JUSTICE – Le parquet a requis ce mardi jusqu'à six mois de prison avec sursis contre douze personnes jugés à Paris pour avoir participé au cyberharcèlement de Mila, après une deuxième vidéo sur l'islam en novembre. La décision a été mise en délibéré au 7 juillet prochain.
"Pour la première fois dans l'Histoire de ce pays, une adolescente de 16 ans et demi a reçu 100.000 messages de menaces de mort. Pour la première fois, une mineure de 16 ans est protégée 24h/24h. Ce que vous avez à juger aujourd'hui, c'est une lapidation collective doublée d'un naufrage numérique". C'est par ces mots que Me Richard Malka, l'avocat de Mila a débuté sa plaidoirie au procès de l'affaire Mila où comparaissaient jusqu'à ce mardi soir 10 hommes et trois femmes poursuivis pour "harcèlement", pour huit d'entre eux "menaces de mort" et pour un autre "menace de crime".
Me Malka en est convaincu, ces 13 hommes et femmes âgés de 18 à 30 ans, de toute la France, de toutes religions ou athées ont "tous participé au lynchage et à la mort sociale de Mila". "C'est tellement chouette d'avoir un bouc émissaire, surtout quand c'est une femme, surtout quand elle est mineure, surtout quand elle est lesbienne", a-t-il dénoncé.
"Ma cliente a une immense soif de justice", a poursuivi l'avocat de la jeune Iséroise tout juste majeure. Puis s'adressant au tribunal : "Vous seul avez le pouvoir d'adresser un message clair net précis, un message de responsabilité pour que la peur ne soit plus que du côté des victimes. Il ne s'agit pas de faire un exemple mais d'appréhender un sujet, le cyberharcèlement, qui brise des vies".
Jusqu'à six mois d'emprisonnement avec sursis requis
Le procureur l'a rejoint dans son réquisitoire au cours duquel il a demandé "une peine d'avertissement" pour les prévenus : trois mois d'emprisonnement avec sursis pour trois d'entre eux, poursuivis pour harcèlement seul, et six mois de prison avec sursis pour neuf prévenus, renvoyés pour harcèlement et menaces de mort. La relaxe a été requise pour un treizième prévenu, au bénéfice du doute au sujet d'un tweet "faut la faire sauter" pouvant référer au compte Twitter de Mila et non à sa personne.
Pour le représentant du ministère public, "chacun des 12 prévenus y va en bonne conscience, au nom de sa religion. On crache sa haine et on oublie. La portée des mots qu'on a eu sur la victime, on s'en fiche pas mal". Le procureur a ainsi rappelé lui aussi que la vie de Mila avait "basculé en janvier 2020 quand répondant à des injures sur les réseaux sociaux" sur son orientation sexuelle, elle avait publié la fameuse vidéo sur l'islam "dans les strictes limites" de la liberté d'expression. Elle y disait : "l'islam, c'est de la merde (...) Votre religion, c'est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir". Conséquences, un "tsunami"de message haineux" et de menaces de mort.
La vague a de nouveau déferlé après le deuxième post de Mila, à l'automne 2020. "Et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s'il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du c... J'les ai toujours pas sortis", disait-elle sur Tik Tok. Là encore, pluie de menaces et de harcèlement qui valent à 13 jeunes d'être jugés aujourd'hui.
Ce procès aura réuni "un nuancier de la bêtise et de la haine de proximité, qui va du cuisinier qui veut mettre un coup de bite à Mila à l'étudiante en psychologie qui veut lacérer son corps avec un couteau", a déploré le procureur. Pour lui, "cette audience doit permettre une prise de conscience pour les prévenus et au-delà. Il n'y a pas d'anonymat sur Internet. Elle doit aussi permettre de faire comprendre que la liberté d'expression n'est pas sans limites. On ne peut pas répondre par des prises à partie personnelles".
Le procureur a estimé que "tous les messages orduriers"ont été "imposés "à la vue de Mila et qu'ils ont eu un "effet indéniable". "Le résultat de ces messages est à chaque fois le même, la dégradation de la santé psychique de Mila, a lâché le procureur. "Déclarer coupable les prévenus ce sera rendre à Mila la dignité qu'on a voulu lui voler", a-t-il souligné.
"Des moyens dignes de l'antiterrorisme"
Les avocats de la défense n'ont pas vu eux parmi ces 13 prévenus les vrais coupables alors que Mila a reçu au moins 100.000 messages de haine. "La partie civile a parlé de naufrage collectif. Nous aurons tous participé à ce naufrage et le ministère public le premier parce que quand on envoie des équipes antiterroriste chercher ces gamins, c'est mettre des moyens dans un dossier qui ne le méritait pas", a plaidé ainsi Me Parise Heideger, avocate de Axel G. dénonçant les conditions d'interpellation des prévenus.
"Ridicule de la part du parquet d'avoir mobilisé des moyens dignes de l'antiterrorisme, du crime organisé", a estimé Me Branco, avocat de Jordan L. qui a critiqué : "la dramatisation à outrance touchant à ces procédures de la part des parties civiles mais aussi du parquet."
"On veut faire une masse indistincte, celle des harceleurs", a déploré pour sa part Me Florent Hennequin, avocat de Lauren G.. "Ce procès ne doit pas être un procès pour l'exemple, mais un procès exemplaire".
Mila, elle, a écouté toutes les parties assise comme depuis le début de ce procès entre ses avocats et sa maman. À la sortie de l'audience, et après que la décision a été mise en délibéré au 7 juillet prochain, elle a voulu partager un message avec les journalistes qu'elle venait de recevoir sur Instagram. "Sale pute", "sale chienne va te pendre", "va te faire foutre sale LGBT, je vais te violer", lui écrit son expéditeur. "Donc visiblement il y en qui n'ont pas envie de comprendre et je trouve ça désolant ", a dénoncé la "fille aux cheveux bleus" avant de quitter le tribunal.
fin du message que #Mila a reçu ce soir et qu'elle nous a lu (il y a tellement de menaces et d'insultes que la vidéo ne tient pas sur un seul tweet, l'appli l'a coupée) . Et Mila de commenter :"donc visiblement il y en qui n'ont pas envie de comprendre et je trouve ça désolant " pic.twitter.com/1tAaEvth4F — Aurélie Sarrot (@aureliesarrot) June 22, 2021
Les prévenus jugés ces 21 et 22 juin encourent deux ans de prison et 30.000 euros d'amende pour le harcèlement en ligne, trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour les menaces de mort. Me Malka a sollicité 5.000 à 10.000 euros de dommages et intérêts à l'encontre de chacun des prévenus.
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