La Cour de cassation a tranché : la conduite après consommation de CBD, une substance a priori légale, est désormais considéré comme une infraction.Cette décision suscite des inquiétudes parmi les utilisateurs qui s’exposent à des sanctions pénales en cas de contrôle routier.Les explications de maître Jean-Baptiste Le Dall, avocat en droit automobile.
Douleurs, nervosité, stress... Vous faites peut-être partie des 6 millions de Français ayant déjà acheté et consommé du CBD, plus ou moins régulièrement. Cette substance, le Cannabidiol, naturellement présente dans la plante de cannabis (ou chanvre), à des effets relaxants et thérapeutiques reconnus, mais sans les propriétés psychoactives du tétrahydrocannabinol (THC). En France, la commercialisation et la consommation de CBD sont autorisées à condition que le produit ne contienne pas plus de 0,3 % de THC.
Toutefois, une question fait constamment débat : a-t-on le droit de conduire après avoir consommé du CBD ? Pour la Cour de cassation, la réponse est non. Dans son arrêt rendu mercredi 21 juin, les juges ont tranché. "Un conducteur est coupable de conduite sous l'emprise de stupéfiants si des traces de THC sont trouvées, peu importe si elles proviennent de la prise de CBD", ont-ils affirmé, cassant ainsi une décision de la Cour d'appel de Rouen qui avait relaxé un prévenu qui affirmait avoir consommé du CBD. Face aux questions que suscite cette décision, nous avons interrogé Me Jean-Baptiste Le Dall, avocat en droit automobile.
La peine encourue sera-t-elle la même pour un joint de CBD que pour un joint de cannabis classique ?
Le Code de la route ne fait aucune différence. Selon les dispositions de l'article L235-1, du moment où un produit est classé comme stupéfiant, ce sont exactement les mêmes sanctions. Comme toujours, c'est des maximas, donc on peut imaginer que le juge n'ait pas forcément la même sévérité selon les cas. Cette infraction est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4500 euros d'amende, la perte de six points sur le permis de conduire, avec une possible suspension ou une annulation du permis.
Un laboratoire pourra mettre en lumière de très faibles, voire d’infimes traces de THC provenant non pas de la consommation de cannabis, mais de la consommation de CBD.
Maître Jean-Baptiste Le Dall, avocat en droit automobile.
Cette décision de justice signifie-t-elle que lors d'un contrôle, toute consommation de CBD, même minime, sera détectée et sanctionnée ?
C'est certain. Et cela remet du même coup en question la légalisation de la commercialisation du CBD. En décembre dernier, le Conseil d'État avait relevé que le CBD ne peut être considéré comme un produit stupéfiant. C'est ce qui justifie qu'on peut en acheter librement dans des boutiques sous tout un tas de forme. Le droit français est très clair sur le sujet, donc tous ces magasins ne risquent pas d'être inquiétés. Pour autant, les produits à base de CBD contiennent un faible taux de THC et c'est là tout le problème. Car quelqu'un qui en consomme régulièrement, s'il prend le volant et s'il est contrôlé, peut se faire dépister positif au THC, alors qu'il n'a pas conscience d'une prise de risque.
En matière de stupéfiant, les autorités prévoient un seuil de détection pour le THC, toutefois ce seuil constitue un objectif à atteindre pour les laboratoires en charge de ces analyses. Rien n’interdit à ces mêmes laboratoires de descendre en dessous de ces taux de détection imposée a minima par les textes. Un laboratoire pourra ainsi mettre en lumière de très faibles, voire d’infimes traces de THC provenant non pas de la consommation de cannabis, mais de la consommation de CBD.
Pas de taux légal
N'y a-t-il pas un seuil minimal, comme pour l'alcool ?
Contrairement à l’alcool, le Code de la route ne prévoit pas de taux légal, des traces infimes suffisent pour le conducteur à être condamné. Par ailleurs, on n'a aucune visibilité sur la durée des effets du CBD. Comme c'est un produit faiblement dosé, on peut penser que la détection est moins longue à la suite de sa consommation, à l'inverse du cannabis. Toutefois, beaucoup de conducteurs se sont fait avoir, ne pensant pas être positif. Et quand on l'est, on est confronté aux dispositions du Code de la route qui prévoit des amendes et des peines de prison. Cela a aussi des conséquences immédiates avec un retrait de permis dès la commission des faits et une condamnation, ce qui veut dire une inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire. Et, s'il y a récidive, c'est l'annulation automatique du permis de conduire. Les peines sont donc très lourdes.
Bien sûr, on attendait un cadre juridique avec cette décision de la cour de cassation, car ça fait des mois que les tribunaux sont confrontés à ces problèmes de CBD. Des juridictions condamnaient, d'autres relaxaient, on avait donc clairement un point d'interrogation sur le positionnement à adopter. Mais se pose toujours la question de l'intention du consommateur, et donc du conducteur, de commettre un délit.