Attentat déjoué à l'Euro-2016 : pour la DGSI, "la cellule d'Argenteuil a été téléguidée" depuis la Syrie

Publié le 10 mars 2021 à 21h19
Attentat déjoué à l'Euro-2016 : pour la DGSI, "la cellule d'Argenteuil a été téléguidée" depuis la Syrie

JUSTICE – L'enquêtrice de la DGSI 572SI, déjà entendue hier au procès de sept hommes soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat sur le sol français en 2016, l'était de nouveau ce mercredi. Pour ses services, pas de doutes, "la cellule d'Argenteuil" avait ses commanditaires en Syrie

Réda Kriket a toujours contesté tout projet d'attentat. Il a toujours réfuté tout lien entre les auteurs des attentats de Paris, le 13 novembre 2015. Alors ce mercredi matin, dans le box, l'accusé âgé de 39 ans jugé depuis lundi aux côtés de six autres pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteinte aux personnes", a contesté à plusieurs reprises de la tête les dires de l'enquêtrice de la DGSI 572 SI. 

Déjà entendue hier, celle-ci a notamment expliqué comment des liens avaient été établis par les enquêteurs entre les auteurs des attentats ayant ensanglanté la France en 2015 et la cellule d'Argenteuil. Plusieurs points les relient selon la direction générale de la sécurité intérieure. "Pour nous la cellule d'Argenteuil était téléguidée depuis la zone (la Syrie, ndlr) par Abdelnasser Benyoucef (un vétéran du djihad, chef des opérations extérieures de l'État islamique, ndlr) et Boubakeur el-Hakim (considéré comme le djihadiste français le plus influent de l'État islamique, ndlr)." 

Le premier est accusé d'avoir "activé" Sid-Ahmed Ghlam pour l'attentat de Villejuif en avril de la même année, l'ombre du second plane sur les attentats de janvier 2015 et sur ceux du 13-Novembre. "Dans ce dossier sur la fourniture des armes on a potentiellement des contacts identiques à ceux du 13 novembre 2015", a ainsi estimée l'enquêtrice anonymisée et entendue en audio.

"L'objectif était de frapper à nouveau la France"

Les liens ne s'arrêtent pas là pour les enquêteurs. Dès avril 2016, après les attentats de Paris et ceux de Bruxelles, après l'inculpation du suspect-clé Mohamed Abrini considéré comme l'un des principaux auteurs de ces attaques, la justice belge avait affirmé que la cellule djihadiste de Bruxelles voulait de nouveau frapper la France. 

"Il ressort de plusieurs éléments de l’enquête que l’objectif du groupe terroriste était de frapper à nouveau la France, et que, pris de court par l’enquête qui avançait à grands pas, ils ont finalement décidé dans l’urgence de frapper Bruxelles", avait détaillé le parquet général à l'époque. Tout cela aurait été, toujours selon le parquet, modifié dans la précipitation en raison de l’arrestation de Salah Abdeslam - le 18 mars 2016 - et de trois autres personnes, cinq jours avant les attentats de Bruxelles, et celles d’autres suspects. 

Lire aussi

Reda Kriket, alors âgé de 34 ans, avait été arrêté le 24 mars à la sortie d'une mosquée de Boulogne-Billancourt, soit deux jours après les attentats de Bruxelles, et quelques mois après ceux du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Un arsenal d'une ampleur inédite avait été retrouvé dans l'appartement conspiratif d'Argenteuil. L'enquête le concernant avait débuté en novembre 2015, avec l'interpellation en Turquie de deux hommes, Miloud Feia, aujourd'hui parmi les accusés, et Tarek Bahri, sur le point de se rendre en Syrie, selon les autorités. En s'intéressant à leur entourage, les enquêteurs étaient remontés à Anis Bahri, frère de Tarek et poursuivi aujourd'hui, puis à Reda Kriket, suspectés d'avoir eux-mêmes séjourné en Syrie entre fin 2014 et début 2015.

Reda Kriket était alors sous le coup d'un mandat d'arrêt international, après sa condamnation en son absence en juillet 2015 à dix ans d'emprisonnement en Belgique, au procès d'une filière djihadiste vers la Syrie. L'un des principaux prévenus - également absent - à ce procès belge était Abdelhamid Abaaoud, l'un des organisateurs présumés des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, qui sera tué quelques jours après les attaques.

Numéro troublant dans le répertoire

Outre ces faits, les enquêteurs ont retrouvé dans le répertoire du téléphone dont "Anis Bahri a tenté de se débarrasser" selon l'enquêtrice 572 SI un numéro de téléphone turc enregistré au nom d'"Abou Omar/Abou7afs". Ce nom pourrait correspondre à Abdelhamid Abaaoud, alias "Abou Omar al-Belgiki", ou au Français Tyler Vilus, dit "Abou Hafs", proche d'Abdelhamid Abaaoud arrêté en Turquie en juillet 2015. 

Par ailleurs, Yasin Alami, lui aussi accusé aujourd'hui, a eu plusieurs contacts avec Ibrahim Abrini, frère de Mohamed Abrini. 

L'enquêtrice parle des "deux SMS envoyés en juillet 2015", des réponses données, des appels sans réponse. "Il y a des contacts téléphoniques", entre eux deux a-t-elle insisté. "Sans que l'on en connaisse la nature", a rétorqué à l'audience l'avocat de ce dernier, Me Brengarth. 

Le procès doit se poursuivre jusqu'au 9 avril.


Aurélie SARROT

Tout
TF1 Info