Mercredi matin, un homme a agressé six personnes à l'arme blanche, gare du Nord, avant d'être neutralisé.Son identité reste à confirmer mais il pourrait être sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français.Et pour cause : les OQTF sont très peu appliquées en réalité.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, cités dans un rapport du Sénat, seulement 6,9% des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été exécutées en 2020 et 5,6% au premier semestre 2021.
Trois mois après le meurtre de Lola et au lendemain de l'agression à l'arme blanche de la gare du Nord, le sujet de ces OQTF fait de nouveau la Une de l'actualité de façon tragique. Car, à l'instar de l'auteure présumée du meurtre de la collégienne, l'homme qui a blessé plusieurs personnes au pointeau ferait, selon plusieurs sources policières, l'objet d'une OQTF. "Il s'agit d'un Libyen né en 2000 sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui ne pouvait être mise en œuvre en raison de l'instabilité qui règne en Libye", détaillaient-elles mercredi.
Le parquet n'a, pour l'heure, pas évoqué à ce stade une possible OQTF du suspect, dont "l'identité fait encore l'objet de vérifications". Mais si celle-ci était confirmée, la question se pose de savoir pourquoi cet homme était toujours sur le sol français.
Problème de la délivrance des laissez-passer consulaires
Mettre à exécution une OQTF ne se révèle pas si simple. En moyenne, neuf sur dix ne sont pas exécutées. Les raisons d'un tel constat sont nombreuses. D'abord, pour une raison structurelle, à savoir l'indisponibilité dans les centres de rétention (CRA). Dans un rapport parlementaire qui remonte à 2015, deux députés estimaient même que le "non-placement en centre de rétention administrative", notamment en cas "d'indisponibilité avérée dans les centres", était la cause principale de ce phénomène.
S'ajoute une raison diplomatique : le refus des autorités du pays d'origine de récupérer ses ressortissants. La Commission des lois explique que "la faiblesse des taux d'exécution des mesures d'éloignement a des causes structurelles largement documentées, au premier rang desquelles le problème de la délivrance des laissez-passer consulaires", ces documents indispensables pour renvoyer un étranger en situation irrégulière de la France.
Les pays d'origine peuvent aller jusqu'à "alourdir les conditions matérielles de mise en œuvre du processus en refusant, par exemple, le recours à des vols groupés". À titre d'exemple, l'Algérie et le Maroc refusent les vols groupés. Résultat : entre janvier et juillet 2021, d'après les données du gouvernement diffusées en septembre, la France avait prononcé 7731 obligations de quitter le territoire vers l'Algérie. Mais seulement 22 personnes ont réellement été expulsées. Soit à peine 0,2% de taux d’exécution de ces OQTF.
L'Algérie ou la Libye
En octobre dernier, suite à l'affaire Lola, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait expliqué que l’exécution des OQTF "à destination de l’Algérie a été multipliée par vingt par rapport à l’année dernière, une année exceptionnelle par rapport à la situation du Covid". C'est justement ce motif sanitaire qui a expliqué, notamment, la baisse du taux d'exécution. L'épidémie a très nettement interrompu la dynamique démarrée au début du quinquennat Macron, avec une diminution du taux d'exécution de 51,8% en 2020 (soit 9111 retours forcés). Du propre aveu de la Commission des lois, cela s'expliquait par le "refus systématique des intéressés de se soumettre à un test PCR, qui conditionne l'admission sur le territoire du pays d'origine".
Selon la procureure Laure Beccuau, le suspect des agressions de mercredi pourrait "être né en Algérie ou en Libye". S'il est dans le premier cas, s'est-il opposé à un test PCR ? S'il est Libyen, a-t-il bénéficié d'un report ou d'une annulation en raison de la situation dans son pays ?
Prise par le préfet, en cas de refus de délivrance de titre de séjour ou de séjour irrégulier en France, l'OQTF doit être normalement exécutée sous 30 jours. Dans des situations limitées, elle peut aussi obliger certaines personnes à quitter la France sans délai. Toutefois, un recours est possible dans certains cas. L'OQTF peut en effet, dans certains cas, être contestée, notamment s'il existe des risques encourus dans le pays de renvoi. C'est le cas pour la Libye.
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