Démantèlement du Bugaled Breizh : près de vingt ans après le naufrage, le mystère reste entier

par Theodore AZOUZE
Publié le 18 avril 2023 à 12h49

Source : JT 20h WE

Le 15 janvier 2004, cinq marins périssaient dans le naufrage de leur chalutier, au large des côtes britanniques.
L'opération de démantèlement du navire débute ce mardi à Brest.
Près de vingt ans après les faits, les circonstances de l'accident restent toujours troubles, et les familles réclament justice.

Simple accident de pêche ou drame causé par un sous-marin ? Près de vingt ans après la mort de cinq marins dans le naufrage du chalutier Bugaled Breizh au large des côtes britanniques, le mystère demeure autour de cette affaire hors norme. Mais le processus judiciaire arrive à son terme, avec ce mardi 18 avril le début du démantèlement du navire à Brest (Finistère). Les familles des victimes pourront conserver certains morceaux du bateau, comme l'hélice, l'ancre ou le nom du bateau peint sur la coque. Samedi 8 avril, un dernier hommage a aussi été rendu à la base navale de la ville portuaire, où se tiennent les travaux de démantèlement. "Une sorte d'adieu", expliquent les familles des victimes.

Objectif : commémorer la mémoire des cinq disparus, sans pour autant renoncer à faire toute la lumière sur le naufrage du Bugaled Breizh. "On continuera à chercher la vérité", assure Thierry Lemétayer, fils d'un des marins noyés dans l'accident. 

La justice française a conclu en 2014 à un non-lieu dans cette affaire, confirmé par une décision de la Cour de cassation en 2016. Depuis le début de l'enquête judiciaire, deux hypothèses s'affrontent. La première, prisée par certains spécialistes, envisage un accident de pêche : un filet du Bugaled Breizh se serait accroché dans le fond marin à une dune de sable, causant ainsi le naufrage rapide du bateau, coulé en moins d'une minute. La justice britannique, qui a aussi enquêté sur l'affaire, a conclu à un accident de ce type, surnommé "croche molle" dans le milieu de la pêche. 

L'hypothèse d'un sous-marin toujours prisée des familles

Mais les familles des victimes, de leur côté, n'ont jamais trouvé crédible cette version des faits. "La thèse de la croche molle ne tient pas la route, soulignait en 2021 sur franceinfo Dominique Launay, le président de l'association SOS Bugaled Breizh. Le chalutier coule en 37 secondes, il faut une force considérable pour envoyer aussi rapidement par le fond un bateau de 24 mètres." Pour les familles, la disparition du navire est liée à la présence d'un sous-marin, auquel se serait accroché le bateau avant d'être emporté vers le fond. Or, un exercice militaire international de l'Otan se déroulait alors dans la Manche. Au moment du naufrage, plusieurs sous-marins militaires, dont un américain et un néerlandais, étaient présents dans une zone proche du chalutier. 

Un autre sous-marin, britannique cette fois, est aussi pointé du doigt par les parties civiles comme un potentiel responsable de la catastrophe. Mais la Royal Navy a toujours démenti être présente dans le secteur le jour de l'accident. Toute l'enquête a été marquée par la difficulté de regrouper des éléments sur le naufrage, les différents États cités dans le dossier refusant de lever le secret-défense de plusieurs documents. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni n'ont ainsi jamais donné accès à la justice française à certaines de leurs données classifiées.

En janvier prochain, cela fera 20 ans que le naufrage du Bugaled Breizh aura eu lieu. Le démantèlement du navire marque donc définitivement la fin de la possibilité d'expertiser le bateau pour trouver d'éventuels nouveaux éléments sur l'accident. Plus de 120 tonnes de déchets sont à traiter par les ouvriers responsables de l'opération sur l'épave. "C'est 13.000 personnes en permanence sur le site qui l'ont côtoyé pendant 19 ans, indique Christian Aït-Hocine, commandant en second de la base navale de Brest, sur France Bleu Breizh Izel. On a une pensée pour les familles, bien évidemment. On a une pensée pour les victimes. C'est aussi une sépulture."


Theodore AZOUZE

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