La Cnil a lancé la semaine dernière une "procédure de contrôle" visant le ministère de l'Intérieur.Une enquête du site d'investigation Disclose avait dénoncé l'usage d'un logiciel permettant la reconnaissance faciale par ses services.Gérald Darmanin a demandé aujourd'hui une enquête administrative sur cette possible pratique, pourtant interdite.
Gérald Darmanin a annoncé ce lundi avoir demandé une enquête administrative sur l'utilisation par les services du ministère de l'Intérieur de la reconnaissance faciale via un logiciel de vidéosurveillance. Le ministre de l'Intérieur réagissait à la publication d'informations du site d'investigation français Disclose, selon lesquelles la police utiliserait un logiciel de vidéosurveillance, dont une des fonctionnalités permet la reconnaissance faciale.
"Nous utilisons BriefCam comme d'autres logiciels, mais sous l'autorité d'un magistrat", avait d'abord réagi le ministre de l'Intérieur sur France 5. "Mais non", avait-il ajouté, "à ma connaissance, nous n'utilisons pas de reconnaissance faciale". Soulignant que la Direction générale de la police nationale avait rappelé en février l'interdiction d'utiliser la reconnaissance faciale, Gérald Darmanin a annoncé avoir "demandé une enquête administrative sous trois mois", afin qu'il "n'y ait pas de doute".
Depuis huit ans, le ministère de l'Intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l'emploi de la reconnaissance faciale
Disclose
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), autorité indépendante gardienne de la vie privée des Français, a annoncé mercredi dernier le lancement d'une "procédure de contrôle" visant le ministère de l'Intérieur après la publication de l'enquête de Disclose parue la veille. Selon le site d'investigation, les forces de l'ordre ont acquis en 2015, "en secret", un logiciel d'analyse d'images de vidéosurveillance de la société israélienne Briefcam, spécialisée dans le développement de logiciels destinés à la vidéosurveillance algorithmique, et aujourd'hui détenue par le géant japonais Canon.
"Depuis huit ans, le ministère de l'Intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l'emploi de la reconnaissance faciale", écrit Disclose. Si l'utilisation de la fonction de reconnaissance faciale de Briefcam par les services du ministère n'est pas démontrée, la possibilité d'y recourir ne demande "que quelques clics", et est une des options phares du logiciel, soulignent les auteurs de l'enquête.
La publication de l'enquête a provoqué des remous au Sénat, où deux sénateurs socialistes se sont interrogés sur la légalité de cette pratique lors d'une conférence de presse. "Ces révélations, c'est un camouflet vis-à-vis du Parlement dans sa mission de contrôle. Nous n'avons jamais été informés dans nos auditions de la possible utilisation de cet outil dont le caractère intrusif dans nos vies personnelles est connu, tout comme son caractère inquiétant pour les libertés publiques", a déclaré Jérôme Durain, co-auteur en 2022 d'un rapport sur la reconnaissance biométrique dans l'espace public.
La Cnil mène déjà des contrôles sur les caméras de vidéosurveillance algorithmique (ou "augmentées") utilisées notamment par des collectivités locales, et a promis en mai dernier d'enquêter sur "certaines des caméras augmentées utilisées dans le cadre des JO" de Paris. Le Parlement a adopté en avril un texte de loi en vue des JO-2024 qui contient un important volet sécuritaire, dont la vidéosurveillance algorithmique, censée permettre de repérer plus rapidement des "événements" potentiellement dangereux à partir d'images de caméras et de drones, et de les signaler aux équipes de sécurité.