Dix morts, une centaine de blessés : quatre ans après l'incendie de la rue Erlanger à Paris, Essia B. jugée aux assises

Publié le 5 février 2023 à 10h00, mis à jour le 5 février 2023 à 20h54
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Source : Sept à huit life

Le procès d'Essia B., 44 ans, s'ouvre ce lundi devant les assises de Paris.
Cette femme est accusée d'avoir déclenché un incendie dans un immeuble du 16e arrondissement en 2019 après un conflit avec des voisins en raison du bruit.
Dix personnes ont perdu la vie dans ce sinistre et 96 ont été blessées.

"Des flammes partout", "des cris de souffrance", des "corps calcinés", "des personnes" qui "appellent à l'aide" et d'autres "qui se défenestrent". Voilà comment les habitants du 17 bis rue Erlanger, dans le 16e arrondissement de Paris, ont décrit ce moment d'horreur qu'ils ont vécu dans la nuit du 4 au 5 février 2019. 

Ce jour-là, à partir de 0 h 40 et pendant plusieurs heures durant, un incendie a ravagé le bâtiment de huit étages où vivaient ces célibataires, couples et familles. Le bilan est l'un des pires qu'a connu la capitale depuis les années 2000, avec dix morts et près d'une centaine de blessés. Pour venir à bout des flammes, près de 300 pompiers ont été mobilisés. Plusieurs d'entre eux ont été brûlés au cours de ce sinistre que les soldats du feu ont décrit comme étant d'une "violence extrême". 

Près de quatre ans jour pour jour après les faits, Essia B., 44 ans, est jugée à partir de ce lundi 6 février et pendant trois semaines devant les assises de Paris pour "destruction par incendie ayant entraîné la mort et (...) des blessures" ainsi que pour "destruction par incendie de biens (...) de nature à créer un danger pour les personnes"

Un conflit de voisinage

Que s'est-il passé alors dans cet immeuble le soir du 4 février 2019 ? À l'origine du drame, ce qui ressemblait à un simple conflit de voisinage du fait de nuisances sonores et qui, en quelques minutes, a pris une proportion tout autre. 

Vers 23 heures, ce 4 février 2019, Charlotte, la voisine d'Essia B., va toquer à sa porte pour lui demander de baisser sa musique. Essia B. ne lui ouvre pas. Puis l'insulte : "Sale p..., va te faire b... par ton connard de pompier". La voisine repart. Le concubin de Charlotte, Quentin, pompier de profession, décide d'aller à son tour frapper à la porte, "vigoureusement" selon ses termes. Là encore, la porte reste close. Essia B. monte le son, se met à chanter et injurie son voisin. 

De retour chez lui, ce dernier compose le 17, en vain.  Il n'obtient personne au bout du fil. Essia B. jette alors des projectiles sur les volets de ses voisins. Quentin rappelle la police qui, cette fois, répond et envoie un équipage. Sur place, les fonctionnaires échangent quelques mots avec Essia B. qui se plaint que son voisin a cassé sa porte. Après lui avoir demandé de rentrer chez elle, les policiers repartent. Charlotte et Quentin, qui avaient quitté l'immeuble le temps que le conflit soit réglé, recroisent Essia B. "Toi qui es pompier, tu aimes les flammes, ne t'inquiète pas, tu vas en avoir. En tout cas, moi, je m'en vais avant que ça pète" lance-t-elle alors à Quentin qui poursuit sa route avec sa compagne. Arrivé quelques secondes plus tard au deuxième étage, le couple sent alors une forte odeur de gaz et perçoit de la fumée. 

"Maman, j'ai les flammes sur moi"

Des dizaines d'appels sont passés au 18 par les habitants et les voisins tandis que le feu se propage très rapidement à tous les étages.  Plusieurs occupants, pris au piège des flammes, appellent leur proche pour leur dire adieu. Pascale, qui a perdu sa fille Adèle alors âgée de 31 ans, est restée au téléphone avec elle à partir de 0 h 52 et pendant plus d'une heure. 

Adèle, qui s'était réfugiée sur son balcon, allongée en position PLS dans une couverture, lui a décrit la progression de l'incendie. Pascale dit à sa fille de monter sur le toit, mais un pompier qui participe lui aussi à la conversation via un autre téléphone lui dit de ne pas bouger et d'attendre ses collègues. Comme neuf autres personnes, Adèle n'a pas survécu. "Maman, j'ai les flammes sur moi", a dit la trentenaire à sa mère avant de succomber. Pascale reste aujourd'hui convaincue que sa fille aurait pu être sauvée. 

L'accusé a fini par reconnaître les faits

Interpellée à proximité des lieux du drame après avoir mis le feu à une poubelle, Essia B. a été placée en garde à vue après plusieurs heures en cellule de dégrisement. 

Sans profession, sans ressource, cette quadragénaire, célibataire et mère d'un enfant de 10 ans gardé par ses proches, a d'abord contesté les faits avant de reconnaître, en toute fin d'instruction, avoir mis une fouta - une sorte de serviette - sous la porte de ses voisins et l'avoir enflammée. 

Dépendante à l'alcool et aux stupéfiants depuis son adolescence, Essia B. a fait de multiples séjours en hôpital psychiatrique depuis l'âge de ses 17 ans. Les experts ont décrit une personnalité "labile de type borderline". Avant sa dépendance, ses proches font état d'une personne "généreuse" et "intelligente" qui avait décroché son bac. 

Elle était sortie de Saint-Anne le 29 janvier 2019, moins d'une semaine avant les faits. "Il aurait fallu me garder, j'étais encore délirante dans ma tête. Pour moi, ils auraient dû me garder", avait déclaré en 2020 Essia B. au juge d'instruction en 2020. 

Elle a été reconnue responsable pénalement et devra donc répondre, pendant trois semaines, des faits qui lui sont reprochés. 


Aurélie SARROT

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