JUSTICE - Dix ans après la vague de suicides au sein de France Telecom, l'entreprise et ses ex-dirigeants sont jugés lundi 6 mai pour "harcèlement moral", symbole de la souffrance au travail. 35 employés avaient alors mis fin à leurs jours.
L'entreprise France Telecom et ses anciens dirigeants sont jugés, lundi 6 mai, pour harcèlement moral. Le procès débute, dix ans après la vague de suicides au sein du groupe, devenue le symbole de la souffrance au travail. C'était il y a dix ans : France Télécom (devenu Orange en 2013) faisait la Une en raison des nombreux suicides parmi ses salariés. En 2008 et 2009, 35 employés ont mis fin à leur jour. En juillet 2009, un technicien marseillais de 51 ans se suicidait après avoir mis en cause dans une lettre le "management par la terreur". Deux mois plus tard, une salariée de 32 ans se jetait par la fenêtre de son bureau à Paris, sous les yeux de ses collègues. Une première plainte était alors déposée par le syndicat Sud, suivie d'autres, et d'un rapport accablant de l'inspection du travail.
Pendant l'enquête, les juges d'instruction ont examiné les cas de trente-neuf salariés : dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail. Le procès, qui doit durer plus de deux mois, sera suivi de près par les entreprises, les syndicats et les spécialistes du monde du travail : il pourrait aboutir à des condamnations pour un harcèlement moral institutionnel, différent des cas classiques où le lien est direct entre l'auteur présumé et sa victime. France Télécom est la première entreprise du CAC 40 à comparaître pour "harcèlement moral", défini par le code pénal comme "des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail".
Une politique qui vise "à déstabiliser les salariés"
Sur le banc des prévenus prendra place Didier Lombard, qui a dirigé France Télécom de 2005 à 2010. Devant des cadres en 2006, il avait donné le ton : "Il faut qu'on sorte de la position mère poule (...). Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé". Coutumier des formules choc, il avait parlé, au pic de la crise, d'une "mode des suicides", avant de présenter ses excuses. Louis-Pierre Wenes, ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-responsable des ressources humaines, sont renvoyés pour "harcèlement moral" tandis que quatre cadres le sont pour "complicité" de ce délit. Quatre cadres seront jugés pour "complicité". Les juges ont retenu à l'encontre de ces derniers leur participation comme "complices" à la politique du groupe, même en "l'absence de lien hiérarchique avec certains" des salariés, un point contesté par deux d'entre eux lors de l'instruction. Tous encourent 15.000 euros d'amende et un an de prison. France Télécom encourt 75.000 euros d'amende.
Au coeur du procès qui s'intéressera à la période 2007-2010, les plans NExT et Act qui visaient à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l'objectif de 22 000 départs sur 120 000 salariés. Du côté de la défense, on insistera sur le contexte économique. L'entreprise, très fortement endettée, était devenue privée mais comptait encore 65% de fonctionnaires. Elle faisait face à une concurrence particulièrement offensive, avec notamment l'arrivée de Free. Sans oublier le "choc technologique" qui sévit à l'époque : en quelques années, internet et les smartphones ont succédé au minitel et au téléphone fixe. Dans leur ordonnance de renvoi devant le tribunal, les juges soulignent qu'il n'est pas reproché aux ex-dirigeants "leurs choix stratégiques de transformation de l'entreprise, mais la manière dont la conduite de cette 'restructuration' a été faite". "L'entreprise ne nie pas la souffrance des salariés mais conteste avoir mis en place une politique destinée à déstabiliser ses équipes", explique une source proche de la défense.
"La violence sociale comme méthode de management"
Pour les magistrats instructeurs, Didier Lombard "apparaît comme le principal responsable de la mise sous pression de l'entreprise". Il a mis en place "une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés, (...), à créer un climat professionnel anxiogène". Il lui est reproché d'avoir eu recours à "des réorganisations multiples et désordonnées", "des mobilités géographiques forcées", "des incitations répétées au départ" etc.
Le procès s'annonce "exemplaire", pour Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC Orange. "C'est le procès de dirigeants qui ont utilisé la violence sociale comme méthode de management". Pour Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialisée dans la souffrance au travail, c'est "le procès du siècle" qui va s'ouvrir, avec en arrière-fond une question: "En 2019, face aux suicides des agriculteurs, des policiers, des soignants (...) quel est le prix d'un être humain au travail ?"
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