent. Le chef des démocrates Chuck Schumer a tenu un discours peu avant cette date, rappelant avec gravité que "le 6 janvier 2021 restera à jamais cette tache indélébile dans l'histoire de notre démocratie américaine".
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