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Vladimir Poutine et la Russie sont-ils "plus isolés que jamais", comme le dit Joe Biden ?

Publié le 2 mars 2022 à 19h16

Source : TF1 Info

Le président américain a assuré que son homologue russe se trouvait "plus isolé que jamais".
À l'échelle mondiale, il est vrai que l'offensive décidée par Moscou ne recueille le soutien que de quelques pays.
De nombreuses nations se refusent à condamner officiellement l'offensive russe.

S'exprimant devant le Sénat, le président américain Joe Biden a rebondi sur l'actualité et l'offensive russe en Ukraine. Vladimir Poutine, a-t-il lancé, "pensait que l'Occident et l'Otan ne répondraient pas". Dénonçant les agissements de celui qu'il qualifie de "dictateur", il l'a décrit comme "plus isolé que jamais" sur la scène internationale. Un constat étayé par le très faible nombre de pays à soutenir officiellement Moscou dans cette guerre, mais qui mérite toutefois quelques nuances.

Des blocs bien distincts se dessinent

Lorsque le conflit en Ukraine a débuté, le Groupe d'études géopolitiques a analysé les réactions des différents pays du monde. Ce groupe de réflexion, créé en 2017 au sein de l’École normale supérieure à Paris, a répertorié les positions officielles des autorités. Un travail de fourmi qui permet de réaliser aujourd'hui une carte du monde des soutiens à l'Ukraine et à la Russie (cliquez ici en cas de problème d'affichage). 

La position de plus de 160 pays est ici observable, les rares n'ayant pas réagi étant représentés en gris. On constate d'un rapide coup d'œil que la Russie, en rouge, ne compte que peu de soutiens fermes. Sont présentés dans la même couleur les seuls pays ayant légitimé l'action militaire décidée par le Kremlin : la Biélorussie, la Syrie, mais aussi le Myanmar et... le Venezuela. Son dirigeant, Nicolás Maduro "a exprimé son fort soutien envers les actions clefs de la Russie, condamnant l’activité déstabilisatrice des États-Unis et de l’Otan", dixit un communiqué de la présidence russe.

Si en Europe, la condamnation de l'intervention russe est quasi unanime (à l'exception de la Serbie), s'accompagnant le plus souvent de sanctions, des pays choisissent de ne pas prendre position. À commencer par la Chine, qui se garde de dénoncer la guerre entamée par la Russie. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, au téléphone avec son homologue ukrainien, lui a signifié "le profond regret" de la Chine face au déclenchement du conflit. Un exercice d'équilibriste puisque Pékin mettait en avant auprès de la diplomatie allemande les enjeux sécuritaires soulevés par la Russie, les risques liés aux sanctions internationales ainsi que le rôle joué par l’Otan et les États-Unis dans la crise actuelle. 

L'embarras chinois fait écho à celui d'un autre pays d'envergure, l'Inde. Les Échos rappellent que New Delhi compte tout autant sur son partenaire russe –  auprès duquel elle s'approvisionne en armement –, que sur les démocraties européennes et américaines dont elle est une alliée. Les autorités indiennes s'en tiennent ainsi pour l'heure à un appel au calme et à la fin des violences, tout en prônant le calme dans l'Est de l'Europe. 

L'Afrique et l'Asie, observateurs prudents

Outre la Chine et l'Inde, on constate que rares sont les pays ailleurs en Asie à défendre aujourd'hui explicitement l'Ukraine. Le Népal fait ainsi exception, quand la très grande majorité des dirigeants réagissent sans se risquer à une condamnation. Notons toutefois que le Japon et la Corée du Sud, tout comme Taïwan, ont dénoncé cette invasion et annoncé des sanctions. 

En Afrique, aucun pays n'a soutenu Vladimir Poutine et la Russie. Le Mali, qui accueille officieusement sur son sol le groupe paramilitaire russe "Wagner" pour assurer sa défense, n'a pas condamné l'invasion en Ukraine, au contraire de plusieurs de ses voisins. En l'occurrence les pays situés sur un axe côtier Sénégal-Bénin, parmi lesquels la Côte d'Ivoire ou le Ghana. Ailleurs en Afrique, la position dominante consiste plutôt à ne pas réagir officiellement ou à éviter d'afficher un soutien à un camp en particulier.

Interrogé par RFI, le chercheur camerounais Paul-Simon Handy a livré des pistes pour expliquer l'apparente neutralité qui prédomine en Afrique. Un "silence" selon ses mots, qui "peut être expliqué par la tradition de non-alignement héritée de la Guerre froide, qui pousse plusieurs États à garder une sorte d’équidistance envers les superpuissances, surtout lorsque celles-ci s’affrontent". Il glisse aussi que "les Africains vivent beaucoup avec des conflits au quotidien et se prêtent assez mal à cette forme de caporalisation de l’émotion et de l’indignation, car, s’il fallait s’indigner pour chaque crise, on ne s’en sortirait plus". Enfin, le spécialiste estime que l'image de Vladimir Poutine renvoyée au fil du temps fait l'objet, en Afrique, "d’une admiration assez forte" chez certains dirigeants. Et pour cause : "il représente les attributs de l’homme fort". Une image liée entre autres au fait qu'il "pratique le karaté" ou tienne "un discours très martial".

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Thomas DESZPOT

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