Visite d'Emmanuel Macron aux États-Unis : la transition énergétique au cœur des tensions

Annick Berger avec AFP
Publié le 30 novembre 2022 à 16h17

Source : TF1 Info

Le président français est en visite d'État à Washington jusqu'à samedi.
Un déplacement au cours duquel il compte obtenir des concessions sur "l'Inflation Reduction Act" américain.
Un texte qui attise les tensions ente les Européens et les Américains.

Au-delà du symbole, c'est une visite hautement stratégique que débute Emmanuel Macron aux États-Unis à compter de ce mercredi 30 novembre. Le président français doit rencontrer son homologue Joe Biden lors d'un déplacement au cours duquel les deux leaders vont aborder de nombreux sujets. Et parmi les plus brûlants : l'Inflation Reduction Act américain, qui attise les tensions entre Paris et Washington. Ce grand plan climat arraché par Joe Biden au Congrès fait craindre aux Européens de voir certaines mesures affaiblir leur industrie.

Que prévoit l'IRA ?

La loi IRA (Inflation Reduction Act) est axée principalement sur le climat et les dépenses sociales. Le plan prévoit plus de 430 milliards de dollars d'investissement, dont 370 milliards consacrés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici à 2030. Il s'agit du plus important effort jamais consenti par les États-Unis dans ce domaine. Les investissements prévus par ce plan se matérialisent par des réductions d'impôt pour les entreprises qui investissent dans l'énergie propre, ainsi que d'importantes subventions pour les voitures électriques, les batteries et les projets d'énergies renouvelables, dès lors que ces produits sont fabriqués sur le territoire américain.

Parmi les mesures emblématiques de la loi IRA : une subvention de 7500 dollars accordée aux ménages pour l'achat d'un véhicule électrique produit aux États-Unis, une autre pour les fabricants d'éoliennes et de panneaux solaires utilisant de l'acier américain ou encore une baisse d'impôt pour aider les entreprises à mener à bien leur transition énergétique. 

Qu'est-ce qui coince ?

L'IRA est vu par les Européens comme un texte "discriminatoire", notamment pour les constructeurs automobiles du Vieux continent. "C'est inacceptable pour l'UE. En l'état, ce texte est extrêmement protectionniste, au détriment des exportations européennes", a souligné fin octobre le ministre tchèque de l'Industrie, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE. En effet, les subventions américaines favoriseront par exemple les Tesla américaines par rapport aux BMW allemandes. Début novembre, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a d'ailleurs menacé Washington  d'"aller devant l'OMC" et affirmé envisager des "mesures de rétorsion" si les États-Unis ne revenaient pas sur ces mesures qu'il estime "contraires aux règles de l'Organisation mondiale du commerce"

Une dispute qui devrait être largement évoquée entre Joe Biden et Emmanuel Macron à l'occasion de la visite du président français, qui doit se terminer samedi et au terme de laquelle le chef de l'État français fera le point lors d'une interview donnée au 13H de TF1, samedi 3 décembre. "Nous comprenons totalement la volonté d'être plus indépendant des États-Unis", a assuré lundi un responsable français, "mais les problèmes viennent du fait qu'en Europe, nous n'avons pas ce type d'instrument discriminatoire. Nous respectons les règles de l'OMC en la matière."

Joe Biden peut-il modifier le texte ?

Mais la marge de négociation avec le président américain est faible pour Emmanuel Macron. Même si Joe Biden voulait revenir sur certaines mesures, ses options sont assez réduites, d'autant que les démocrates perdront en janvier leur majorité à la Chambre des représentants après les élections de mi-mandat qui se sont déroulées début novembre. Par ailleurs, il n'est pas certain que le chef de l'État démocrate souhaite revenir sur un texte présenté comme un symbole fort de son mandat, et qu'il avait arraché après d'intenses négociations au Sénat. Les mesures de l'IRA sont par ailleurs très populaires, en particulier dans certains États où l'industrie automobile reste très puissante, comme l'Ohio ou le Michigan, qui sont désormais considérés comme des États clés, où les élections peuvent se jouer.

Washington veut cependant arrondir les angles avec ses partenaires européens, a souligné lundi Katherine Tai à l'issue d'un échange à distance avec le ministre français de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, en appelant à "travailler ensemble afin de renforcer la compréhension commune de la législation". De son côté, le président Macron espère obtenir de son homologue américain "des exemptions pour un certain nombre d'industries européennes, peut-être sur le modèle de ce que (l'administration américaine) consent déjà pour le Mexique et le Canada", a détaillé à l'AFP un conseiller de l'Élysée. Ces deux pays voisins se sont vus intégrés parmi les bénéficiaires des avantages prévus après être également montés au créneau.

Par ailleurs, certains pays européens militent désormais pour la création de leur propre IRA, le "Buy European Act" qui permettrait de limiter les impacts de la très protectionniste politique américaine, mais raviverait les tensions entre les deux camps. Un argument que pourrait faire valoir Emmanuel Macron face à Joe Biden pour tenter d'obtenir des concessions, lors de cette visite qui doit par ailleurs sceller la réconciliation franco-américaine après la grave crise diplomatique entre les deux pays déclenchée par la crise de sous-marins l'an passé. En septembre 2021, les États-Unis avaient annoncé une nouvelle alliance avec l'Australie et le Royaume-Uni, suscitant l'ire de la France, tenue à l'écart dans une région-clé du monde et qui perdait, au passage, un mégacontrat pour vendre des sous-marins à Canberra.


Annick Berger avec AFP

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