Procès de l'attentat de Nice : les parties civiles entre "quête de vérité" et "espoir de se reconstruire"

Publié le 5 septembre 2022 à 17h24, mis à jour le 5 septembre 2022 à 18h07

Source : JT 13h Semaine

Le procès de l'attentat, survenu le 14 juillet 2016 à Nice, s'est ouvert ce lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Près de 900 personnes se sont constituées parties civiles.
Elles attendent beaucoup de ce procès qui doit durer jusqu'au 16 décembre.

À l'ouverture du procès de l'attentat survenu le 14 juillet 2016 à Nice ce lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, les parties civiles étaient rares dans la salle d'audience. Beaucoup d'entre elles ont en effet suivi ce premier jour depuis la salle de retransmission à Nice, là où elles vivent, ou via la webradio mise en place pour l'occasion. D'autres ne l'ont pas suivi du tout, préférant s'éloigner le plus possible de cet événement traumatique. TF1info a croisé quelques-unes d'entre elles ce jour au palais de justice. Elles nous ont confié leurs attentes de ce procès. 

"Des charges importantes pèsent sur certains des accusés"

Anne Murris, partie civile, a perdu sa fille Camille au cours de l'attaque. Elle avait 27 ans. Le 14 juillet 2016, elle était arrivée de Paris une heure avant le début des célébrations. C'était la seconde fois qu'elle assistait au feu d'artifice. Depuis cette mort brutale, la maman endeuillée essaie de surmonter l'insurmontable. Devenue présidente de l'association "Mémorial des Anges", elle se bat aujourd'hui pour que personne n'oublie ce qu'il s'est passé en ce funeste 14 juillet. 

À son arrivée au palais de justice ce lundi et à quelques minutes du début de l'audience, elle nous indiquait avoir "beaucoup de désarroi, de tristesse, de souffrance et même un sentiment de peur". "Ce sont des sentiments assez mélangés qui me renvoient à toutes les fois où nous sommes allés à la maison pour l'accueil des victimes lorsque nous étions à la recherche de notre fille suite à cet attentat", explique-t-elle avant de résumer : "D'une façon générale, c'est une forme de mal-être". 

Qu'attend Anne Murris de ce procès ? "Évidemment, c'est la quête de vérité. C'est aussi la volonté qu'il y ait un jugement, et un jugement qui soit le plus juste possible, mais également le plus sévère", dit-elle. "Il y a des charges importantes qui pèsent sur certains des accusés, même si le caractère de complicité a été rejeté par les juges qui ont instruit le dossier. Mais nos avocats vont être là pour essayer de démontrer de façon objective et la plus vraie possible qu'ils avaient connaissance de cette abomination et donc qu'il y a un caractère éventuel de complicité", souligne-t-elle. 

"Échanger avec des gens qui ont aussi vécu cet attentat"

Le 14 juillet 2016 , c'est en famille que Mathieu Bousfiha était allé voir le feu d'artifice. Quand il a vu le 19 tonnes arriver à vive allure, il a poussé sa petite sœur, alors âgée de 17 ans, et l'a sauvée avec ce geste. Il n'a rien pu faire pour son père, en fauteuil, sur lequel le camion fonçait. 

Après avoir cherché sa mère pendant quatre jours, il a appris qu'elle aussi été morte, fauchée par l'engin meurtrier.  "De ce procès, j'attends surtout des aides pour me reconstruire. J'attends aussi de pouvoir discuter, échanger avec des gens qui ont aussi vécu cet attentat. Enfin, d'un point de vue juridique, j'attends que la justice fasse son travail afin de pouvoir condamner les gens qui méritent d'être condamnés". 

"Essayer de se reconstruire"

Laurence, elle, était sur la promenade des Anglais il y a six ans. Devant la salle des Grands procès, elle déclare être venue ici avec sa fille Juliette pour "essayer de se reconstruire" et pour "participer" à cet événement, "pour toutes les familles endeuillées". "Il faut qu'il y ait un but, qu'on y arrive. Il faut montrer qu'on est encore là. Je suis appelée à la barre en octobre et je pense que c'est très important d'apporter son témoignage", dit-elle à TF1info.

 

Ce témoignage, Laurence le résume en quelques mots. Après le spectacle pyrotechnique il y a six ans, il "commençait à pleuvoir un petit peu". Laurence avait alors décidé de rentrer chez elle. "Il y a le camion qui est arrivé", se souvient-elle. "Moi, je ne pensais pas du tout que c'était un attentat. Je pensais que c'était quelqu'un qui avait perdu le contrôle de son véhicule. Pour moi, tout le monde est gentil et ce n'est pas possible de faire des choses comme ça."

Comment est-elle parvenue à échapper au camion fou ? "On m'a tirée", dit-elle. "C'était soit gauche, soit droite. J'ai été à gauche, et le camion est passé juste à ma droite. Voilà." Selon elle, ce procès va "apporter des réponses à toutes ses questions".

"Il y aura des réponses"

Sollicité par TF1info, Me Éric Morain, avocat de la Fédération nationale des victimes d’attentats (Fenvac), rappelle qu'en plus des adultes, des enfants viendront "à la barre porter leur douleur et raconter ce qu'il s'est passé" il y a six ans. "C'est la première fois qu'il y a autant d'enfants, parfois de très jeunes enfants, qui sont directement impactés par un procès terroriste. C'est une des particularités de ces audiences. Évidemment, tout a été mis en œuvre pour recueillir leur parole de la manière la plus conforme possible compte tenu de leur âge. Évidemment, ça va être des moments bouleversants." 

Les questions des parties civiles, majeures ou mineures, trouveront-elles leur réponse dans ce procès alors que l'auteur des faits a été neutralisé le soir même de l'attaque ? L'avocat estime que "oui" : "Il n'y a pas d'auteur, il n'y a pas de complice, mais trois des huit accusés sont poursuivis pour 'association de malfaiteurs terroristes'. Ça signifie qu'à ce stade, trois juges d'instruction et la cour d'appel ont considéré qu'il y avait un lien, plus ou moins ténu, plus ou moins fort (avec l'assaillant Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ndlr). Il va appartenir à la cour de décider s'ils peuvent être jugés et condamnés pour cette infraction-là". 

Ce lundi après-midi, plusieurs accusés ont fait part de leur intention de parler à cette audience. "Je veux répondre à toutes vos questions", a ainsi déclaré depuis le box l'un d'eux, Chokri Chafroud, au président de la cour d'assises spéciale Laurent Raviot. 


Aurélie SARROT

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