INTERVIEW – Le 24 janvier 1991, Pascale Escarfail, étudiante de 19 ans, était violée puis assassinée par Guy Georges dans son studio de la rue Delambre, à Paris (14e). Me Solange Doumic, avocate de la famille de celle qui fut la première femme tuée par ce futur serial killer, revient sur cette affaire à l'occasion de la sortie du film ''L'affaire SK1'' de Frédéric Tellier.
Comment vous êtes-vous retrouvée dans ce dossier ?
J'ai été désignée par la famille de Pascale Escarfail, première victime de ce qui allait devenir une longue série de crimes. Avant que Pascale ne soit assassinée, Guy Georges avait exercé depuis le début des années 80 des violences exponentielles à l'encontre de plusieurs femmes. La dernière a échappé de peu à la mort. Après l'avoir violée dans un parking souterrain de Nancy (Meurthe-et-Moselle), Guy Georges a tenté de la tuer. Heureusement, la victime est parvenue à s'enfuir. Pour ces faits, il a été condamné à dix ans de réclusion pour "viol commis sous la menace d'une arme".
Pouvez-vous revenir sur ce 24 janvier 1991, jour de l'assassinat de Pascale Escarfail ?
D'après la version qu'il a donnée, ce matin-là, Guy Georges s'est levé de bonne humeur. II vit dans un squat de l'est parisien alors même qu'il n'a rien à faire là. Il est censé en effet être en Meurthe-et-Moselle où il finit de purger sa peine et où il a bénéficié d'un régime de semi-liberté. Il va prendre un café puis part remonter le moral à une amie dépressive pendant une heure environ. Il dira par la suite que ce jour-là, il savait qu'il était ''en chasse''. Il part alors acheter du chatterton (ruban adhésif isolant, ndlr ) et un Opinel n'°12, puis va s'installer à la terrasse d'un café dans le quartier de Montparnasse. Il commande une bière, la paie, la boit tout en regardant les jeunes femmes qui passent. Parmi elle, Pascale Escarfail, jeune fille de 19 ans, belle, heureuse et dynamique. Il suit l'étudiante en lettres jusqu'à son domicile, la fait rentrer dans son appartement en la menaçant avec son couteau sur son cou. Pascale a fait tout ce qu'elle pouvait. Elle tente d'appeler au secours, il coupe les fils du téléphone. Elle cherche à lui parler pour le calmer, l'amadouer. En vain. Il finit par l'égorger. Aux enquêteurs de police, Guy Georges dira qu'il avait '' flashé' sur Pascale et que ''dès le départ'', il avait ''l'intention de la tuer sans trop vraiment savoir pourquoi". C'est terrifiant car Guy Georges cherchait d'ailleurs à tuer plus encore qu'à violer. Quand il n'a pas le temps de faire les deux, il donne la mort. Il a un besoin de détruire la femme.
Avez-vous vu des points communs entre les différentes victimes du tueur de l'est parisien ?
Qu'il s'agisse des sept femmes qui ont perdu la vie ou des trois qui ont réussi à échapper à la mort, ces dix victimes avaient pour seul point commun d'être pleine de vie. Pour ce qui est du physique, ces femmes étaient très différentes : grande, petite, mince, plus ronde, blonde, brune, et âgées de 19 à 32 ans.
Vous avez vu Guy Georges pour la première fois 'en vrai' en 2001, dans le box des accusés de la cour d’assises de Paris. Qu'avez-vous ressenti ?
J'ai vu quelqu'un qui jouait la comédie, quelqu'un de très poli, de très séduisant… Incontestablement, il était dans la séduction, il avait un regard doux, il regardait les gens avec bienveillance, il souriait. Tout ça, jusqu'au moment où je l'ai fait avouer. Là, il a eu cet accès de violences, il m'a menacée, il s'est mis à hurler. Il a changé du tout au tout. Même sa mère adoptive ne l'a pas reconnu.
Guy Georges était en effet passé aux aveux devant les enquêteurs, avant de se rétracter. C'est vous qui l'avez fait craquer…
Oui, alors que circulaient, entre les mains des magistrats, jurés, avocats et accusés, les dossiers avec les clichés pris sur les scènes de crime, quelque chose m'a interpellé. J'ai demandé à Guy Georges s'il était droitier ou gaucher, ou les deux. Il m'a répondu ''droitier''. Je lui ai alors fait remarquer que certes il tenait les photos avec la main droite, mais qu'en revanche, il bougeait le micro et faisait circuler les dossiers avec les photos avec la gauche. Il s'est alors emmêlé les pinceaux, il m'a dit oui pour les photos je suis droitier mais pour le reste gaucher. Il s'est ensuite emporté, a élevé la voix, puis fait un geste de coup de poing en l'air avec sa main droite. Je lui ai alors dit : 'donc quand vous frappez avec un couteau, c'est avec la main droite ?'. Il m'a répondu ''oui'', puis a mimé l'acte, avant de se rendre compte de ce qu'il venait de faire. Il s'est rassis et j'ai juste dit : 'merci beaucoup Monsieur'. Frédérique Pons, un de ses avocats, s'est adressé à lui, en lui disant qu'il avait probablement tenté de dire quelque chose maladroitement. Il est alors devenu comme fou et s'est mis a hurler quelque chose comme : ''Mais non, c'est elle, elle m'a eu, elle m'a piégé'. Il m'a menacé ensuite du doigt puis du regard. Ma stagiaire était terrorisée, elle s'est accroupie pour qu'il ne la voie pas. Jamais je n'oublierai ce regard.
Le verdict a-t-il donné satisfaction à la famille de Pascale Escarfail ?
Oui, d'une certaine façon car Guy Georges a été condamné à la peine maximale. Maintenant, leur fille ne reviendra pas et la peur est toujours là. La famille de Pascale craint maintenant qu'il sorte de prison. S'il était remis en liberté en 2019 comme le prévoit sa peine, ce serait dramatique, extrêmement dangereux. N'oublions pas qu'il a déclaré qu'il avait ''besoin de tuer pour vivre''.
Qu'avez-vous pensé du film L'affaire SK1 ?
J'ai trouvé étrange de ne pas avoir été contactée pour raconter ce que j'avais vécu puisque mon personnage est interprété à l'écran. Maintenant, je dois dire que j'ai été ravie que ce soit Alexia Barlier qui joue mon rôle, je la trouve charmante, et très jolie. Sur le fond, "L'affaire SK1" est un bon film, assez fidèle à la réalité.
LIRE AUSSI >> Retour sur l'incroyable affaire Guy Georges, le "tueur de l'est parisien"
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