Attentat contre Charlie Hebdo : y-a-t-il eu des failles au niveau de la sécurité ?

Publié le 5 janvier 2016 à 20h10
Attentat contre Charlie Hebdo : y-a-t-il eu des failles au niveau de la sécurité ?

CHARLIE HEBDO, UN AN APRÈS – Plusieurs personnes dénoncent depuis un an maintenant des failles au niveau de la sécurité du 10, rue Nicolas Appert où étaient situés les locaux de Charlie Hebdo. Ce mardi matin, alors que la veuve du policier Franck Brinsolaro qui assurait la protection du dessinateur Charb vient de déposer plainte contre X en pointant du doigt des "manquements" dans le dispositif de sécurité, le ministre de l'intérieur a répondu aux critiques.

C'est en juillet 2014 que l'équipe de Charlie Hebdo avait emménagé dans le plus grand secret au deuxième étage du 10, rue Nicolas-Appert. Jusqu'à l'automne de cette même année, l'hebdomadaire satirique qui faisait l'objet de nombreuses menaces depuis 2006 et qui avait été la cible de cocktail Molotov en novembre 2011 alors qu'il était hébergé boulevard Davout dans le 20e arrondissement, était surveillé par un véhicule de police stationné en permanence devant l'entrée de cet immeuble appartenant à la Régie Immobilière de la Ville de Paris.

En septembre 2014, le véhicule de police a disparu de la chaussée, remplacé par des patrouilles qui passaient environ toutes les 30 minutes devant les locaux du journal. Quatre mois plus tard, les frères Kouachi tuaient onze personnes dans cet immeuble. Plusieurs voix, pourtant, avaient alerté de la situation à risques et demandé davantage de sécurité.

"Tu vas brûler vive"

Ainsi, dès 2006, alors que Charlie Hebdo était domicilié rue de Turbigo dans le 3e arrondissement, le journal avait été menacé suite à la publication de caricatures du prophète Mahomet. Dans un témoignage pour Envoyé Spécial réalisé par l'agence Premières lignes et diffusé en mars 2015 , la réceptionniste de l'hebdomadaire déclare avoir fait l'objet de plusieurs menaces. Selon elle, "deux hommes habillés comme des salafistes" et portant "la barbe" seraient passés devant les locaux. L'un deux aurait alors fait le signe qu'il allait l'"égorger". Entre cinq et dix minutes plus tard, la réceptionniste indique avoir reçu un appel lui disant : "Tu bas brûler vive. Fais attention en rentrant chez toi". Les menaces téléphoniques se sont répétées à maintes reprises. Philippe Val, directeur du journal à l'époque et le dessinateur Cabu ont alors fait l'objet d'une surveillance particulière et un car de gendarmerie a été installé devant les locaux pendant quelques mois...

Puis le journal a déménagé pour raisons financières. En 2011, il s'installe boulevard Davout et n'est plus protégé par les forces de l'ordre. Dans la nuit du 1er au 2 novembre, alors que Charlie vient de publier un numéro avec à sa Une le titre Charia Hebdo, un incendie criminel ravage les locaux. Charb, tout comme le dessinateur Luz et le directeur de la rédaction Riss, sont alors placés sous protection policière en raison des menaces. Le journal déménage à nouveau et un car de police campe devant les locaux.

En septembre 2012, deux hommes qui projetaient de décapiter Charb sont arrêtés en France. Sept mois plus tard, la photo de Charb apparaît dans Inspire, le magazine digital en langue anglaise d'Al-Qaïda. Avec neuf autres personnes, il est directement visé comme étant "à abattre". Trois gardes du corps sont alors chargés de la protection de Charb, avant que le ministère de l'Intérieur ne revoit,six mois plus tard , le dispositif à la baisse - deux au lieu de trois personnes - estimant que la menace avait baissé.

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Manque d'effectifs et tract

Dans un tract diffusé en avril 2013 et publié par le Canard Enchainé après les attentats de janvier 2015, le syndicat Alliance avait demandé "l'arrêt immédiat de la mission 'Charlie Hebdo'. Le texte ajoutait : "Depuis plus de 7 mois les compagnies d’intervention fournissent jusqu’à 9 collègues par jour pour la protection des locaux privés d’un journal. INADMISSIBLE  ! ! !"

Dans son ouvrage "Chérie, je vais à Charlie" à paraître ce jeudi, Maryse Wolinski, épouse du dessinateur Georges Wolinski tué le 7 janvier, met en cause le syndicat de police. Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint d'Alliance Police national, a expliqué à metronews à ce sujet que "les dispositifs de surveillance statique étaient  inefficaces et démotivants" et que des "surveillances dites dynamiques", avec des patrouilles, étaient beaucoup plus efficaces. Cela justifie d'ailleurs pour le syndicat le retrait, dès l'automne 2014, du véhicule de police stationnant devant les nouveaux locaux où Charlie s'est installé quelques mois plus tôt.

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"Pour des raisons qui tenaient au fait que les terroristes avaient indiqué vouloir prendre des militaires ou policiers pour cibles, nous avions pris la décision, pour des raisons de sécurité", d'y "substituer des gardes dynamiques", a indiqué Bernard Cazeneuve interrogé ce mardi matin sur RTL au sujet d'éventuelles failles au niveau de la sécurité avant de préciser que "des policiers" assuraient "la protection des journalistes".

Une plainte contre X

Lundi 4 janvier 2016, L'Eveil Normand et Normandie actu  ont révélé que la veuve du policier Franck Brinsolaro qui assurait la protection permanente du dessinateur Charb, directeur de Charlie, a déposé plainte contre X en pointant des "manquements" dans le dispositif de sécurité. Celle-ci s'appuie notamment sur le témoignage d'un journaliste de l'agence Premières lignes, qui, trois mois avant les attentats avaient signalé à la police la présence d'un individu suspect devant les locaux de Charlie Hebdo rue Nicolas-Appert.

Le journaliste raconte qu'un homme lui a ainsi dit : "C'est bien ici qu'ils s'amusent à faire des caricatures du Prophète ?"  Avant d'ajouter : "De toute façon je pense que c'est ici, et on les surveille. On viendra les voir, vous leurs ferez passer le message." Le journaliste qui a relevé la plaque du véhicule avant son départ et a signalé l'événement à la police, mais n'a jamais été contacté par les forces de l'ordre avant l'attentat. Sur une planche photographique qui lui a été présentée après l'attentat, il a reconnu l'individu comme étant ...Chérif Kouachi.

Autre faille, alors que Charlie Hebdo était menacé, son adresse, dans le 11e apparaissait et apparaît toujours, d'ailleurs, dans les Pages Jaunes. Pourtant, l'équipe de Charlie avait demandé son retrait.

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La rédaction de TF1info

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