Zimbabwe : qui est Emmerson Mnangagwa, ex-dauphin devenu successeur de Robert Mugabe ?

Publié le 24 novembre 2017 à 11h14, mis à jour le 24 novembre 2017 à 12h25
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Source : Sujet JT LCI

TRANSITION - L'ancien vice-président Emmerson Mnangagwa (75 ans) vient d'être officiellement investi au poste de nouveau président par intérim du Zimbabwe. Une cérémonie qui met fin à 37 ans de règne sans partage de Robert Mugabe (93 ans), écarté du pouvoir ces derniers jours par un putsch militaire sans violence.

Il aura finalement atteint son but. L'ancien vice-président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa, écarté le 6 novembre dernier, a donc opéré un retour au premier plan. Nommé mercredi 22 novembre président par intérim après la démission, la veille, de Robert Mugabe. Ce vendredi 24 novembre, celui qui surnommé "le crocodile" a donc officiellement été investi, lors d'une cérémonie dans le plus grand stade de la capitale, Harare, le National Sports Stadium, d’une capacité de 60 000 places. Mnangagwa a prêté serment en tant que président pour une période de 90 jours, jusqu'aux prochaines élections, prévues en 2018, au cours desquels le parti majoritaire (le  Zanu-PF) devrait tout faire pour tenir à l'écart celui de l'opposition (le Mouvement pour le changement démocratique).

Aux commandes du coup de force de l'armée ?

Le 6 novembre, l'impopulaire première dame Grace Mugabe avait obtenu de son époux l'éviction du vice-président Emmerson Mnangagwa, qui lui barrait la route dans la course à la succession de son mari, à la santé de plus en plus fragile. Emmerson Mnangagwa avait été démis de ses fonctions par Robert Mugabe. 

Zimbabwe : Robert Mugabe démissionne après 37 ans de règne sans partageSource : JT 20h Semaine
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Sa déchéance n'aura duré que quelques jours. Son limogeage a entraîné un coup de force de l'armée, hostile à l'ascension de Grace Mugabe, dans la nuit 14 au 15 novembre. Lui est resté prudemment loin de la crise, en exil dans un pays inconnu. Ce qui n'a pas empêché son nom de résonner dans tout Harare au cours des sept derniers jours. Mercredi 15 novembre justement, Emmerson Mnangagwa était sorti de son silence pour appeler son ancien mentor à "tenir compte" des appels à la démission. Dans son communiqué, il avait mis les formes afin de ne pas apparaître comme le cerveau de l'intervention militaire. Comme celui qui aurait tué le père.

Un "crocodile" au pouvoir

Se hisser à la tête du Zimbabwe est un aboutissement pour ce fidèle serviteur du régime, aux rêves de pouvoir longtemps contrariés. Dès l'indépendance du Zimbabwe en 1980, Robert Mugabe a mis Emmerson Mnangagwa sur orbite en lui confiant d'importants postes ministériels (Défense, Finances...). En 2004, il avait déjà été victime une première fois de son ambition. Accusé d'intriguer pour le poste de vice-président, il avait été retrogradé dans la hiérarchie de la Zanu-PF, le parti au pouvoir. Et avait finalement été doublé par sa rivale Joice Mujuru. Il lui faudra attendre 2014 pour accéder à la vice-présidence, après la réussite d'une campagne de dénigrement contre Joice Mujuru. Campagne orchestrée, déjà, par Grace Mugabe.

Né le 15 septembre 1942 dans le district de Zvishavana, dans le sud-ouest d'un Zimbabwe alors britannique, le jeune Emmerson a grandi en Zambie. Fils d'un militant anticolonialiste, il rejoint en 1966 les rangs de la guérilla indépendantiste contre le pouvoir de la minorité blanche. Arrêté, il échappe à la peine capitale et purge dix ans de prison. Emmerson Mnangagwa garde de ces années de lutte des liens très étroits avec les militaires du pays.

Un tyran pour un autre ?

Guère sensible aux charmes de la démocratie, le "crocodile" ne verse guère de larmes et n'est connu que pour sa dureté. Il expliquera un jour que ses années de guérilla lui ont appris à "détruire et tuer". Alors chef de la Sécurité nationale, il dirige en 1983 la brutale répression dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre). Son bilan n'a jamais été confirmé, mais elle aurait fait environ 20.000 morts. 

En 2008, il est chargé des élections auprès du président et dirige les fraudes et les violences qui permettent à Robert Mugabe de conserver le pouvoir malgré sa défaite au premier tour. Son zèle lui vaudra des sanctions américaines et européennes. Mais aussi le poste stratégique de chef du Commandement des opérations de tout l'appareil sécuritaire. Takavafira Zhou, analyste politique à l'université d'Etat de Masvingo (sud), décrit Emmerson Mnangagwa comme un "jusqu'au-boutiste par essence". Il serait aussi l'un des hommes les plus riches d'un régime critiqué pour sa corruption, avec des intérêts dans les mines d'or. 

Zimbabwe : scènes de liesse après la démission de MugabeSource : Sujet JT LCI
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Un câble diplomatique américain datant de 2008, révélé par WikiLeaks, évoquait "un patrimoine extraordinaire", en partie amassé lorsqu'il a aidé le président Laurent Kabila à combattre les rebelles en République démocratique du Congo (RDC). Après son éviction de la vice-présidence la semaine dernière, il a spectaculairement rompu avec Robert et Grace Mugabe en les accusant de se prendre pour des "demi-dieux" et en dénonçant un président "qui pense être en droit de diriger jusqu'à sa mort". 

Son retour au pouvoir n'est pas sans inquiéter ceux qui n'ont pas oublié son passé. "Personne ne veut d'une transition qui verrait un tyran non élu remplacé par un autre", a résumé la semaine dernière le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson. L'opposition a déjà demandé des négociations pour démocratiser le pays. 


La rédaction de TF1info

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